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Kinshasa et Brazzaville

Jeudi 1 Octobre 2015 - 19:32

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Bientôt la reprise du trafic entre Brazzaville et Kinshasa, titraient les Dépêches de Brazzaville, dans sa livraison du mardi 29 septembre 2015. Quelle bonne nouvelle pour ceux qui, comme moi, ont quelque chose dans ces deux villes jumelles ! Les populations de ces deux villes jumelles s’en réjouissent autant. Au-delà de l’accord entre les gouvernements des deux Congo, il faut ici saluer l’activisme de la Cospeco (Commission spéciale de coopération entre Brazzaville et Kinshasa), sous la houlette de son président, Hugues Ngouélondélé, député-maire de Brazzaville et de son vice-président, André Kimbuta Yango, gouverneur de la ville-province de Kinshasa. La croisade de ces deux dirigeants contre l’arrêt du trafic entre les deux capitales les plus proches au monde a payé.

Depuis la Révolution des 13, 14 et 15 août 1963, les relations entre Kinshasa et Brazzaville sont épileptiques. « À la belle époque », comme on disait, avec un brin de nostalgie, passer d’une rive à l’autre était d’une facilité déconcertante. Les populations voisines vivaient dans une parfaite osmose et le trafic entre les deux villes était sans encombres et d’une extraordinaire fluidité. La traversée commençait dès 6 heures du matin jusqu’au début de la soirée ; le week-end elle s’arrêtait à 1 heure du matin. Nos parents débutaient leurs mondanités sur une rive pour la finir sur l’autre. Les Kinois venaient travailler à Brazzaville et rentraient le soir à Kinshasa. Il en était de même pour les Brazzavillois.

Les choses changent à partir de la Révolution des 13, 14 et 15 août 1963. Le président Youlou est renversé. Le Congrès du MNR (Mouvement national de la révolution), en juillet 1964, place le Congo-Brazzaville dans la mouvance socialiste. Les contradictions entre Brazzaville et Kinshasa s’accentuent. En août de la même année, Moïse Tshombe, le Premier ministre de la République démocratique du Congo, décide de renvoyer les Brazzavillois chez eux. Il s’ensuit l’arrêt du trafic entre les deux pays. Quelques temps, après, Youlou  s’évade de sa prison et trouve refuge à Léopoldville.

À la reprise du trafic fluvial, Beau-Saccot Sophie, cette grande dame qui nous a quittés le 18 septembre dernier, se lance dans le commerce entre Kinshasa et Brazzaville. Dans sa foulée, d’autres femmes comme Catherine Koumou et Alphonsine Matwui, Lounda et tant d’autres. Dès cet instant, elle devient la figure emblématique des échanges commerciaux entre les deux villes. C’est donc sans surprise qu’elle est élue présidente des femmes commerçantes de l’URFC (Union révolutionnaire des femmes congolaises), section du Beach, sans discontinuer de 1965 à la fin de ses activités au début des années 90. Trois fois par semaine au début, puis presque tous les jours, par la suite, elle se rendait à Kinshasa. Le soir, elle rentrait, chargée de vivres et de boissons. les gamins du secteur de la Grande école de Poto-Poto guettaient systématiquement son retour. Christian Narcisse Hélault, Omboua Léonas dit Maitre Gwata, Atypo Gotard, Osseyi Pavinatto, Paul et Fonsios (Alphonse) Obambi, Ablosso, Mathurin, Ekogni Bérille  John Ekelebendze Ndouniama Letso, Samiéré, Philippe Lekoba Roy, Yomy, Olingou, entre autres, enfants de la maison et mes compagnons de jeux, sous le prétexte fallacieux d’aider à débarquer les colis, en profitaient pour chaparder le ‘’pain de Léo’’, très prisé à Brazzaville,  et quelques bouteilles de Pepsi Cola, boisson gazeuse, concurrente de la très célèbre marque Coca-Cola, vendue uniquement à Kinshasa. Ils en raffolaient. Nombre de ces gamins sont aujourd’hui des cadres du pays.

Pour revenir au trafic fluvial, entre autres péripéties, il faut signaler l’arrêt du trafic, suite au décès du président Marien Ngouabi en 1979. La présidente des femmes commerçantes du Beach, Beau-Saccot Sophie, es qualité, intervient, avec succès, auprès du président Yhomby Opango et du vice-président du CMP (Comité militaire du parti), Denis Sassou Nguesso pour la reprise du trafic sur le Pool-Malebo. Les relations qu’elle avait avec ces deux personnalités ont, sans doute,  facilité sa démarche. Cette femme d’influence a donc contribué, à sa façon, à la pérennité du commerce des femmes sur le fleuve Congo.

Le Congo éternel, les deux rives confondues, est au-dessus des contingences politiques. Comme on dit, de façon triviale, « ce qui nous unit est plus fort que ce qui peut nous diviser ».

 

MFUMU

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