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Les parents ont tort d’interdire à leurs enfants de parler les langues provinciales

Lundi 12 Mai 2014 - 0:06

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C’est une véritable interpellation lancée à l’endroit des intellectuels de tout bord, à savoir des ministres, des directeurs, des enseignants, des administrateurs, des hommes de lettres, des médecins, qui pour la plupart commettent la bêtise d’interdire à leurs enfants de parler ou d’esquisser certains vocables de leurs langues provinciales, autrement dit patois, dialectes et autres.

Du coup, le vili, le makouas, le kouyous, le mbochis, le tsangui, le ngaré, le koukouyas, le boma, le mbondzos, et bien d’autres seront inconnus des nouvelles générations. C’est pourquoi lorsque les enfants entendent leurs parents s’exprimer en ces diverses langues, ils les considèrent comme n’appartenant pas à l’une des préfectures du pays. Ils pensent par conséquent que leurs parents sont en train de parler en une langue pour initiés qui leur est inaccessible. « Papa en quelle langue venez-vous de vous exprimer ? », demandait un enfant qui avait bien envie de comprendre ce que son père disait à son cousin d’un certain âge. Et au cousin de répliquer : « Pourquoi n’apprends-tu pas le patois à tes enfants ? » Ce parent s’est tu, n’ayant pas d’arguments à avancer à son cousin.

Cette réalité, qui tend à devenir un effet de mode par snobisme, est un fléau dangereux. Elle touche de nombreuses familles, car rares sont les familles citadines qui apprennent le provincial aux enfants. Ces parents, surtout ceux des décennies 40 et 50 manipulent avec aisance leurs langues provinciales, mais créent des occasions de refus de ces langues par leurs enfants. Ainsi, nous aimerions interroger linguistes et psychologues sur cette question. Est-ce que le fait que les enfants parlent une langue provinciale bloque leurs potentialités de bien apprendre les langues à connotation mondialisée et moderne, à savoir l’anglais, le français, le portugais, le chinois, l’espagnol, le russe, et d’autres ?

Si oui, pourquoi des parents des générations 30, 40 et 50, qui ont commencé leur scolarité pour la plupart dans des villages et minipostes urbains où les langues provinciales se parlaient à haute dose, ont-ils bien assimilé des langues à connotation mondialisée et internationale ? Non, vous parents, arrêtez avec cette façon de faire qui est en soi réductrice et inhibitrice pour l’épanouissement cérébral et socioculturel de l’enfant ! Aujourd’hui, ce sont de nombreux jeunes qui se bousculent au portillon du « monde culturel » pour la promotion des valeurs culturelles avec des festivals en tout genre. Est-ce qu’il est bon de prôner la promotion culturelle lorsqu’on est incapable de parler correctement même un dialecte de chez soi ou une langue provinciale du pays ?

Encore que ces cadres intellectuels qui interdisent à leurs enfants de parler les langues provinciales sont les premiers à s’exprimer en ces langues lors des scrutins législatifs et locaux. En clair, ce n’est pas parce que l’enfant apprend à parler la langue provinciale qu’il sera incapable d’apprendre le français, l’espagnol, l’anglais, le russe, le portugais, ou le chinois. Et cette attitude d’interdire aux enfants de parler les langues provinciales participe bien de l’extinction de ces langues, ce qui n’est pas une bonne chose. Et c’est de cette façon que des langues provinciales sont en train d’être considérées comme relevant des seuls initiés.

Alors, comment promouvoir la culture si l’on refuse de promouvoir les langues provinciales ? La culture qui relève du passé, du présent et des jalons pour le futur s’explique bien dans la langue que les anciens ont utilisée pour nommer ou identifier certains objets. Donc, n’abandonnons pas nos langues provinciales ! Il est bon, au contraire, de les enrichir.

Faustin Akono

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Édition Quotidienne (DB)

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