« Je m’appelle Fanta Kaba » : une pièce de Kettly Noël présentée à Abidjan au Masa 2014

Samedi 12 Avril 2014 - 3:37

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Kettly Noël est une danseuse et chorégraphe haïtienne née à Port-au-Prince il y a 45 ans. Installée à Bamako depuis 1999, Kettly a énormément contribué au dynamisme  de la vie culturelle de la capitale malienne où elle a créé une compagnie de danse contemporain et le centre culturel Donko Seko ainsi que le festival Danse Bamako Danse

À Bamako, sa ville d’adoption, Kettly Noël fait danser la ville entière. Dans ses spectacles, artistes professionnels et habitants des quartiers se côtoient souvent pour livrer ensemble des performances dans les rues ou les espaces publics bamakois. Pour son dernier spectacle, Je m’appelle Fanta Kaba, la chorégraphe s’est lancée dans une immersion dans la ville malienne à la recherche de nouveaux lieux, tels la rue Princesse avec ses travailleuses de la rue.

C’est ainsi que celle qui inspire aujourd’hui nombre de danseurs et chorégraphes africains se lie d’amitié avec une femme guinéenne, Fanta Kaba. À la découverte  de son intimité, de sa famille et de son histoire, Kettly est impressionnée, fascinée par sa personnalité et décide en accord avec Fanta d’enregistrer leur discussion. De fil en aiguille naît le projet de création du spectacle qui porte le vrai nom de Fanta Kaba.

Je m’appelle Fanta Kaba, l’ambiguïté
La chorégraphe a cependant un rapport ambigu avec les sujets qu’elle aborde, mêlant à la fois prostitution, violence des mots et profondeur du récit. « D'un côté, la prostitution me fascine ! Comment ces femmes arrivent-elles à gérer leur rapports avec leur famille, leur proches ? Et de l’autre côté, elles ont un grand pouvoir sur les clients qui probablement leur  montrent plus de faiblesse et d’intimité qu’à leur propres épouses et familles », raconte Kettly Noël. Dans ce spectacle d’une grande intensité la chorégraphe voulait au départ raconter son histoire personnelle, mais, dit-elle, « je n’ai pas trouvé ma propre personnalité suffisamment intéressante ». Puis d’ajouter : « La rencontre avec Fanta Kaba m'a donné l'idée de faire un spectacle ambigu ou le spectateur se demande si mon personnage sur le plateau est vraiment une prostituée ou si c'est une femme qui vit ses fantasmes. »  Dans la pièce, la danseuse lit des extraits du livre Carnet de bal d'une courtisane de Grisélidis Réal. Les citations très explicites qui frôlent la pornographie sont remplies de fierté et d’un sentiment d'indépendance. « Au début, dit-elle, j’avais honte de prononcer ces paroles très dures, mais avec le temps, je me les suis appropriées naturellement et je balance le texte dans le public avec violence et méprisChaque soir, je joue ce spectacle différemment. Je vis ce personnage. Ça sort directement de mon ventre. »  

Fanta Kaba est très fière d'elle, de son corps, de ses habits et de ses dessous excitants : « Son corps est un costume de scène parfait, c’est pour cela que je me déshabille à la fin du spectacle. »

Dans son immersion dans la ville malienne, Kettly a été fortement saisie à la fois par la fierté et la fragilité des femmes qui travaillent dans la rue. Dans leurs dures réalités planent en elles des rêves de jeunes filles dans l’attente du prince charmant, d’un mariage romantique ou d’un métier célèbre comme modèle, chanteuse ou artiste. « Pour marquer ses rêves dans la dernière partie du spectacle, je sors en robe de mariage très courte et érotique.  Mais je ne prononce aucun jugement, je ne pointe pas le doigt ni sur les prostituées ni sur leur clients. Je ne donne aucune leçon à personne,  je fais mon boulot de danseuse ! »

http://www.donkoseko.com/index.php/en/kettly-noel/spectacles/je-mappelle...

Sasha Gankin

Légendes et crédits photo : 

Photo : Kettly Noël. (© Antoine Tempé)