Couleurs de chez nous: « Yaoundé 72 »

Jeudi 28 Février 2019 - 20:39

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Même les Congolais qui ont moins de 20 ans aujourd’hui emploient ce concept. Dans sa première explication, « Yaoundé 72 » évoque la Coupe d’Afrique des nations de football, organisée en 1972 au Cameroun. Donc à Yaoundé ! Cette compétition s’est achevée par le sacre de l’équipe du Congo, les fameux Diables rouges. C’est le premier et l’unique trophée remporté par le pays jusqu’ici.

Depuis, seuls les souvenirs sont restés avec quarante-sept années qui se sont ajoutées sur l’âge des jeunes joueurs qui avaient fait honneur à la République populaire du Congo. Tous sont désormais sexagénaires ou presque. Pour mémoire et en hommage, un quartier de Brazzaville (Moukondo) a vu quelques-unes de ses rues débaptisées aux noms de ces héros. Nul besoin de les citer. Ironie du sort, peu sont des Congolais qui, croisant l’un de ces illustres dans la rue, peuvent encore le reconnaître. Tout comme nombreux sont ceux qui parlent d’eux avec dérision en renvoyant leur mérite au musée du football.

Aujourd’hui, le recours au concept « Yaoundé 72 » a intégré le champ de la moquerie. Il fait allusion aux gens qui ont fait leur époque. Sauf que leurs exploits sont méconnus et aucune reconnaissance ne leur est due. Surtout par les jeunes. Les grandes victimes sont les femmes. En effet, les belles et jolies à l’âge d’or sont tournées en dérision quand elles dépassent la cinquantaine, voire la quarantaine.

Aigris par le refus que les femmes leur opposent, les hommes ont l’art de la vengeance : se moquer des femmes quand celles-ci ont perdu leur beauté et leur allure de jeunesse. On parlera d’elles comme des joueurs de « Yaoundé 72 » qui ne sont plus sur le terrain, ne participent plus aux compétitions et ont célébré leur jubilé. Même s’il leur arrive de chausser les bottines, de réussir un dribble ou de marquer un but lors des matches de maintien de forme (Ewawa), personne ne salue leur mérite.

Il n’y a pas que les femmes. Les retraités, anciens fonctionnaires de l’Etat, sont aussi regardés avec dérision par les jeunes chaque fois que ceux-là les rappellent au sujet du manque d’éthique professionnelle ou de savoir-faire. A l’image du vieux lion qui a perdu ses griffes, le fonctionnaire à la retraite n’a plus d’entregent pour nuire. Son carnet d’adresses, rongé par les souris, ne lui sert plus de sésame ouvre-toi.

Alors que « Yaoundé 72 » fait partie de ces mots qui forcent le respect, les Congolais s’en servent pour se lancer les piques. Dans l’armée, dans l’enseignement, dans la musique, ici et là, les débats ne manquent pas entre les anciens et les jeunes. Les uns cherchent à s’imposer en puisant dans l’histoire, les autres se réfugient sur ce que les œuvres d’hier sont sans impact. On le dira aussi des jeunes journalistes qui n’aiment parfois pas entendre leurs anciens leur conter leur expérience au micro, devant la caméra ou sur les colonnes. Pourtant, cette désacralisation des anciens par les jeunes peut être assimilée au battement d’ailes chez un oiseau touché par la flèche d’un vieux chasseur.

Pour finir : chapeau bas aux anciens !    

Van Francis Ntaloubi

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