Journée mondiale du théâtre : une soirée merveilleusement célébrée à Brazzaville

Samedi 29 Mars 2014 - 5:00

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Si l’Institut français du Congo (IFC) a organisé plusieurs activités ce 27 mars à l’occasion de la célébration de cette journée mondiale, il n’en a pas été moins pour le Centre de formation et de recherche en art dramatique (CFrad) où le Théâtre national congolais a présenté en grande première N’Ganga Mayala, ou la jeunesse et la femme au pouvoir, de Ferdinand Mouangassa. La présentation a eu lieu en présence du directeur de cabinet du ministre de la Culture et des Arts, Célestin Akoulafoua

Mise en scène par Marcelin Kiwassi et Pascale Touloulou, respectivement de l’ancienne et de la nouvelle génération du théâtre. Les deux forment ensemble un bon duo de mise en scène : l’un par sa longue expérience d’homme des planches d’une vingtaine d’années, et l’autre par de nouvelles connaissances universitaires, bardé de diplômes qu'il est dans ce domaine.

Cette seconde pièce de Ferdinand Mouangassa, N’Ganga Mayala, où la lettre de l’histoire – précoloniale cette fois – est traitée avec plus de désinvolture que dans Les Apprivoisés. C’est donc le même souci de tirer de l’histoire une leçon pour le présent. Cette pièce a obtenu le premier prix de la Semaine culturelle de 1967 à Brazzaville. Elle a été jouée par la troupe nationale de la République populaire du Congo au Festival des arts africains de Lagos en février 1977.

Que raconte l’histoire ?

Le roi Nganga Mayala décide de remplacer le conseil des anciens, dominé par des nobles soucieux de leur seul intérêt de caste, par un grand conseil où entreront des gens du peuple. Il remplace aussi l’armée de métier par une milice composée de citoyens encadrés par les meilleurs éléments de l’ancienne armée permanente. Ces mesures suscitent l’opposition des grands du royaume et l’hostilité du propre fils du roi Mayala. Le souverain du royaume voisin, N’Goma-Loko, s’étant livré à des actes de provocation aux dépens de trois villages frontaliers qu’il a razziés, l’opposition aux réformes se cristallise sur la question de l’armée nouvelle, commandée par le fils du forgeron du palais, fiancé de Lozi, fille de N’Ganga Mayala.

Les notables du royaume encouragent à la guerre, espérant que le nouvel instrument militaire fera la preuve de son inefficacité et qu’ils pourront ainsi, grâce à l’aide du roi, reconquérir leur pouvoir et restaurer l’ordre ancien. Au grand conseil, les partisans de N’Ganga Mayala défendent l’armée nouvelle et dénoncent la collusion des notables et du souverain étranger. Ils arrêtent des mesures militaires (mobilisation populaire) sans exclure la recherche d’une solution diplomatique. C’est ainsi que M’Boulou, chef de tribu et membre du grand conseil, suggère que les « ennemis de l’intérieur » soient emprisonnés et astreints au travail forcé au lieu de subir le châtiment cruel que la tradition réserve aux criminels : être enterrés vivants sur la place du marché.

Le même conseiller suggère que l’on pourrait aboutir à une solution pacifique du conflit avec le roi N’Goma Loko si Lozi, revenant sur son refus antérieur, acceptait de devenir l’épouse du fils du roi voisin qui l’avait demandée en mariage « trois lunes auparavant ». Cela implique la rupture de ses fiançailles avec le chef de la nouvelle armée, qu’elle aime.

N’Ganga Mayala, tout en convenant qu’une telle solution serait de nature à ramener la paix, fait part à M’Bongolo, son premier conseiller, de ses hésitations : n’ayant aucune confiance en son propre fils, Makaya, violemment hostile aux réformes, caresse l’idée de choisir Lozi pour héritière du trône. Consultée, la jeune fille accepte sans hésitation de se sacrifier pour la paix du royaume, mais Makaya fait preuve d’une telle insolence et d’un tel mépris pour les transformations sociales entreprises par son père que N’Ganga Mayala exprime son intention de choisir sa fille pour lui succéder sur le trône plutôt que d’accepter le mariage avec le fils du roi voisin.

