Lundi sombre : accès de fièvre à Kinshasa

Lundi 19 Janvier 2015 - 18:45

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La capitale a vécu une journée pas comme les autres avec des foyers de tension signalés dans les points chauds ayant conduit à une intervention musclée des forces de l’ordre.

Le décor était planté aux premières heures de la matinée. « Pour un lundi matin, la circulation est très timide. Les usagers de la route ne sont pas rassurés », a indiqué un passant. En effet, les véhicules ont commencé à circuler tardivement mais le trafic était loin de ressembler aux jours ordinaires. « J’ai quitté Limete jusqu’à mon lieu de travail à Gombé sans rencontrer d’embouteillages », a-t-il poursuivi. Autre signe d’un malaise, les élèves ont déserté les artères de la ville. « Beaucoup de parents ont préféré garder leurs enfants à la maison. La veille, il y a eu une mise en garde des politiques », a expliqué un parent. Même les écoles réputées très austères ont pris la précaution de libérer les élèves.

Le trajet nous conduisant au centre-ville s’est passé quasiment normalement. Mais les rassemblements populaires spontanés dans les coins de rues ont témoigné d’une inquiétude grandissante. Jusqu’à 8 heures, il n’y a eu quasiment aucun coup de feu perceptible mais la situation n’était déjà pas bonne. « Nous avons suivi à la radio l’encerclement de la résidence de Vital Kamere à Kasa-Vubu. Il était en réunion  avec le bâtonnier Muyambo. Les forces de l’ordre lourdement armées ont bloqué l’accès à cette maison qui est en fait le siège de son parti, l’UNC », a renchéri un autre kinois. Le leader de l’UNC qui a participé avec d’autres forces politiques de l’opposition à l’appel à la mobilisation populaire aurait été bloqué depuis une heure du matin, selon ses propos recueillis par une chaîne périphérique. Au cours d’un direct sur TV5, Vital Kamere a annoncé des mouvements similaires de protestation au vote de la loi électorale au Nord-Kivu et au Katanga.  

Au centre-ville, l’ambiance est plutôt morose. Le passage régulier des hélicoptères de l’armée a participé à la fois à l’apaisement et à la crispation. « On nous a informés de l’entrée des forces angolaises. Finalement, il paraît que le président angolais est arrivé à Kinshasa pour des entretiens avec son homologue congolais». Effectivement, la chaîne nationale a consacré du temps à cette visite officielle, montrant les deux chefs d’État dans une ambiance très détendue. De son côté, le ministère de la Communication a tenté également de rassurer les Kinois tout en reconnaissant des « débordements ».  

Les nouvelles ont circulé très vite. « Il y a des troubles de mon côté, à Kasa-Vubu. Un véhicule a été incendié. On parle également des mouvements à l’Université de Kinshasa. Mon inquiétude est l’annonce des pillages, de pneus brûlés et des tirs parfois nourris », a confié une journaliste. Selon d’autres informations, un groupe non autrement identifié a pillé une boutique appartenant à des Chinois sur l’avenue Kapela, à Yolo. Sur place, un conteneur de police a été également brûlé mais finalement la situation est rentrée dans l’ordre.

Dès les premières heures de l’après-midi, le centre-ville a commencé à se vider progressivement. « C’est le troisième bus rempli comme un œuf qui quitte le centre-ville. À Limete, j’ai vu les longues colonnes de piétons sur les deux voies du boulevard Lumumba », a dit le journaliste. La journée s’est achevée dans une certaine confusion mais le processus de décrispation était bien en cours, avec des tirs sporadiques de plus en plus espacés. Quelques jeunes ont commencé à se regrouper de nouveau cette fois pour parler d’une journée où la capitale a retenu son souffle.  

Laurent Essolomwa