Théâtre : « Plus que large » ou quand les rondes expriment leur ras-le-bol

Jeudi 9 Juin 2022 - 16:34

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Quatre dames aux formes généreuses ont dit à tour de rôle et en chœur leur vive contrariété à la suite de leur stigmatisation,  des sarcasmes et remarques désobligeantes, leur lot quotidien, alors qu’elles ont choisi de s’assumer. Ce spectacle inédit était offert en avant-première sur les planches du Tarmac des auteurs, le 5 juin, au Festival "Ça se passe à Kin".

 

Un extrait de l'amicale discussion en pleine séance de gymnastique (Adiac)Le collectif XXL a fait fort à l’avant-première de "Plus que large", le 5 juin, au Tarmac des auteurs. Grandes tailles de 42 à 48, Francisca Kobange, Antho Sifu, Furaha Ngoya et Déborah Pezit ont incarné leur propre rôle dans la nouvelle création, un assemblage de leurs histoires personnelles écrit par Papy Mbwiti. Lorsqu’elles font leur entrée sur scène, elles sont précédées par leurs chamailleries et causeries de « grosses » que l’on entend déjà avant de les voir. L’on découvre alors tour à tour ces dames légèrement habillées, un top à fines bretelles comme haut assorti à une minijupe évasée en tissu de pagne fleuri et chaussures de sport aux pieds.

Les présentations faites, elles entrent dans le vif du sujet : le mal-être que ressent « ce corps si charnu sur qui les loups affamés jettent tout leur dévolu ». Les rêves d’enfant jamais réalisés, les déboires et les attentes déçues ressorties dans des confidences à cœur ouvert, des regrets du genre : « mon corps à moi m’a rapporté plus de peine que de joie ». L’amicale discussion lors des efforts fournis en séance de gymnastique dans l’espoir de « ressembler à Chloé Kardashian » car, au final, « il compte énormément le regard des autres », un aveu difficile à faire au début. C’est dire qu’on a fini par en avoir « marre des moqueries et railleries de ces hommes qui se frottent à vous dans les transports ». Dieu merci, le bonheur n’est pas perdu pour toutes  : « J’ai appris à aimer mon corps, à m’aimer moi-même surtout que chaque matin, mon homme me fait sentir comme une reine », affirme avec ravissement la plus forte des quatre.La petite Matondo, victime de la convoitise de pervers à cause de ses rondeurs (DR)

Le ton léger au début devient plus sérieux et même tragique lorsque des pervers portent des regards vicieux sur une enfant, Matondo. « Un enfant reste un enfant, quelles que soient les proéminences de ses formes. Une fille de 11ans, avec des formes, reste un bébé », rappelle-t-on, défendant la cause de la petite victime de viol de son beau-père.

Je suis moi !

"Plus que large" s’achève sur une note très gaie. Les rondeurs des quatre jeunes dames sont mises en valeur dans des tenues sexy : short, robe courte moulante et minijupe. Dansant sur "Kaokokokorobo" de Papa Wemba, refrain repris en chœur, elles enchaînent avec "Karolina" d’Awilo Longomba. Se succèdent alors les déclarations joyeuses et décomplexées : « Je suis forte et plantureuse mais pas une aguicheuse », « Je suis un être humain et je mérite le respect à commencer par celui de ton regard », « Je suis belle et ronde. Je suis moi ! ». Des propos qui confortent la confidence de Furaha Ngoya, qui est à l’origine de la création, au "Courrier de Kinshasa". « Comme par un coup de tête, une idée, une petite folie m’a traversé l’esprit, je me suis dit pourquoi ne pas m’exprimer autrement face à toutes ces stigmatisations ? Car, à chaque fois que l’on vous traite de grosse et que vous vous énervez, vous donnez l’occasion aux gens de continuer à vous traiter de la sorte. Alors, autant le dire une fois pour toute, haut et fort, voilà, je suis comme cela, je l’assume et je m’aime. C’est de là qu’est partie l’idée de ce rêve qui s’est réalisé aujourd’hui »,  a-t-elle dit à la fin de "Plus que large".

Il a fallu près d’une année pour donner forme à "Plus que large", rédiger le texte était la première étape. Sourire aux lèvres, Furaha a affirmé que les propos de la nouvelle création ont été tissés de la somme de leurs maux. « Nous avons passé presqu’une année à y travailler, parce que le texte de cette pièce n’est pas fait de récits ramassés dans la rue. Tout ce qui y est dit sont des histoires personnelles vécues par chacune d’entre nous. Nous y parlons de nous, notre vécu. Et donc, il fallait commencer par écrire, y travailler, tout mettre en musique », a-t-elle dit. Puis, de renchérir : « Il fallait ensuite chercher les financements nécessaires pour la création et tout cela mis ensemble nous a pris une année. Et nous sommes contentes d’y être parvenues ».

Le bon retour du public à l’avant-première à Ça se passe à Kin, un ballon d’essai qui a percuté les esprits, a conforté le Collectif XXL à s’activer à peaufiner la mise en scène de Wedou Wetungani. Dès lors, nous a confié Furaha : « nous allons travailler pour présenter notre grande première, d’ici septembre à octobre. C’est là que, je pense, se fera la sortie officielle du Collectif XXL ».

 

Nioni Masela

Légendes et crédits photo : 

1 -Un extrait de l'amicale discussion en pleine séance de gymnastique / Adiac 2 - La petite Matondo, victime de la convoitise de pervers à cause de ses rondeurs / DR 3 - Les rondes assument leurs rondeurs / Adiac

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