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La démocratie à la carte

Samedi 18 Décembre 2021 - 17:06

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Le sentiment partagé par plusieurs observateurs en rapport avec la conférence sur la démocratie, organisée par visioconférence, les 9 et 10 décembre derniers, est que par cette initiative « controversée », le président des Etats-Unis d’Amérique, Joe Biden, n’a pas contribué à faire de la démocratie une quête de tous les instants pour les peuples de toutes les nations dont le rêve est de vivre dans un monde prospère, malgré les difficultés de parcours auxquelles chacune d’elles peut être confrontée.

Grâce aux moyens sophistiqués de la science et de la technologie, 110 pays, en l’occurrence leurs dirigeants, ont essayé d’échanger sur l’avenir de l’humanité dans le secteur où cette dernière pèche le plus : celui des droits humains. Des coïncidences à la fois heureuses et troubles ont composé avec la période choisie par Joe Biden pour débattre de la démocratie à l’échelle planétaire. La première de ces coïncidences est que le sommet s’est clôturé le 10 décembre, date de la célébration annuelle de la Journée internationale des droits de l’homme. La seconde est qu’à tout hasard, le dossier Julian Assange a été remis sur les projecteurs de l’actualité.

Assange est ce journaliste australien âge de 50 ans aujourd’hui, informaticien et fondateur de Wikileaks, une organisation qui s’est révélée en 2010 en publiant des télégrammes diplomatiques classifiés illustrant la manière dont les services de renseignement des grandes puissances opèrent dans le monde. Les Etats-Unis d’Amérique en particulier sont le pays dont les actions, lors des guerres d’Irak et d’Afghanistan, ont été plus exposées. Des révélations qui provoquent gêne et colère aux Etats-Unis, alors que pour ses admirateurs, Assange n’a fait que « son travail ». Depuis, Washington a lancé contre le « cyber-militant » une procédure d’extradition très médiatisée. Refugié à l’ambassade d’Equateur, à Londres, entre 2012 et 2019, l’homme n’est pas au bout de ses peines.

Sur cette dernière affaire et sur d’autres, pour lesquelles la première puissance mondiale n’a pas souvent montré qu’elle coopérait avec le même engouement démocratique (ratification du traité de Rome sur la Cour pénale internationale, fermeture du camp de Guantanamo, etc.), les langues se délient pour inviter le locataire de la Maison-Blanche à balayer devant sa propre porte. A ce titre, estiment ceux qui s’expriment ainsi sans être les porte-parole des Etats non invités au sommet de la démocratie, cette initiative ne pourrait être suivie d’effets. C’est exactement sur le même ton que se sont exprimés les dirigeants russes et chinois. Sont-ils frustrés de ne pas figurer parmi les 110 nations démocratiques « sélectionnées ? ». Peut-être ont-ils en même temps l’occasion de hausser les épaules et s'exclamer: « à quoi bon ! ».

Rappelons tout de même qu’à travers cette rencontre, le président Joe Biden a concrétisé sa promesse de campagne. Cela peut aussi être cohérent avec un slogan qu’il a beaucoup manié durant sa marche vers la conquête du bureau ovale, à savoir America is back, l’Amérique est de retour. Réunir 110 dirigeants sur une thématique considérée comme la meilleure référence de gouvernance pour tout Etat moderne qui se respecte suscite nécessairement le mécontentement de ceux qui n’y ont pas été associés. Surtout que comme les invités, ceux-là organisent des élections pluralistes, autorisent la compétition des partis, laissent la presse travailler tranquillement et les opinions s’exprimer librement. Ne pas être récompensé de tels efforts peut être copieusement « injuste ».

Comme il a promis un autre sommet de même nature, mais en présentiel l’année prochaine, Joe Biden pourrait certainement ouvrir plus largement la liste de ses invités si d’ici-là sa perception change. Etant donné ensuite que ce n’est pas lui qui paye le billet ni le séjour, pourquoi ne pas parler à tout le monde ? Pourquoi vouloir « calculer » si l’objectif est de faire comprendre à ses interlocuteurs qu’ils doivent œuvrer à démocratiser davantage leurs régimes et leurs pays pour le bonheur de l’humanité ? Dans une telle optique, seul le dialogue a le pouvoir de changer les choses en bien car le leadership de l'Amérique, en termes de progrès des nations, pourrait lui être reconnu.

Gankama N'Siah

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Édition Quotidienne (DB)

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