La décision royale est violemment contestée par les membres du grand conseil. Même les conseillers issus du peuple sont hostiles à l’idée de voir une femme exercer le pouvoir. Le plaidoyer féministe du roi ne parvient pas à les convaincre. Furieux d’être évincé, Makaya assassine le fiancé de sa sœur, le chef de la nouvelle armée. Malgré ses sentiments paternels, N’Ganga Mayala impose au grand conseil (enclin à l’indulgence) qui juge le jeune prince l’observation de la loi, et Makaya est condamné à mort. Cependant, une fois la sentence acquise et arguant de l’adoucissement des mesures pénales décidées la veille, le roi obtient que le condamné soit mis à mort par le poison et non selon le barbare rituel de l’inhumation, sur la place du marché. Au cours d’une dernière entrevue pathétique avec les siens, Makaya se repent, approuve les réformes entreprises et obtient le pardon de son père et de sa sœur. Puis il marche courageusement à la mort. Les honneurs funèbres lui seront rendus. Brisé par ces épreuves, N’Ganga Mayala fait part au conseil de sa décision d’abdiquer en faveur de sa fille Lozi. Les conseillers acceptent et la pièce s’achève sur l’intronisation sa la nouvelle reine.

Leçon à tirer

Promotion politique de la femme, soutien actif des jeunes à des transformations sociales progressistes ne sont pas parmi les traits dominants de la société traditionnelle : le passé précolonial sert ici à porter à la scène des problèmes contemporains. Dans cette pathétique pièce, Jacques Moussayandi a joué le rôle du roi ; Adolphine Milandou et Alphonsine Moundélé de la reine ; Raïssa Nzitoukoulou de la princesse ; Richilvie Babela du prince ; Arsène Mbemba ; Maurice Ouabouanadio ; Alexandre Mikouiza ; Patrice Kivili ; Edgard Banackissa, des conseillers ; Marcellin Kiwassi ; Pascale Elzevie Touloulou de la mise en scène ; Magloire Nzoni  du régisseur ; Laurent Kouakou  (Costumes) ; Brechie Ntadi  de bijoutier ; Jacques Loubelo au chant (extrait Ntima Luaka).

Qui est Ferdinand Mouangassa ?

Dramaturge congolais, Ferdinand Mouangassa est né le 18 décembre 1934 à Brazzaville. Il grandit dans le faubourg de Bacongo et fréquenta les écoles Saint-Joseph, Jeanne-d’Arc puis le collège Chaminade. À partir de 1953, il entra au collège Bessieux de Libreville où il fut admis à la première partie du baccalauréat. Peu doué pour les études générales, il retourna à Brazzaville et entra à l’école des infirmiers. C’est à Pointe-Noire où il fut affecté en 1964 en tant que gestionnaire de l’hôpital A.-Cissé qu’il allait vouer l’essentiel de son temps aux animations théâtrales avec la création du théâtre populaire congolais puis son propre groupe le Kamango avant de publier la remarquable pièce Nganga Mayala (premier prix de la première semaine culturelle en 1967). Sans avoir eu le temps d’exploiter à fond ses talents littéraires, il mourut prématurément en France (Créteil, le 15 août 1974) au cours d’un  accident de la circulation.

Qu'est-ce que le Théâtre national congolais ?

Né en 1969 de la fusion de deux troupes de Brazzaville (TUC et Astheco), le théâtre d’union congolais et association du théâtre congolais, le Théâtre national congolais, qui a maintes fois fait ses preuves sur les tréteaux nationaux et internationaux dont la dernière remonte à la deuxième édition du Festival mondial des arts nègres à Dakar (Sénégal), compte bon nombre de jeunes et vieux talents de la crème théâtrale du Congo après de nombreuses pièces jouées çà et là, et dont la grande archive reste La Marmite de Koka-Mbala.

Bruno Okokana

Légendes et crédits photo : 

Photo 1 : L’intronisation de la princesse comme reine. (© DR) ; Photo 2 : La nouvelle reine. (© DR) ; Photo 3 : Le metteur en scène et les acteurs. (© DR)