Italie : les immigrés pourront enfin conduire des autobus

Samedi 5 Avril 2014 - 15:54

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La loi d’interdiction, qui date de 1931, est devenue caduque à partir de dimanche 6 avril 2014

C’est une des incongruités de la vie sociale italienne ! Dans la plupart des capitales européennes, ce sont les immigrés qui exercent les travaux les plus humbles. Chauffeurs de taxi, balayeurs de rue, contrôleurs de tram et autres postiers sont le plus souvent issus de l’immigration dans des villes comme Londres, Paris ou Bruxelles. Pas en Italie. Un décret-loi royal datant de 1931, c’est-à-dire sous le régime fasciste de Mussolini, et intitulé  « Loi sur les corporations », interdisait le recrutement de personnes étrangères dans les entreprises de transport public.

À  partir de ce dimanche 6 avril, il n’en sera plus ainsi. Par un décret (N°40, de 2014), paru dans la Gazzetta ufficiale (Journal officiel italien), cette mesure tombe. Non par "bonnisme" mais pour, enfin, obtempérer à une directive européenne contre les discriminations dans le travail. La mesure a mis trois ans pour se rappeler au bon souvenir du législateur italien, mais les choses ne sont pas allées de soi. Comme toujours quand une page historique va se tourner, il a fallu aussi des cas emblématiques devenant, même à leur corps défendant, les porte-étendards de la situation.

Ainsi en 2009, Mohamed Hailoua, un Marocain de 18 ans alors, se voit opposé une fin de non-recevoir à sa demande d’embauche à l’ATM, l’agence des transports de Milan. Pourtant résident régulier, sortie d’une école professionnelle reconnue, il pensait remplir toutes les conditions pour postuler au poste d’électricien. La société lui répondra que le décret de 1931 l’interdit. Non sans avoir souligné que de par sa nationalité marocaine, il n’était pas indiqué de l’embaucher pour un service « particulièrement exposé au risque d’attentat ». Il intentera un procès et le gagnera, mais ne sera jamais embauché.

Le deuxième cas concerne un Congolais de Turin ayant un statut de réfugié et depuis 10 ans résident en Italie. Un jour, il lui prend l’envie de postuler à un poste au sein du GTT, groupe turinois des transports. Il lui est opposé la fameuse loi de 1931. Ne se disant pas vaincu pour autant, il réitère sa demande l’année dernière : même refus. Entretemps, il est devenu citoyen italien par mariage ; est le papa de deux petites filles. « C’est particulièrement injuste. Je suis mari et père mais la loi m’interdit d’être un mari et un père salarié », confie-t-il à la presse.

« Nous sommes satisfaits », a réagi Me Alberto Guariso, membre d’une association de juristes conseillant les immigrés dans leurs démarches. C’est lui qui avait justement été l’avocat-défenseur de Mohamed Hailoua. « Mais nous demandons que la parité s’étende à tous les domaines du travail. Car la situation particulière qui prévalait dans le secteur des transports publics a été vite dépassée par les sentences de condamnation en justice. Mais bien d’autres questions demeurent », dit-il.

« Avant, il fallait être possesseur d’un passeport italien ou européen pour pouvoir participer à un concours de recrutement. Mais depuis septembre dernier une mesure européenne fait obligation aux pays de l’UE de donner les mêmes chances aux étrangers ayant un permis de long séjour, et régulièrement installé sur le territoire d’un pays de l’Union européenne. En Italie, il n’y a qu’une partie de cette directive qui est mise en œuvre. Nous allons très certainement au-devant d’autres procès en la matière », affirme-t-il.

Lucien Mpama