Interview : Claude Dreschel « L’intelligence artificielle est un vecteur puissant de développement pour l’Afrique »Vendredi 28 Mai 2021 - 13:09 Claude Dreschel a 65 ans et vit en Corée du Sud. Ingénieur en télécommunications, il travaille habituellement en France, mais dans le cadre de son métier, il est amené à voyager un peu partout dans le monde. Parlant de son nouveau roman, il se montre très attaché à l’intelligence artificielle (IA).
Claude Dreschel(C.D) : Le désir d’écrire m’a toujours animé. Il s’est vraiment concrétisé avec l’avènement des traitements de texte. Il s’agissait bien souvent de nouvelles ou plus simplement de courts textes, souvent humoristiques, que je destinais à mes collègues et amis. Sous l’impulsion de mes proches, j’ai décidé de me lancer dans l’écriture d’un roman. Ce récit est né de la rencontre de deux passions, le Japon et l’Intelligence Artificielle(IA). J’ai eu l’occasion de me rendre à multiples reprises au Japon et je dois admettre que ce fut un choc tant culturel qu’émotionnel. D’ailleurs, bien avant ma rencontre avec ce pays et ses habitants, j’avais écrit une nouvelle humoristique qui s’intitulait : « Plus jamais une Japonaise ». Nous étions à l’époque où tous les objets technologiques venaient du Japon et inondaient notre quotidien. Dans les grandes villes, le contraste entre les nouvelles technologies et la tradition est saisissant. Cette capacité qu’ont les Japonais d’innover, d’être attachés à leurs traditions tout en acceptant des situations qui pourraient sembler des plus extravagantes aux yeux des étrangers n’est pas le fruit du hasard. Elles m’ont interpellé au point de les intégrer dans mon roman. Ces dernières années, je me suis intéressé à l’IA. J’ai eu l’occasion, dans le cadre de ma profession, d’utiliser cette technologie. Vous le savez, l’IA progresse à grands pas et génère beaucoup d’espoir, de polémiques et de critiques. Elle est aujourd’hui omniprésente et un grand nombre de personnes à travers le monde l’ont déjà utilisée parfois sans le savoir. Il suffit de posséder un smartphone ou d’aller sur internet pour devenir un utilisateur de l’IA conscient ou pas de son étendue. L.D.B.C. : Vous venez de publier un roman futuriste à la Jules Verne, pouvez-vous en dire un mot ? C.D. : Le roman que je viens de publier, intitulé « Le code de Kyoto », est un roman d’anticipation-fiction qui se déroule à Kyoto et sur Callisto, une lune de Jupiter, à l’aube du 23e siècle. Les humains et les humanoïdes coexistent harmonieusement, mais la réalité est tout autre. Le récit décrit un monde où l’omniprésence de l’IA se mêle à la vie des habitants au point de se faire oublier. Il subsiste pourtant çà et là des îlots de « résistance » où les traditions ont encore leur place. L’un des personnages, le docteur Satô, passe de l’un à l’autre sans en être affecté. Le décor est en place et des personnages, qui a priori n’auraient jamais dû se rencontrer, seront rapidement plongés dans une intrigue qui bouleversera leur vie à jamais. On me demande souvent pourquoi le récit se situe au Japon. Quand un écrivain bâtit son histoire, il arrive, invariablement et rapidement à se demander où vont se passer les actions. C’est une question primordiale pour le déroulement de l’histoire. C’est au cours d’une discussion informelle avec un collègue japonais que j’ai réalisé que mon récit ne pouvait pas exister ailleurs qu’au Japon. Il serait un peu long ici d’en expliquer le propos, mais il m’a démontré, involontairement, que dans le cadre de ma fiction, tout ce que j’imaginais semblait crédible au Japon. À n’en pas douter, la conquête spéciale occupera une place importante dans les prochaines décennies. Ce fut le cas par le passé. Il en sera de même dans le futur. Dans le cadre de mon roman, certaines actions ont lieu sur une planète lointaine qu’il a fallu qualifier. Aujourd’hui, la Lune et même la planète Mars nous sont presque familières. Il me fallait donc trouver un site réel qui suscite à la fois, la crainte de l’inconnu, l’espoir de grandes découvertes et la promesse d’une vie meilleure, ailleurs. Au 22e siècle, c’est donc à la conquête de Callisto que se lancent des nations comme le Japon. Leur gouvernement fait en sorte que cette part de rêve soit attractive et incite certains de leurs habitants à aller s’installer sur cette planète. À plusieurs titres, cet astre s’avérera plus hostile qu’ils ne l’imaginaient sauf peut-être pour les Humas (humanoïdes). Le roman tente de décrire la vie de ces habitants déracinés et confrontés à de terribles réalités sur le sol gelé de Callisto. Aujourd’hui, je souhaite écrire une suite de ce roman. J’ai besoin de savoir ce que sont devenus les personnages à qui j’ai fait vivre des aventures parfois inhumaines. Je ne leur promets toujours pas une vie paisible, mais je vous garantis, chers lecteurs, que leurs aventures ne s’arrêteront pas aux frontières de leur quartier de Yoshida-Yama. L.D.B.C. : Revenons un peu au-delà de la fiction, quelles opportunités offre l’Intelligence artificielle pour l’Afrique ? C.D. : Je considère que les entrepreneurs africains, au sens large du terme, doivent s’approprier cette technologie et la développer dans et pour leur pays. Ne comptez pas sur les autres pour le faire. L’IA peut être un vecteur de développement des entreprises extrêmement puissant et dans beaucoup de domaines. Il est inconcevable aujourd’hui qu’une startup technologique n’utilise pas l’IA pour se développer. Le continent africain possède un potentiel énorme de talents qui pourraient s’y atteler. Il est doté d’une population jeune, imaginative et talentueuse qui ne demande qu’à apprendre. C’est exactement ce qu’il faut pour développer l’IA. Au cours de mes séjours dans différents pays d’Afrique centrale, j’ai rencontré des gens qui m’ont impressionné par leur sens créatif et leur volonté inébranlable d’apprendre. Ils ignoraient parfois ce qu’ils étaient capables de faire. Donnez-leur la connaissance et les moyens de réaliser leurs rêves et ils bousculeront toutes les idées reçues. Pour concrétiser cette attente, il importe bien entendu que les Etats investissent dans des infrastructures technologiques. Par ailleurs, il existe les cursus classiques des universités pour former des programmeurs. C’est trop coûteux pour beaucoup d’entre-eux. Il pourrait aussi y avoir des initiatives telles que celles de Xavier Niel (le fondateur de Free en France) qui ouvrent des écoles gratuites telles que « 42 ». Ces établissements forment les « génies » de demain. Elles sont accessibles à des jeunes qui n’ont aucune connaissance en informatique, sur dossier. J’espère qu’il m’entend. Il y a sans doute d’autres formes d’initiatives possibles, mais en tout état de cause, le continent africain a des ressources humaines talentueuses et ne doit pas manquer ce virage technologique de l’IA. Propos recueillis par Aubin Banzouzi Légendes et crédits photo :Photo: Claude Dreschel Notification:Non |