Le Vatican veut mobiliser contre la traite humaine

Mardi 3 Février 2015 - 16:45

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L’Église catholique va tenir une journée de prière contre les trafics d’êtres humains. Une première

« Un homme qui paye les faveurs d’une femme, n’est pas un vrai homme; un mari qui va avec les filles de joie, n’en est vraiment pas un et un jeune homme qui recourt aux faveurs payantes d’une fille ne sera jamais un fiancé estimable ». C’est par ces mots  quelque peu surprenants que sœur Valeria Gandini, religieuse italienne œuvrant dans la rue pour combattre la prostitution, s’est exprimée mardi au Vatican où on présentait la journée de dimanche prochain, voulue par le pape François pour être la première Journée internationale de réflexion et de prière contre la traite des êtres humains.

Il s’agit d’un phénomène en grave augmentation dans le monde. L’esclavage pur et clair a peut-être disparu sous sa forme planétairement condamnée, mais il revêt aujourd’hui des formes nouvelles. Des formes parfois insoupçonnées. Mais hier comme aujourd’hui, c’est toujours la personne humaine qui est au cœur d’un trafic comme marchandise ou comme bénéficiaire d’une transaction que les seules paroles ne suffisent pas à endiguer. Impuissante, l’ONU indique que 21 millions de personnes, en majorité des jeunes, sont aujourd’hui victimes de différentes formes de traite.

Il s’agit aussi bien des prostitués, hommes et femmes marchandant leur sexe ; d’enfants mis au travail avant l’âge  ou obligés de mendier dans les rues et les places publiques ; de migrants qui se voient prélever des organes vitaux vendus sur un marché aussi secret que florissant ; de domestiques maltraités, de mariages forcés ou d’adoptions illégales. Les religieuses catholiques montent au créneau, Vatican et  pape François soutenant leur lutte. Car « cette situation générale de violence et d'injustice affecte tant de personnes qui n'ont pas de voix et sont simplement des esclaves », estiment-elles.

À plusieurs reprises, le pape François s’est élevé contre « la globalisation de l’indifférence » dans un monde qui regarde des milliers d’êtres humains, candidats à l’immigration illégale vers les pays de bien-être, se noyer en Mer Méditerranée, aux portes de l’Europe sans même une épitaphe sur leurs tombes qui n’existent pas. Il y a deux ans, après une visite inédite en mer, au large du petit port sicilien de Lampedusa où il était parti répandre des fleurs sur cette mer devenue tombeau des anonymes, le souverain pontife était revenu tout ému au Vatican. Il devait y rencontrer un peu plus tard une poignée de survivants d’une noyade d’immigrés auxquels il avait tout simplement avoué ; «  je ne trouve pas les mots à vous dire ».

L’idée de cette Journée de réflexion et de prière sur le trafic des êtres humains part de cette cohérence. Et la date du 8 janvier choisie pour la célébrer n’est pas anodine. C’est ce jour que la liturgie catholique célèbre la saint Joséphine Bakhita, du nom de cette esclave soudanaise rachetée par des religieuses et morte en piété dans un monastère italien, le 8 février 1948. Les catholiques du monde entier sont appelés à s’associer à cette prière. À la fois pour demander la force divine dans ce combat et pour attirer l’attention sur un phénomène où l’action des États confond bien volontiers les victimes et les coupables du trafic. Pour sœur Valeria Gandini, il faut désormais porter les « clients » en prison, pas les prostituées…

Lucien Mpama