Roger Waite : « Nous avons fait de l’agriculture un des axes forts de notre politique de coopération »

Dimanche 30 Mars 2014 - 8:15

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Roger Waite est le porte-parole pour l’Agriculture et le Développement rural de la Commission européenne. Entretien

Comment l’UE peut-elle favoriser la sécurité alimentaire africaine sans tuer l’agriculture locale ?
Il n’est pas possible d’opposer sécurité alimentaire et agriculture locale. C’est avant tout l’agriculture locale qui contribue et peut contribuer à renforcer la sécurité alimentaire. L’Union Européenne (UE) est pleinement engagée à soutenir l’agriculture locale. Nous avons fait de l’agriculture un des axes forts de notre politique de coopération, et une cinquantaine d’États qui bénéficient de ces fonds de développement ont repris l’agriculture dans leurs priorités. En parallèle, l’UE a réformé sa politique agricole commune pour que les soutiens que l’on accorde aux agriculteurs, en Europe, ne portent pas préjudice aux agriculteurs africains. Par exemple, dans le cadre des négociations des accords de partenariat économique, le commissaire Cioloş a annoncé son intention de renoncer totalement aux restitutions à l’exportation pour les produits agricoles destinés aux pays de l’Afrique ayant conclu de tels accords.

La question de la sécurité sanitaire et de la sécurité de l’approvisionnement alimentaire se pose dans le sens de l’Europe vers l’Afrique – les marchés africains sont souvent approvisionnés en produits avariés européens – et dans le sens Afrique-Europe – les productions agricoles encore largement artisanales ne peuvent répondre aux exigences européennes. Quels partenariats pour y remédier ?
Il faut savoir que l’Europe importe beaucoup des pays en développement, plus que les États-Unis, le Canada, la Nouvelle-Zélande, le Japon réunis. Donc, beaucoup de producteurs y arrivent ! Nous avons des accords préférentiels et nous avons également des programmes de coopération pour aider les producteurs locaux à atteindre les standards de production européens. Pour ce qui est des exportations européennes, elles répondent à des critères de production stricts. Je ne peux bien entendu pas accepter que vous disiez que l’Europe exporte des produits avariés alors même que, de plus en plus, le marché européen à l’exportation de produits agricoles et agroalimentaires est un marché de qualité, basé sur des normes de production et les standards sanitaires très stricts.

La question du développement de la recherche agricole pour le développement se pose également. Y a-t-il des partenariats entre chercheurs européens et africains ?
Oui, nous avons des partenariats entre chercheurs européens et africains. Et l’Europe soutient la recherche agricole pour des productions d’intérêt stratégique pour la sécurité alimentaire en Afrique. Le septième programme-cadre de recherche de l’UE (FP7) pour la période 2007-2013 a financé de nombreux projets de recherche ou de coordination dans le domaine agricole à travers lesquels des partenaires africains et européens ont développé des collaborations scientifiques sur des sujets d’intérêts communs. Le nouveau programme-cadre de recherche pour la période 2014-2020, dénommé Horizon 2020, continuera et amplifiera cet effort de recherche, tout en visant à stimuler le développement de solutions innovantes et durables contribuant ainsi à assurer la sécurité alimentaire sur le continent.

Afrique et Europe se sont opposées au sujet des aides financières que cette dernière accorde à des agriculteurs accusés de fausser la compétition sur le marché mondial. Où en est-on aujourd’hui ?
La politique agricole européenne correspond aux attentes des Européens à l’égard de leur agriculture. Les outils qui créaient des distorsions ont été largement démantelés. J’ai déjà mentionné les restitutions à l’exportation. Mais il faut savoir qu’aujourd’hui 95% des aides européennes sont jugées non distorsives à l’OMC. De façon globale, la question n’est pas d’accuser une politique ou une autre, mais plutôt de savoir comment favoriser l’émergence de politiques agricoles à l’échelle de grandes zones régionales. Pour cela, au-delà des fonds de coopération et de développement, l’UE est prête à apporter un appui technique. Nous avons une expertise en matière de construction de politique agricole et développement rural et de gestion des marchés que nous sommes prêts à partager.

L’ONU célèbre cette année l’agriculture familiale. Celle-ci a encore une grande importance en Afrique qui n’a pas encore amorcé de révolution agricole industrielle. Quel soutien l’UE peut-elle apporter à l’Afrique pour faire cette transition ?
L’agriculture familiale est la structure par excellence de toutes les agricultures du monde, y compris en Europe. La très grande majorité des exploitations aujourd’hui sont des exploitations familiales. Il est important de soutenir ce modèle, de moderniser les exploitations tout en gardant ce lien familial et des structures à taille humaine. Car l’agriculture, c’est non seulement la production alimentaire, mais c’est également des emplois et de l’activité dans des zones rurales qui n’existeraient pas sans l’agriculture. Donc oui, l’UE est engagée dans le soutien à la modernisation de l’agriculture, mais il est important qu’elle se fasse en lien étroit avec les populations locales, et pas sans elles. À ce titre, la question du foncier est une question centrale.

Le groupe sucre des pays ACP, dont fait partie le Congo, avait lancé une interpellation l’an dernier sur la remise en cause des quotas d’importation de sucre. Où en est-on sur ce dossier ? Un accord a-t-il pu être trouvé ?
Un accord politique entre le Conseil européen, le Parlement et la commission sur la réforme de la PAC a été conclu en juin 2014. À titre de compromis, le régime des quotas de sucre est supprimé à compter du 30 septembre 2017. La commission demeure fidèle à sa position déjà prise : la fin des quotas est l’option naturelle pour donner au secteur du sucre une perspective à long terme.

Propos recueillis par Rose-Marie Bouboutou