Ituri : la CPI face à la difficile réintégration des ex-enfants soldats

Mercredi 12 Octobre 2016 - 18:35

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Pour la première fois, la Cour pénale internationale (CPI) tient des audiences publiques sur d'éventuelles indemnisations destinées aux victimes de crimes de guerre perpétrés en Ituri à l’est de la RDC entre 2002 et 2003.

Une série d’audiences publiques se tiennent, ces dernières semaines, à la CPI qui, pour la première fois, s’attelle à examiner la possibilité d’indemniser les victimes des crimes de guerre perpétrés en Ituri à l’est de la RDC, entre 2002 et 2003, rapporte une dépêche de l’AFP. Ces victimes, essentiellement des enfants dont certains à peine âgés de onze ans au moment des faits, ont été enrôlés de force dans la milice de Thomas Lubanga en servant soit comme soldats soit comme gardes du corps. Aujourd’hui, il est question d’indemniser tous ces jeunes, filles et garçons, forcés bien malgré eux d’intégrer la milice de Thomas Lubanga par ailleurs prié par la CPI basée à la Haye de payer « personnellement » des indemnisations à ceux qui ont souffert sous sa coupe.       

Après l’épopée de l'Union des patriotes congolais (UPC) dans leur région, de nombreuses victimes souffrent actuellement de stigmatisation une fois de retour dans leurs familles respectives. Après une dizaine d’années passées en dehors du cadre familial, ces enfants rentrent à la maison dans des conditions lamentables, physiquement affaiblis et vulnérables. Les filles rentrent, pour la plupart, avec un enfant issu des viols dont elles ont été victimes. « Beaucoup ont songé au suicide (…) et le rejet de la communauté renforce leur sentiment de douleur », a révélé Brigid Inder, directrice exécutive de Women's Initiatives for Gender Justice cité par l’AFP.

Gagnées par un sentiment d’impuissance face à la stigmatisation dont elles sont l’objet, ces victimes sont condamnées à vivre dans l’isolément et dans la pauvreté. La situation est encore plus pire pour les filles qui perdent tout espoir de convoler en justes noces, repoussées par d’éventuels prétendants qui les jugent indignes du mariage. D’où le désir exprimé par beaucoup d’entre elles de retourner à l’école pour apprendre et gagner à nouveau le respect de leur communauté. C’est, pour elles, la seule voie de sortie pour recadrer leur vie et espérer une réintégration rendue laborieuse.

Au-delà de tout, d’aucuns craignent pour la sécurité de ces victimes, d’autant plus que leur bourreau n'a jamais « reconnu ses crimes ou exprimé ses excuses ». Alors qu’il purge la fin de sa peine dans une prison congolaise et devrait être libéré d'ici 2019, Thomas Lubanga continue de hanter l’esprit de ses victimes qui, à en croire l’AFP, craindraient des représailles si elles parlent. Le gouvernement congolais, à en croire Brigid Inder, directrice exécutive de Women's Initiatives for Gender Justice citée par l’AFP, devrait s'excuser publiquement pour avoir échoué « à protéger les enfants de l'Ituri », cette région riche en or notamment en proie à des violences qui ont fait quelque 60.000 morts depuis 1999.

Le Fonds a alloué un million d’euros au dossier d’indemnisation des victimes de Thomas Lubanga. Ce Fonds, d’après l’AFP, reçoit des contributions volontaires versées par les gouvernements membres de la CPI, d'organisations internationales et de particuliers. En attendant l’approbation par les juges du Plan d’action de trois ans présenté par cet organe indépendant mis en place par le Statut de Rome, traité fondateur de la CPI, les experts souhaitent que la CPI accorde un montant plus élevé et une durée de cinq ans, temps nécessaire à la mise en place de programmes d'éducation, d'aide psychologique et de centres médicaux spécialisés.  Une décision concernant le programme du Fonds et le montant total des indemnisations sera rendu à une date ultérieure, rapporte l’AFP.

Alain Diasso avec AFP

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