Interview. Zénon Mosseli : « Le bois respire comme nous et a une âme »

Vendredi 9 Février 2018 - 18:31

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Des études en électricité à la sculpture sur bois, l’ébéniste nous raconte son parcours parsemé d’aventures, entre quête de l’excellence et désir de vivre de son art. Fils d’un charpentier, il se fraie un chemin grâce à l’héritage transmis par son père. Il expose ses œuvres le long de ce mois de février à la Galerie du Bassin du Congo à Brazzaville. Une exposition temporaire à découvrir.

Les Dépêches de Brazzaville (L.D.B.) : Zenon Mosseli, des études en électricité à l’ébénisterie, pourquoi ce revirement ?

Zénon Mosseli (Z.M.): L’ébénisterie est innée, car je n’ai pas fréquenté des écoles pour peaufiner mon art. J’ai surtout appris auprès de mon père quand j’avais 18 ou 20 ans. C’était un grand charpentier. À force d’aider mon père, cela m’a poussé à faire la sculpture et l’ébénisterie.

L.D.B. : Depuis quand exercez-vous ce métier d’ébéniste ?

Z.M. : Je me suis réellement investi depuis 1983. Mais dans ce métier, il y a beaucoup de difficultés, parce que vous pouvez vendre une œuvre aujourd’hui et il faut attendre longtemps pour en vendre une autre. Parfois vous ne vendez pas à votre prix.

L.D.B. : À voir la finesse avec laquelle vous réalisez vos œuvres, qu’est-ce qui vous motive au quotidien ?

Z.M. : C’est par passion. « Tu as la touche d’un homme qui sort de l’ordinaire », me disait un Français d’origine juive. Après ses conseils, j’ai commencé à travailler avec Me Tamba et Lufua – grands artistes RD congolais- pour avoir la finesse. Me Lufua avait une manière exceptionnelle de fignoler ses œuvres. Cette phase lui prenait beaucoup de temps. Il consacrait tout un mois rien que pour la finition d’une œuvre. En sculpture, mes deux formateurs n’acceptaient pas de faire la copie d’une pièce. Ils ne vendaient que des originaux. Cela m’a réellement inspiré. La vente des œuvres achetées auprès d’autres artistes m’avait beaucoup motivé. Depuis, je me focalise sur la finition. Ce qui fait que mes œuvres soient d’une certaine valeur. Celui qui connaît la valeur de l’œuvre, c’est son auteur, même si l’œuvre a été travaillée par plusieurs personnes. Je réalise des œuvres qui ont de la vibration. Le bois respire comme nous et a une âme. Une œuvre d’art n’a pas de prix, cela dépend de celui qui achète et de celui qui vend.

L.D.B. : Depuis la mi-janvier, vous avez ouvert une exposition solo à la Galerie du Bassin du Congo, quel est votre regard sur le niveau des artistes au Congo ?

Z.M. : C’est depuis 2010 que je laisse mes œuvres à la disposition de la Galerie. En effet, je reçois beaucoup de félicitations pour cette exposition solo. Mais la vérité est qu’il n’y a vraiment pas d’amateurs des œuvres d’art. Il y a des gens qui travaillent pour travailler. Il n’y a pas de symétrie dans leurs œuvres. Même si l’œuvre est stylée, elle doit avoir la symétrie et la proportion. C’est cela une œuvre. Les œuvres qu’on ne peut pas critiquer sont celles que Dieu a faites. Là où s'arrête l’intelligence de mes amis, commence la mienne. Et là où se termine mon intelligence, c’est là où commence celle de Dieu. Ce que je fais, je n’ai pas de semblable que ce soit à Kinshasa ou à Brazzaville.

L.D.B. : Quelles sont les œuvres d’art que vous avez mises en exergue au cours de cette exposition ?

Z.M. : Ngobila bweta b’onè ( Ngobila le grand tourbillon) ; la femme fleur (pour honorer la femme) ; le pouvoir du chef ; le ngola ya ba nanga (le jeu ngola des riches) ; les plateaux, naturel et oval ; les géants de la forêt ; le naturel ; le troupeau en bronze… Ces œuvres ont été réalisées avec les bois de meilleure qualité à l’instar de l’ébène, de l’acajou, du wengué…

L.D.B. : Que voulez-vous ressortir au travers de cette exposition ?

Z.M. : Dans cette exposition, j’ai voulu donner la valeur à nos cultures traditionnelles. Le but est vraiment de mettre en lumière les compétences artistiques des Congolais que beaucoup de gens ignorent. Toutes les pièces que je réalise sont faites à la main. Et tout ce qui se fait à la main doit coûter cher.

L.D.B. : Après cette exposition, comment voyez-vous votre avenir ?

Z.M. : J’ambitionne d’apporter cette exposition sur la scène internationale pour que les autres s’intéressent et s’inspirent de la culture congolaise. Ma vision est donc de mettre en valeur les cultures ancestrales…

Propos recueillis par Josiane Mambou Loukoula

Légendes et crédits photo : 

Photo1: Zénon Mosseli au cours de l'interview Photo 2: L'artiste posant devant ses oeuvres à la Galerie du Bassin du Congo

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