Art : Grâce Goma Mabiala en route pour toucher le soleil !

Parfois on tombe sur le charme d’un poème couché là, un jour d’octobre 2020, sur la grande toile et resté néanmoins suspendu au fil d’actualité. Sur le réseau social, on « like » en une sorte de réflexe, puis on remonte lentement le fil et l’on parcourt la page comme on mène une enquête. Mais qui est ce poète ? Ce poète n’est pas que.  Il est aussi artiste peintre et chanteur de jazz, nous dit son profil.  « Mec Handicapé », nous dit encore son pseudonyme.  Chose rare chez les artistes de notre république congolaise, le mec est humble. Alors naît le désir de prendre rendez-vous dans une messagerie pour en savoir plus.  Au delà des questions d’usage et des réponses, il y a aussi la biographie reçue qui renseigne...  L’artiste s’appelle Grâce Goma Mabiala, né un 10 septembre 1994 à Pointe-Noire, atteint de la poliomyélite à son jeune âge.  La bio est classieuse, concise, superbement écrite et parle pêle-mêle de Salvator Dali, Basquiat, de réalisme, d’abstrait, de pastels secs et carrés de conté, d’encres, d’aquarelles, d’huiles et de stylos à bille. Un peu plus loin, elle nous parle du Musée du cercle africain où Grâce fait sa première grande exposition en septembre 2021 et d’une fresque, celle du lycée Charlemagne. Quant à l’autre fresque qu’il réalise actuellement avec un collectif d’artistes à l’Institut français de Pointe-Noire, elle attendra sans doute  la prochaine mise à jour de la biographie.

En attendant, il est l’heure des questions et dans cette heure où nombreux sont ceux qui s’inventent des vies et des succès sur les réseaux sociaux, Grâce apparaît sans masque et s’en explique : «  Mon pseudo de Mec Handicapé ? C’est une façon de m’accepter tel que je suis et de me présenter aux autres sans tricher. Je n’en fais pas une montagne. Quant à l’art, il se moque de savoir si l’artiste est handicapé ou non, seule l’œuvre prime. En ce sens, l’art me permet de me sentir sur le même pied d’égalité que les autres, s’il n’existait pas profondément en moi, sans doute me sentirai-je encore plus handicapé ».

 Il y a assurément chez ce garçon une maturité naissante et empreinte d’une grande sensibilité où la fragilité épouse la force d’un seul trait, il y a aussi  cette poésie à l’évidence qui rejette les ombres pour inventer une autre lumière comme en témoigne le nom de l’association qu’il a créée : « Objectif toucher le soleil ».  Alors on s’en retourne sur la page, effaçant le « J’aime » et le remplaçant par un « Cœur ».  Comme un même coup de cœur ressenti pour d’autres talents avant lui, Baudouin Mouanda ou Sardoine Mia, Les Mamans du Congo ou Mariusca Moukengue, d’autres encore...

Et tel qu’écrit  au final sur la biographie de Grâce Goma Mabiala : «  Même le plus difficile peut être vite fait,  seul l’impossible nous demande un peu plus de temps », une citation devenue  son mantra et qui en dit long sur son travail et son sempiternel combat de personne vivant avec handicap.  Une chose certaine : son talent ne souffre d’aucun handicap et Grâce touchera sans trop attendre et à coup sûr le soleil. A moins que ce ne soit le soleil qui vienne directement à lui.