Interview. Jean Itadi : « Nous allons transformer ce malheur en force »

Lundi 4 Octobre 2021 - 17:47

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Le Congrès africain pour le progrès (CAP) pleure depuis quelques jours ses deux vice-présidents, Dominique Nimi Madingou et Christophe Moukouéké, décédés respectivement le 23 septembre à Paris, en France, et le 30 septembre à Brazzaville. Dans une interview accordée à la presse, le président du CAP, Jean Itadi, revient sur ce double choc, les préparatifs des prochaines élections ainsi que la main tendue du premier secrétaire de l’Union panafricaine pour la démocratie sociale (Upads).

Les Dépêches de Brazzaville (L.D.B) : Vous venez de perdre deux membres influents du parti, comment vivez-vous ces moments ? 

Jean Itadi (J.I) : C’est un moment difficile, ce n’est pas simplement deux co-fondateurs du CAP, mais ils sont les vice-présidents du parti. Ils partent en une semaine pratiquement, le destin est parfois cruel. C’est une période très difficile, je ne peux être que triste parce qu’il est évident que j’étais bien plus content quand j’avais ces camarades autour de moi. Maintenant que je perds quelques-uns parmi les plus importants, c’est comme si vous dirigiez une troupe et que les principaux officiers tombent. Il n’y a pas de gaité, ce n’est pas possible.

L.D.B : Peut-on dire que votre rêve vient d’être brisé ?

J.I : Non ! Pas du tout. Ce que nous avons appris de notre éducation personnelle, c’est que dans la diversité, il faut s’affirmer. Si nous devions baisser les bras maintenant, nous ne serons pas à la hauteur de la tâche qui est la nôtre. Ils nous ont choisi pour diriger ce parti, c’est pour faire aboutir les rêves qui sont les nôtres. C’est l’occasion plus que jamais de mobiliser celles et ceux qui auraient pu douter pour dire : ils sont partis mais nous devons tout faire pour gagner afin qu’ils se disent que nous sommes partis, mais le travail se poursuit.

Parce que très peu de partis gagnent avec leur créateur. Pascal Lissouba est l’un des rares, dans les partis démocratiques. Généralement, les créateurs partent et ce sont les générations futures qui viennent et qui gouvernent. Mais, si dans cette marche, les successeurs, les uns avec les autres abandonnent le combat parce qu’il y a un premier obstacle, c’est la catastrophe.

L.D.B : Avec qui allez-vous continuer le combat ?

J.I : En fait, c’est un peu curieux. Il y a quelques temps, nous avons décidé de rajeunir la direction du parti, de faire entrer des intelligences nouvelles, dirigeants généralement jeunes, plein de talent et qui avaient pour le pays un amour certain. Ces jeunes-gens étaient déjà avec nous, il y a d’autres qui arrivent, ils vont faire de sorte que l’instrument soit dans les bonnes mains. Il y a des gens qui viennent, ils savent que leur place est au CAP. Que la disparition des deux vice-présidents n’amène pas le président à lâcher. Il y en a qui adhèrent, qui veulent jouer le rôle. Nous allons transformer ce malheur en force et nous serons plus forts.

L.D.B : Le premier secrétaire de l’Upads, Pascal Tsaty-Mabiala, a tendu la main aux anciens du parti pour le regagner, comment avez-vous appris cette invite ?

J.I : La chance que certains ont, c’est qu’ils n’ont pas été les compagnons de Lissouba, ils ne le connaissent pas. Beaucoup d’entre eux croient que Pascal Lissouba et son combat politique ont commencé avec l’Upads. Le Premier secrétaire de l’Upads nous a tendu la main, mais en politique, on ne procède pas de la sorte. S’il veut qu’on se retrouve, il faut poser les bonnes questions : nous allons nous retrouver pourquoi ? Est-ce qu’on se retrouve parce que nous avons été à des étapes différentes? Le Congo connaît des évolutions, on a défini une ligne politique qui nous permet de nous retrouver mais on ne se retrouve pas comme cela.

Un parti politique ce n’est pas un "matanga", un parti politique ce sont les hommes et les femmes qui se retrouvent pour un combat, mais un combat suppose une direction. Quelle est la direction ? Est-ce qu’on viendra-là pour dire que vous étiez les vice-présidents, on va vous mettre quelque part, puis allons-y seulement? …Ils étaient bien contents qu’on se sépare, pourquoi maintenant on devrait se retrouver ? S’ils veulent, qu’ils mettent en place un programme politique et demandent que l’actuelle direction de l’Upads discute avec les partis politiques qui ont la même ligne. Tendre la main pourquoi, nous avons commis quel crime?

L.D.B: Vous avez boycotté l’élection présidentielle de mars dernier, ce sera-t-il le cas pour les législatives et locales à venir ?

J.I : Je dois vous dire que c’est triste pour le pays, depuis les élections de 1992, le Congo n’a jamais organisé des élections justes, libres et transparentes. C’est la honte du pouvoir parce que c’est une de ses missions de faire que l’alternance, la dévolution du pouvoir se fasse selon les règles démocratiques. Nous ne pouvons pas nous dire qu'on se prive d’élections définitivement sinon pourquoi avoir créé un parti politique? Mais, nous sommes simplement attristés du fait que c’est un coup d’épée dans l’eau. Quand vous avez l’exécutif qui est de la même couleur de manière complète que le législatif, il y a des chambres introuvables parce qu’en démocratie, il y a la séparation des pouvoirs.

 En démocratie, il faut accepter le pluralisme, la compétition, il faut que la population choisisse les meilleurs fils du pays pour conduire les destinées ou la représenter. Nous serons aux élections, nous ferons notre part de travail pour aller aux élections et nous espérons que le pouvoir va bien les organiser cette fois-ci. 

Propos recueillis par Parfait Wilfried Douniama

Légendes et crédits photo : 

Jean Itadi/Adiac

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