Lutte contre les antivaleurs : six responsables de l’Observatoire anti-corruption dans le collimateur de la justice

Mardi 23 Juillet 2013 - 17:30

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Après l’arrestation du président de l’Observatoire anti-corruption (OAC), Joseph Mapakou, et quatre de ses collaborateurs, le vice-président de la structure, André Ikongo-Logan, qui bénéficie encore de l’immunité parlementaire, ferait lui aussi l’objet de poursuites judiciaires

La police départementale de Brazzaville a mis aux arrêts avant de les présenter au procureur de la République, cinq des six personnes soupçonnées de concussion, de corruption et de complicité de détournement de deniers publics. Ces dernières se trouvent depuis le 19 juillet à la maison d’arrêt, d’après le porte-parole de la police, le colonel Jean Aive Allakoua.

« Le président de l’OAC est depuis quelques jours aux arrêts, suite à une plainte qui a été introduite par une commission d’enquête interne mise en place par cette structure pour des soupçons de corruption. L’enquête menée par les services de la police judiciaire a révélé des faits constitutifs du délit de concussion, de corruption, de complicité de détournement de deniers publics », a-t-il expliqué le 22 juillet à la presse.

Selon lui, étant donné que ces faits sont prévus et punis par la loi, les procédures ont été montées avec un certain nombre de scellés qui vont concourir à la manifestation de la vérité. La sixième personne, a-t-il expliqué, pour des raisons de procédures, le procureur de la République prendra les dispositions nécessaires avant qu’elle soit également entendue puisqu’elle a été citée dans cette procédure. Il s’agit notamment du sénateur André Ikongo-Logan, vice-président de l’OAC.

En effet, l’affaire concerne quelques marchés passés au sein de l’OAC. Se sentant délaissé et ayant constaté des malfaçons dans un marché qui devrait être entrepris, quelques membres de cette structure ont saisi la police à travers une plainte, en dénonçant publiquement l’entrepreneur qui devait exécuter ces travaux. « Celui-ci, blessé dans son amour propre a mis sur la place publique le fait qu’il n’avait pas pu exécuter les travaux parce qu’on a fait des portions sur l’argent prévu pour ce marché », a commenté Jean Aive Allakoua, insistant sur le fait que leur enquête a bel et bien révélé des faits constitutifs à la concussion, corruption, détournement des deniers publics.

Les conclusions de cette commission d’enquête interne devaient, a-t-il ajouté, aboutir à la prise d’un certain nombre de mesures à l’issue d’une assemblée générale qui n’a jamais pu se tenir, semble-t-il, à cause des blocages.

André Ikongo-Logan : "Il s’agit d’un règlement de compte"

Réagissant à la déclaration du porte-parole de la police, le vice-président de l’OAC qui bénéficie encore de l’immunité parlementaire, a indiqué que le rapport de la commission d’enquête, dont les responsables de l’OAC auraient bloqué l’examen en assemblée générale, n’a pas respecté le principe contradictoire. Ce principe, a expliqué André Ikongo-Logan, veut que les personnes interrogées ou incriminées signent les procès-verbaux d’audition. « Pour inscrire ce point à l’ordre du jour de l’assemblée générale, le bureau avait exigé que le rapport soit sous-tendu par des procès-verbaux dûment signés par les personnes interrogées ou incriminées. La commission d’enquête avait refusé de s’exécuter malgré l’instance de l’un de ses membres de surcroit juge à la Cour suprême. Devant cette situation de blocage par la commission, ce point n’a jamais été inscrit à l’ordre de ces assises », a-t-il reprécisé, indiquant qu'il n'y avait que trois membres de l'OAC à la maison d'arrêt au lieu de cinq personnes comme pense la police.

S’agissant du faux et usage de faux qu'on leur reproche, André Ikongo-Logan a répondu que les responsables de l’OAC, étant les personnes habilitées à signer tous les documents de l’institution, n’avaient aucun intérêt à fabriquer des faux. Pour lui, parmi les pièces perquisitionnées par la police, figuraient les décharges d’un montant de 15 millions FCFA chacune, perçues par deux membres de l’OAC, auteurs de cette plainte pour l’acquisition de deux véhicules utilitaires. « Ces véhicules n’ont jamais été acquis et l’utilisation de la somme de 30 millions FCFA n’a jamais été justifiée conformément à leurs décharges. D’où leur acharnement contre les membres du bureau pour avoir demandé à chacun d’eux de justifier la somme perçue. Ils avaient juré de déstabiliser l’OAC et faire tomber des têtes. Il s’agit donc d’un règlement de compte injustifié pour assouvir leurs intérêts bassement matériels », a conclu André Ikongo-Logan.

Rappelons que le président de l’OAC, Joseph Mapakou, avait présenté en janvier, au cours d’un point de presse, le rapport de conciliation consécutif au litige opposant sa structure à l’entreprise Babylone-Club sur l’exécution des travaux de réhabilitation de son siège. En effet, suite au conflit né de la mauvaise exécution du marché de réhabilitation de l’immeuble du siège de l’OAC, le bureau avait saisi le comité de règlement des différends de l’Autorité de régulation des marchés publics. Celui-ci avait à son tour saisi la direction générale de la surveillance du territoire qui avait permis, après une enquête contradictoire, l’élaboration et la signature d’un rapport de conciliation entre les deux parties.

L’affaire ne fait que commencer, d’autant plus que l’OAC a déjà pris un conseil d’avocat. Et ce serait un premier test pour le Parlement congolais, surtout le Sénat, pour une probable levée de l’immunité de son représentant au sein de cette structure dont le nom est cité dans cette affaire.

Parfait Wilfried Douniama

Légendes et crédits photo : 

Joseph Mapakou et André Ikongo-Logan lors d’un point de presse en début d’année © ADIAC