Interview. Giacomo Durazzo : « Nous voulons accompagner le Congo dans sa sortie du tout pétrole »

Samedi 6 Novembre 2021 - 11:30

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Nouvel ambassadeur de l’Union européenne (UE) au Congo depuis le 6 septembre, Giacomo Durazzo s’est fixé des axes prioritaires dans le cadre de ce troisième mandat qu’il débute après quatre années passées en Mauritanie et quatre autres précédemment au Mali, entre 2008 et 2012. Dans la continuité des actions entreprises par son institution, il entend œuvrer pour améliorer les relations de coopération avec le pays et renforcer le dialogue avec les autorités, notamment en matière économique. Entretien.

Les Dépêches de Brazzaville (L.D.B) : Monsieur l’ambassadeur, le Congo qui vous accueille fait face à de nombreux défis. Dans ce contexte, quelles seront les priorités de votre mandat ?

Giacomo Durazzo (G.D) : D’abord, il faut rappeler que les relations entre l’UE et la République du Congo sont excellentes. Ce partenariat existe depuis de longues années et se porte bien. Ceci dit, on peut toujours l’améliorer et le renforcer.

Dans ce contexte, je distingue cinq grandes priorités : la diversification de l’économie pour sortir le pays du tout pétrole, la transition vers une économie verte et digitale, la protection de l’environnement, la lutte contre le changement climatique et bien entendu la préservation des forêts et de la biodiversité. Ce pays regorge d’un patrimoine forestier d’une grande richesse qui doit être protégé et conservé.  L’UE peut jouer un rôle dans ce sens.

Autre aspect important, la paix et la sécurité en Afrique centrale, traversée ces dernières années par un certain nombre de crises.  Il est important, pour nous UE, de travailler sur le rôle que joue le Congo pour faciliter et surtout maintenir la stabilité de cet espace communautaire. Au-delà de la sécurité sous-régionale, nous souhaitons également renforcer nos actions liées à la sécurité dans le golfe de Guinée, une zone où sévissent des actes de piraterie maritime, des activités illégales de pêche et où pèsent des menaces sérieuses sur l’environnement du fait de l’exploitation pétrolière.

Toujours concernant la sécurité, cette fois-ci au Congo, nous serons également impliqués dans l’amélioration des conditions de détention dans les commissariats  de police. Le projet est en phase d’élaboration. Nous aurons l’occasion de revenir dessus le moment venu.

L.D.B : Sur quels axes prioritaires comptez-vous mettre un accent particulier ?

G.D : Nous comptons soutenir autant que possible les réformes de l’économie engagées par le gouvernement. Par ailleurs, nous poursuivrons nos efforts en faveur de l’amélioration du climat des affaires mais aussi de la lutte contre la corruption, pour faire en sorte que le pays attire plus d’investisseurs étrangers. Nous contribuerons également au renforcement du commerce entre l’UE et le Congo.  L’atelier que nous avons organisé à la mi-octobre sur les opportunités d’exportation vers l’UE pour les opérateurs économiques congolais s’inscrit dans ce sens.

Sur le plan de la gestion des forêts, nous menons déjà un travail considérable, que nous envisageons d’intensifier. Le développement de nouveaux partenariats concernant la gouvernance forestière, l’agriculture verte, la conservation  ainsi que les relations avec la population riveraine des zones forestières.

L.D.B : Le Congo est en discussion avec le Fonds monétaire international (FMI) en vue de bénéficier de facilités financières. L’UE a-t-elle un droit de regard dans ce dossier ?

G.D : En tant qu’UE, nous ne sommes pas représentés au FMI. Cependant, nous pouvons jouer un rôle de facilitateur parce qu' en coordination avec nos Etats membres qui eux, sont des actionnaires du FMI.

Le moment est relativement favorable et les perspectives semblent intéressantes pour que le Congo parvienne à cet accord grâce à l’embellie pétrolière qui a amélioré la situation de la dette du pays. Cependant, cette embellie ne doit pas conduire le gouvernement à baisser la garde concernant les réformes qui ont été .entreprises. C’est une opportunité certes, mais il ne faut pas la gâcher.

L.D.B : Vous arrivez au moment où le Congo s’apprête à organiser les élections législatives et locales. Quelle pourrait-être la contribution de l’UE dans ce processus ?

