Terrorisme : l’Italie pèse la menace de « loups solitaires » éventuels

Lundi 23 Mars 2015 - 16:55

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Les victimes italiennes de l’attentat contre le musée de Tunis ont reçu un hommage national dans leur pays.

L’Italie en est convaincue : le terrorisme djihadiste qui a désormais et ouvertement promis de s’en prendre à Rome et à ce qu’elle représente, constitue une question à traiter globalement. A Turin, lundi, les victimes italiennes des attentats de mercredi dernier contre le musée du Bardo de Tunis ont été portées en terre après un hommage solennel. Rome s’active au plan diplomatique pour aider à l’extinction du foyer libyen, une des sources d’alimentation de ce terrorisme à fondement religieux.

Le Premier ministre Matteo Renzi et la classe politique italienne dans son grand ensemble en sont convaincus : la parade contre cet activisme passe certainement par des mesures de sécurité renforcées. Elle passe aussi par la coopération des services de renseignement de tout le Bassin méditerranéen et de l’OTAN. Mais elle passe avant tout par le règlement, politique, de la question libyenne. Pays dont elle fut pendant un bref temps une puissance colonisatrice, l’Italie considère la Libye comme prioritaire dans sa diplomatie de paix et clé pour la stabilité de la région.

« Il n’y a aucune option militaire possible en Libye », a réaffirmé à Bruxelles Mme Federica Mogherini. Commissaire de l’Union européenne pour les Affaires étrangères, sa conviction se nourrit aussi de sa forte expérience à la tête de la diplomatie italienne qu’elle a dirigée de février à octobre dernier avant sa nomination à Bruxelles. Une période relativement brève mais au cours de laquelle, elle a conduit une diplomatie de contact. « Résoudre la crise libyenne est un défi mondial. Cela concerne non seulement la sécurité de la Libye mais aussi celle de l’Europe et de l’Afrique », a-t-elle soutenu.

Quelques heures après, elle s’envolait pour Cuba pour un premier contact de l’Union européenne avec les autorités cubaines depuis le dégel récent de leurs rapports avec les Etats-Unis. L’Italie mène donc bien, à titre particulier ou au service des organismes multilatéraux, une diplomatie de l’extincteur, qui peut toutefois se révéler peu adaptée au degré de menace que fait peser sur le monde le djihadisme. Le pays est très largement exposé. Non seulement les menaces par vidéo du groupe Etat islamique se font directement en italien maintenant et promettent de s’attaquer à Rome et au Vatican, mais les services de renseignements pensent qu’il n’y a pas moins de 600 cellules terroristes dormantes en Italie. Il s’agit de personnes dont le radicalisme n’est pas forcément le premier des éléments apparents, mais qui sont  secrètement séduites par l’idéologie de terreur que mènent les fondamentalistes contre  « les mécréants et les infidèles croisées ».

Les services de renseignement ont mis à jour une liste d’une vingtaine de noms de Tunisiens ayant séjourné à des titres variés en Italie et qui forment aujourd’hui la cohorte des « foreign fighters », ces combattants étrangers devenus les exécuteurs de l’ISIS (Etat islamique) en Syrie et/ou en Irak. Or, toujours selon les indications des services, la Tunisie compterait à ce jour le plus fort contingent de ces foreign fighters  dans ces deux pays. 500 d’entre eux seraient revenus en Tunisie, pays que seule la Mer Méditerranée sépare des côtes italiennes, assaillies par les milliers de migrants quittant la Libye.

Les banques de données américaines « crachent » des noms : Essid Sami Ben Khemais, dit Saber: condamné en Italie à 5 ans de prison puis expulsé, il serait aujourd’hui le chef de sécurité du chef de la milice Ansar al Sharia en Syrie. Abdel Ben Mabrouk et Raid Nasri sont passés en Italie ; ont été emprisonnés à Guantanamo, puis se seraient perdus dans les dédales de la vie entre la Tunisie et l’Irak. Dridi Sabri, un autre “ancien d’Italie”, fut condamné à six ans pour terrorisme puis expulsé en 2011 ; il serait encore en prison en Tunisie. Voilà, explique le Département italien de la sécurité, autant de personnalités qui peuvent se muer en « loups solidaires » et frapper sans crier gare au nom de l’ISIS comme les deux assaillants de mercredi à Tunis, formés en Libye.

Divers milieux prenant la mesure du danger appellent à une plus grande vigilance. Place Saint-Pierre à Rome, les forces de sécurité sont désormais visibles. Des fonds supplémentaires ont été alloués à la sécurité. Claudio Lotito, président du grand club romain de football, la Lazio, invite le gouvernement à sécuriser encore davantage les grands stades de la ville et du pays. « Il est évident que les lieux où se rassemblent chaque semaine des dizaines de milliers de personnes représentent aujourd’hui et peuvent représenter des cibles faciles pour des groupes terroristes et des loups solitaires », affirme-t-il. Les autorités invitent à ne pas céder à la psychose.

Lucien Mpama