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Blessures communes!

Samedi 11 Juin 2022 - 16:14

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10 juin 1991, ce jour historique, le millier et cent de Congolais, réunis pendant près de quatre mois au Palais des congrès, à Brazzaville, scellèrent l’épilogue de la Conférence nationale souveraine-CNS-. Elle avait commencé le 25 février, dans l’après-midi, et s’était clôturée aux premières heures de la matinée, le 10 juin. L’objectif déclaré de « redéfinir les valeurs fondamentales de la nation afin de bâtir un Etat de droit » se résuma à l’adoption du multipartisme et la libéralisation de plusieurs secteurs d’activités dont celui de la presse.

Les politiques se mirent en scène à travers une mémorable cérémonie de lavement de mains dont les principaux acteurs furent les présidents Denis Sassou N’Guesso, et son prédécesseur Joachim Yhombi-Opango. Les deux hommes symbolisaient cette réconciliation prônée par les états généraux de la nation au moment où elle basculait du régime de parti unique honni, qui eut ses déboires et ses vertus, à celui de la démocratie pluraliste alors magnifié, mais lui aussi porteur d’espoirs et de déceptions.

A ces deux icones de la politique nationale s’en ajoutaient d’autres, actives depuis les premières années de l’indépendance, certaines en délicatesse avec les régimes successifs ; de parfaits inconnus qui se révélèrent au fil des débats de la Conférence ; des femmes et des jeunes décidés à marquer leur temps sortirent du bois. Bernard Kolélas, Pascal Lissouba et d’anciens compagnons des présidents Fulbert Youlou, Alphonse Massamba-Débat, Marien Ngouabi faisaient partie du gros lot. Difficile de les citer tous !

Les échanges entre délégués étaient parfois heurtés, chacun voulant tirer la couverture à soi. Jouant l’interposition entre ces hommes prêts à en découdre, du haut de la présidence des travaux, Mgr Ernest Nkombo, entouré de ses collaborateurs, ne se laissa pas ébranler, mais n’empêcha pas non plus les Congolais de se défouler comme ils le souhaitaient. Il comprenait néanmoins qu’en face de lui se trouvaient des gens vivant essentiellement de calculs pour servir leurs intérêts.

A son Dieu, le prélat demandait d’exaucer le vœu de voir cette réunion bruyante se conclure dans le calme. Il s’imaginait être embarqué avec les conférenciers dans un vol spécial et priait que l’aéronef bondé atterrisse en douceur. Ce fut le cas, grâce, il faut le dire, à la sagesse des plus hautes autorités de l’époque et, finalement de l’ensemble des acteurs politiques, de la force publique restée loyale envers le peuple qu’elle avait la mission de protéger et le pays qu’elle avait l’impérieux devoir de défendre.

Le drapeau vert-jaune-rouge de l’indépendance, en 1960, remonta sur le mât au détriment de l’autre étendard tricolore à dominante rouge adopté au moment où, sous la poussée révolutionnaire, le Congo devint une République populaire en 1969. "Les Trois glorieuses", l’hymne national du régime marxisant céda aussi la place à "La Congolaise", adoptée à l’indépendance. On crut le Congo sorti grandi de ces épreuves, on chanta à tue-tête le chant de la liberté.

C’était avant que la politique politicienne reprenne ses droits sur les vœux de cohésion exprimés à la CNS car de nouvelles déchirures virent allonger la liste des victimes de l’intolérance politique tant décriée. Elevée à quelques pas de là où la nation renaissait, la forêt de l’unité nationale assista médusée à ces fulgurants retours en arrière. Enfin, l’histoire des peuples a toujours été confrontée à des chocs imprévisibles, l’essentiel est qu’ils résistent et en tirent les leçons. La nôtre, au Congo, est faite de grandes blessures, à nous de savoir l’assumer avec courage et honnêteté.

Gankama N'Siah

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