G.D : Je voudrais d’abord souligner que le processus électoral est très important, mais que ce n’est pas le seul sujet sur lequel nous pouvons travailler avec les autorités. Il y a également les aspects portant sur le renforcement de l’Etat de droit et de la démocratie.

Sur la question spécifique du processus électoral, l’UE dispose d’un certain nombre d’instruments comme les missions d’observations électorales, les missions d’experts électoraux, les appuis à des observations locales à travers la société civile et le renforcement des capacités de toutes les parties concernées.  Ces appuis peuvent être mobilisés en s’appuyant sur nos priorités politiques et à la demande des autorités car nous n’intervenons pas dans le processus, sans leur accord. Ce volet n’a pas encore fait l’objet d’échanges avec les autorités congolaises. Nous l’aborderons au moment opportun.

L.D.B : Qu’est-ce qui est envisagé avec la société civile congolaise dans ce sens ?

G.D : Dans un Etat démocratique, la société civile a un rôle essentiel à jouer parce qu’elle a un droit de regard et de critique. Nous la soutenons dans le renforcement de ses capacités et dans la mise en œuvre de certains projets et programmes qui concernent les questions de droits de l’homme, de justice sociale et d’appui aux secteurs sociaux. La population vulnérable telle que les enfants, les femmes et jeunes filles ainsi que les peuples autochtones est la principale cible qu’il faut protéger. Les actions en sa faveur sont menées en partenariat avec les autorités concernées.

L.D.B : Autre sujet important, l’UE envisage-t-elle une nouvelle forme d’accord de coopération pour renforcer le dialogue avec les pays OEACP (anciennement pays ACP) ?

G.D : Cotonou est un accord qui date de plusieurs années et qui avait besoin d’être renouvelé sur la base des nouvelles problématiques mondiales. Tout en maintenant l’accord global avec les pays OEACP, nous voulons également développer et organiser notre partenariat sur des spécificités propres à chaque zone (Afrique, Caraïbes et Pacifique). Les négociations ont été menées dans ce sens. Elles ont certes été longues mais se sont finalement conclues et nous sommes actuellement au terme de ce processus. L’accord finalisé devrait entrer en vigueur dans le courant de l’année prochaine, suite à sa ratification par les différents Etats.

Ce nouvel accord donnera une autre dimension à notre partenariat en tenant évidemment compte des problèmes actuels. C’est, d’ailleurs, dans ce cadre qu’il est prévu l’année prochaine un sommet UE-Afrique à Bruxelles.  Nous espérons tous le voir se tenir en présentiel car il a été ajourné à deux reprises. Les thématiques porteront, entre autres, sur la digitalisation, la transition verte, le développement social, les changements climatiques, les migrations et la pandémie de covid-19.

L.D.B : L’Afrique centrale peine à s’intégrer. Forte de ses atouts, croyez-vous en la capacité de cette sous-région et de ses dirigeants à émerger et parvenir à un développement tous azimuts ?

G.D : L’UE croit fermement à l’intégration régionale puisque nous sommes nous-mêmes une organisation née de l’intégration entre nos différents pays. L’union fait la force et je pense que dans ce monde de plus en plus globalisé, soumis à des tensions et à des crises, il est nécessaire que les pays se retrouvent dans une région et que les organisations d’Afrique centrale se réforment, processus que nous soutenons. Je suis optimiste, mais je reconnais qu’il y a encore beaucoup à faire.

L.D.B : Un mot sur l’Equipe Europe Congo ?

G.D : Cette approche qui préconise de travailler conjointement et en étroite coordination avec nos Etats membres est également appelée à se renforcer. Nous voulons lui donner davantage de visibilité, notamment à travers une complémentarité entre les activités financées aussi bien par l’UE que par nos Etats membres. C’est le cas, par exemple, du secteur des forêts qui implique à la fois, l’UE, la France et l’Allemagne.

 

 

 

Propos suscités par Guy-Gervais Kitina

Légendes et crédits photo : 

1-Giacomo Durazzo, nouvel ambassadeur de l'UE en République du Congo/ DR 2- Façade principale du siège de l'UE à Brazzaville/ DR

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