![]() Italie : Le Nigérian assassiné porté en terre dans l’émotion généraleLundi 11 Juillet 2016 - 18:30 Cécile Kyenge a écrit à la veuve : « l’Italie n’est pas un pays raciste ». « Mon frère n’est pas raciste; son meilleur copain est même Maghrébin ». Classique. Il est surprenant de voir combien, devant la justice, des prévenus poursuivis pour des crimes graves, s’accrochent à des détails secondaires pour leur défense. Tout en reconnaissant avoir tué ou volé, ils nient l’avoir fait pour haine ou gangstérisme. Ces jours-ci l’Italie est agitée par une affaire sordide : dans la localité de Fermo, dans les Marches, in fier-à-bras local a insulté une femme nigériane de « singe africain ». Son mari, Emmanuel Chidi Namdi, a pris sa défense mais a été littéralement assommé par l’insulteur-raciste ; coma, mort. L’affaire déchaîne les passions. Dans les médias et dans l’opinion, deux camps se divisent. « Oui, il est déplorable qu’on en vienne jusqu’à tuer ce pauvre garçon mais, avouons-le, il y a quand-même trop d’immigrés en Italie ! », disent certains. D’autres journaux ou opinions, tout en allant dans la même direction, s’ingénient à minimiser. Qui pour trouver des « super témoins », soutenant que le meurtrier, « un fils bien de chez nous », n’a agi que sous l’effet de la colère, à la suite d’une provocation. Qui pour dire le racisme n’entre pas en ligne de compte. « Comment mon frère peut-il être raciste lorsque ces insultes sont celles que nous entendons dans les stades ou dans la bouche des hommes politiques ! Son meilleur ami est d’ailleurs un Maghrébin », a soutenu le frère de l’assassin. L’affaire est devenue politique. Aux funérailles, la présidente de l’Assemblée nationale, Laura Bodrini, est venue stigmatiser un racisme rampant. Même tonalité chez la ministre des Réformes et de l’égalité des chances qui invite la veuve d’Emmanuel à ne pas plonger dans la haine. L’ex-ministre de l’Intégration, l’Italo-congolaise, Cécile Kyenge Kashetu, a écrit elle aussi à la veuve d’Emmanuel : « la haine a détruit ton projet de vie avec Emmanuel, qu’elle ne détruise pas votre rêve. Je serai avec toi aux funérailles pour te dire ceci : va au bout du voyage que tu avais entrepris avec ton Emmanuel ». Dès les premières heures du drame, le ministre de l’Intérieur, Angelino Alfano, qui ne se range pourtant pas dans le camp des colombes, avait nettement pris position appelant à lutter par tous les moyens contre le racisme « sans ni et sans mais ». Dimanche, jour des funérailles d’Emmanuel, la localité de Fermo a organisé une marche silencieuse contre le racisme. Dans l’Eglise du village, de nombreux habitants sont venus s’incliner sur le cercueil du jeune nigérian en signe de respect. L’émotion a été à son comble lorsqu’il a été su que la veuve d’Emmanuel avait autorisé les services hospitaliers à prélever les organes de son mari pour les donner à des malades italiens en attente vitale. Cela, mais pas seulement, a suscité une chaine de solidarité à travers tout le pays. Le meurtre de ce Nigérian ayant fui les violences religieuses de Boko Haram au Nigéria mais tombé sous celles d’un chrétien raciste en Italie, a bouleversé beaucoup de monde. Une université a offert la gratuité des cours de spécialisation en médecine à la veuve qui est inscrite dans un établissement de formation. Une pétition en ligne, demandant aux Italiens de s’excuser pour ce meurtre, a recueilli 25.000 signatures de personnes qui demandent en plus que la nationalité italienne soit accordée à la veuve. Dans sa lettre Cécile Kyenge a écrit, pour rassurer Chinyery, la veuve d’Emmanuel : « L’Italie n’est pas raciste ». Elle-même a eu par le passé à faire face à des insultes racistes pesantes : « orang-outan », « faux docteur ». Une parlementaire d’extrême droite avait même twitté : « qui donc peut violer Kyenge ? »… Elle sait donc de quoi elle parle. Mais parmi les gestes de solidarité, il y en a un qui dérange. L’assassin d’Emmanuel a fait dire par son avocat : « Je suis attristé par ce qui est arrivé. Je ne suis pas raciste. Je reconnais une responsabilité morale, mais pas juridique. C’est pourquoi je cède une partie de mes biens : ma maison, mon terrain et une partie de ma ferme, à la veuve d’Emmanuel ». Dommage que celui-ci ne soit plus là pour apprécier.
Lucien Mpama Notification:Non |