Regard sur ...les femmes artistes

Samedi 22 Novembre 2014 - 14:30

Abonnez-vous

  • Augmenter
  • Normal

Current Size: 100%

Version imprimable

Ignorant les préjugés de leur entourage, de plus en plus de femmes choisissent les métiers des arts pour s’insérer durablement dans la vie active. Les difficultés ne manquent pas, mais elles sont déterminées à réaliser leur rêve.

"Les artistes ? Tous des voyous !" Combien de fois n’a-t-on pas entendu ce dicton dans la bouche de parents pour dissuader leurs enfants de s’orienter vers les métiers artistiques ? Monsieur Basimba, père de Doctrové, une jeune peintre congolaise, s’en veut encore aujourd’hui d’avoir fait partie de ce lot : "Ce genre de jugement erroné contraint de nombreuses femmes à abandonner leurs rêves. Je suis heureux que Doctrové m’ait tenu tête. Elle m‘a prouvé qu’on pouvait réussir en étant artiste !"

Au Congo, de plus en plus de femmes optent pour les métiers des arts, le plus souvent au grand dam de leur entourage. Encore peu nombreuses, elles travaillent parfois dans des conditions difficiles, mais s’en sortent plutôt bien. "J’ai du financer une partie de mes études et investir dans l’achat de mon matériel (gouache, toile, livres), mais au finish, je suis heureuse, relate Doctrové, contente de s’être inscrite malgré le refus initial de ses parents à l’École nationale des beaux-arts (ENBA) de Brazzaville. Elle ajoute, avec ce que je gagne à présent, j’arrive à me prendre en charge. C’est l’essentiel." En mai dernier, Doctrové Basimba a participé  à la biennale de Dakar. Elle a par ailleurs reçu, en 2012, le 1er prix de peinture lors de la 1ère édition des Rencontres internationales d’art contemporain des ateliers Sahms à Brazza.

Jussie Nsana est, elle, dessinatrice de bandes dessinées et peintre. Elle est arrivée aux arts plastiques en s’inspirant des héros des livres illustrés que sa mère lui offrait. Grâce à ses créations visuelles, elle a reçu le prix de la vidéo lors de l’édition des ateliers Sahms en 2013. Son père, bien qu’hésitant à ses débuts, lui a accordé sa bénédiction. Devant son obstination, ses parents l’ont inscrite à l’ENBA. En 2007, son diplôme en poche, Jussie a ouvert un centre de loisirs à Brazza. Elle y initiait des enfants aux arts. "Ce n’était pas facile tous les jours, mais j’ai décidé d’être artiste et j’y crois ! Quant à mes revenus actuels, je ne me plains pas. J’arrive à m’organiser avec ce que je  gagne."

Depuis qu’elle a été affectée à Pointe-Noire comme professeur de dessin en 2008, son centre de Brazza n’est plus opérationnel. La jeune peintre a toutefois lancé une structure similaire dans la capitale économique, heureuse de partager à nouveau sa passion.

"Je ne peux que les applaudir !"

Rhode Bath-Schéba Makoumbou, quant à elle, a été initiée à la peinture par son père, David, décédé en juin dernier : "Il a été pour moi un guide. Je lui dois ce que je suis aujourd’hui." Grâce à ses expositions à travers le monde, elle a acquis une notoriété. Installée en Belgique, elle a reçu le grand prix des arts et des lettres en 2012 du président de la République du Congo.

Dans la quarantaine, Bill Kouélany, leur aînée, a initié en 2001 les ateliers Sahms, un centre d’arts à Brazzaville dans le quartier Diata "pour donner une visibilité aux artistes d’ici et de Kinshasa. Elle se souvient : Je suis passée par des moments difficiles, mais ce parcours m’a forgée." Elle entraîne désormais d’autres artistes dans sa dynamique personnelle. Les ateliers Sahms ont ainsi permis à sept artistes des deux Congo de présenter leurs œuvres à la biennale de Dakar en mai dernier.

Malgré l’itinéraire parfois semé d’embûches pour ces artistes femmes, elles tiennent bon.  Une attitude remarquable, selon monsieur Owassa, professeur et directeur des stages et travaux pratiques à l’ENBA : "Même si elles sont encore minoritaires, on observe une percée des femmes dans les arts. Je ne peux que les applaudir ! Elles prouvent qu’elles peuvent aussi émerger et s’épanouir dans ce domaine."

 

Berna Marty