RDC–M23 : un accord-cadre à Doha, première étape ou énième mirage de paix ?

Mardi 18 Novembre 2025 - 10:46

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Un tournant diplomatique majeur s’est joué samedi 15 novembre 2025 à Doha : le gouvernement de la République démocratique du Congo (RDC) et les rebelles du M23 ont signé un accord-cadre, présenté comme un jalon vers un accord de paix global.

Un geste symbolique, important, mais loin d’être suffisant pour éteindre un conflit qui ensanglante l’Est congolais depuis plus de trente ans. La signature s’est déroulée en présence du négociateur qatari Mohammed al-Khulaifi, confirmant l’ambition du Qatar de s’imposer comme médiateur régional après avoir accueilli plusieurs cycles de pourparlers depuis avril. Washington, sous l’impulsion du président Donald Trump, mène en parallèle une médiation directe entre Kinshasa et Kigali.

Un accord-cadre… sans clauses contraignantes

Le texte signé à Doha n’est pas un accord de paix : il consolide deux protocoles déjà paraphés ces derniers mois, l’un sur le mécanisme de vérification du cessez-le-feu, l’autre sur l’échange de prisonniers. Mais il ne contient aucune obligation juridique, un signe de la fragilité politique du processus. La poursuite des négociations doit désormais porter sur des questions explosives : la restauration de l’autorité de l’État dans les zones sous contrôle du M23, le retour des réfugiés, le statut sécuritaire des territoires conquis, l’accès humanitaire, la réconciliation et la justice après des milliers de morts et plus d’un million de déplacés en un an.

Le M23, un acteur militaire régionalisé

Soutenu par le Rwanda – soutien que Kigali continue de nier tout en en justifiant les motivations –, le M23 a pris en janvier Goma, la plus grande ville de l’Est, avant d’étendre son emprise dans le Nord-Kivu et le Sud-Kivu. Pour Kigali, les rebelles justifient leurs actions par « la menace persistante » des FDLR, groupe armé hutu rwandais impliqué dans le génocide de 1994 et toujours présent en RDC. Mais sur le terrain, ce sont surtout les intérêts miniers, les routes commerciales régionales et les alliances politico-militaires qui structurent l’avancée du M23.

Un processus sous tension dans une région au bord de l’embrasement

L’offensive de 2024–2025 a poussé l’ensemble de la région des Grands Lacs – Rwanda, Ouganda, Burundi – au bord d’un conflit ouvert.
L’ONU estime que plus de 6,9 millions de Congolais sont déplacés internes, un des chiffres les plus élevés au monde. Dans certains territoires du Rutshuru et du Masisi, l’État congolais a totalement disparu. Les diplomates espèrent que l’accord-cadre constitue une « étape structurante ». Mais plusieurs acteurs craignent plutôt un gel temporaire des lignes, le M23 cherchant à consolider ses gains territoriaux et diplomatiques.

Paix durable ou pause tactique ?

Doha offre un espace de dialogue inédit, mais sans pressions internationales réelles ni sanctions en cas de violation du cessez-le-feu, le risque demeure : un accord de papier, dans une guerre bien réelle... La question reste entière : la signature de Doha ouvrira-t-elle enfin la voie à une paix durable, ou ne sera-t-elle qu’un nouvel épisode dans l’interminable conflit de l’Est congolais ?
 

Noël Ndong

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