Ouagadougou-Washington : « Le Burkina Faso n’est pas une terre de déportation »Dimanche 12 Octobre 2025 - 22:29 Face à la pression américaine, le Burkina Faso oppose une fin de non-recevoir à l’accueil de migrants expulsés. Un geste diplomatique fort, révélateur d’un tournant stratégique et souverainiste. Le Burkina Faso a catégoriquement refusé une proposition des États-Unis visant à accueillir sur son sol des migrants expulsés – souvent non burkinabè – dans le cadre de la politique migratoire dure menée par l’administration Trump depuis son retour à la Maison Blanche. Le ministre burkinabè des Affaires étrangères, Karamoko Jean Marie Traoré, a dénoncé une démarche « indécente », en totale contradiction avec la vision du pouvoir de transition dirigé par le capitaine Ibrahim Traoré. « Le Burkina Faso est une terre de dignité, une destination, et non pas une terre de déportation », a-t-il affirmé. Cette déclaration intervient alors que l’ambassade américaine à Ouagadougou annonçait dans le même temps la suspension des services de visas pour la plupart des catégories de résidents burkinabè. Les demandes devront désormais être traitées à Lomé, au Togo. Une mesure perçue par Ouagadougou comme une forme de représailles diplomatiques. Une stratégie américaine d’externalisation migratoire Depuis le début de l’année, plusieurs pays africains ont accepté d’accueillir des personnes expulsées des États-Unis. L’Eswatini, par exemple, a reçu 5,1 millions de dollars pour accepter jusqu’à 160 personnes. Le Ghana, le Rwanda et le Soudan du Sud ont également participé à ces dispositifs controversés, parfois en violation des droits des personnes expulsées. Washington applique une logique d’outsourcing sécuritaire, en délocalisant la gestion migratoire vers des pays du Sud, souvent en échange de financements ou de coopération technique. Une réponse politique et stratégique Le Burkina Faso affiche depuis plusieurs mois une ligne souverainiste affirmée, marquée par la rupture progressive avec les puissances occidentales, notamment la France et désormais les États-Unis. Le refus d’entrer dans la logique d’« accueil contre aide » s’inscrit dans une volonté de préserver sa souveraineté migratoire, mais aussi d’éviter une instrumentalisation géopolitique de son territoire. « S’agit-il d’une pression ? D’un chantage ? », s’interroge le ministre Traoré qui ajoute: « Nous refusons de servir de terrain d’exécution d’agendas qui ne sont pas les nôtres ». Au-delà du symbole, ce choix pourrait avoir un coût économique et diplomatique. Mais pour Ouagadougou, le message est clair : le Burkina Faso veut redevenir maître de ses choix stratégiques, loin des logiques d’alignement ou de dépendance. Noël Ndong Notification:Non |