Centrafrique : Denis Sassou N'Guesso face aux autorités de la transition

Lundi 19 Août 2013 - 17:45

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Le chef de l’État congolais a appelé, dimanche à Bangui, les dirigeants centrafricains de transition à prendre la mesure de leurs responsabilités dans la situation actuelle de leur pays. Médiateur dans la crise qui secoue la Centrafrique depuis cinq mois, Denis Sassou N’Guesso s’exprimait au cours d’une rencontre qui réunissait les animateurs des principales institutions de la transition (présidence, gouvernement, parlement), ainsi que les partenaires extérieurs du pays, en marge de la cérémonie de prestation de serment du chef de l’État de transition, Michel Djotodia

 

Arrivé en fin de matinée dans la capitale centrafricaine, le président Denis Sassou N’Guesso avait à cœur de faire le point des avancées enregistrées dans le processus de retour à l’ordre constitutionnel en République centrafricaine (RCA), au terme de la période de transition fixée à dix-huit mois. Un processus encadré par les Accords de Libreville du 11 février, les déclarations de N’Djamena résultant des sommets successifs (21 décembre 2012 et 18 avril 2013) de la Communauté économique des États de l’Afrique centrale (Cééac), et l’Appel de Brazzaville, lancé le 3 mai, à la suite de la réunion du Groupe international d’accompagnement de la transition en RCA.

À ce jour, une lueur d’espoir est constituée par la mise en place effective d’un gouvernement d’union nationale, l’installation du bureau du Conseil national de transition (CNT) et de la Cour constitutionnelle de transition. Mais, les défis restent immenses, les obstacles nombreux, à commencer par les efforts exigés des Centrafricains eux-mêmes.

Tenir les engagements

« Tous les discours que nous avons entendus ce matin sont sur la trajectoire des décisions que nous avons prises au nom de la communauté internationale », a constaté le président Denis Sassou N’Guesso, qui saluait les annonces faites par le chef de l’État de transition, Michel Djotodia, lors de son investiture, mais également les déclarations du président de le Cour constitutionnelle de transition, Zacharie Ndouba, dans son mot de circonstance. Des annonces conformes aux initiatives mentionnées plus haut, a estimé le médiateur : «  Je voudrais féliciter Djotodia pour cette cérémonie émouvante au cours de laquelle il a prêté serment en prenant les engagements que nous avons pris par le passé à Libreville, N’Djamena et Brazzaville. »

Denis Sassou N’Guesso a insisté auprès des nouvelles autorités centrafricaines afin qu’elles appliquent « rigoureusement, dans leur esprit et dans leur lettre, les Accords de Libreville et la Charte constitutionnelle [sorte de loi fondamentale de la transition, NDLR] sur laquelle Michel Djotodia a prêté serment ». Cela passe aussi par « la cohésion des institutions de la transition et de ses principaux animateurs », a ajouté le chef de l’État congolais. De source proche du dossier, sur place à Bangui, les relations entre le chef de l’État de transition, le Premier ministre et le président du Conseil national de transition sont empreintes de méfiance et de rivalités.

Cette situation, conjuguée au manque de moyens et à la gestion critiquée des aides reçues de l’extérieur, retarde la reprise en main par ce qui reste de l’administration publique centrafricaine des structures de l’État qui devraient un tant soi peu lui procurer quelques recettes. À titre d’exemple, indique-t-on, en effet, les services des impôts et des douanes sont investis par des individus incontrôlés qui s’en tirent à bon compte au détriment des caisses publiques. « Je demande à Dieu de faire en sorte que je sois le dernier à prendre les armes dans notre pays », déclarait Michel Djotodia qui, tout en invitant ses compatriotes à se serrer les coudes pour « bâtir une fondation de paix durable », dénonçait « des gens qui se croient en période de campagne électorale ».

Évoquant à son tour les défis qui attendent son gouvernement, le Premier ministre, Nicolas Tiangaye, a indiqué qu’il lui restait, entre autres priorités, à présenter le programme de son équipe devant le CNT. Il s’agira, en principe, d’un programme de politique générale chiffré de la transition, qui sera également soumis au Groupe international de contact appelé à se réunir au mois d’octobre à Bangui. « Sans cette feuille de route du gouvernement, nous ne pouvons pas tenir le délai prévu par la charte constitutionnelle de transition qui va de 18 à 24 mois », a expliqué de son côté le président du CNT, Alexandre Nguendet, qui plaidait également pour une « collaboration sincère » des institutions de la transition.

Visibilité

Autant elle s’allonge, autant la crise centrafricaine perd de sa visibilité au plan international et raréfie les aides, surtout si les acteurs à l’intérieur du pays manquent de volonté politique. L’appel à la responsabilité individuelle et collective lancé par le chef de l’État congolais aux autorités de transition centrafricaine trouve aussi son intérêt au regard des classements que les diplomates, à l’extérieur, font des crises qui minent les États. C’est ainsi qu’évoquant un entretien avec « une personnalité européenne », qui lui déclarait que « le dossier de la RCA passe inaperçu sur le plan international », le président Denis Sassou N’Guesso répondait qu’il n’était pas juste que la communauté internationale laisse ce pays se désagréger. Avec un taux de croissance de moins 11%, plus d’un million de personnes déplacées du fait du conflit (chiffres communiqués par le Premier ministre), la Centrafrique mérite plutôt tout le soutien de ses partenaires extérieurs. « Il est temps que la communauté internationale ait le même regard vis-à-vis de tous les peuples », a plaidé le président congolais. Tiangaye a annoncé que l’Union européenne se proposait de décaisser 20 millions d’euros, soit quelques 13 milliards FCFA.

Pour l’Union africaine, pour l’Union européenne, pour les Nations unies et la Cééac, qui s’exprimaient à travers leurs représentants, le moment est venu pour que la transition qui débute parvienne à sortir la Centrafrique de la situation d’exception dans laquelle elle se trouve. L’enjeu sécuritaire étant entier, tous ont indiqué apporter leur appui à la mise en place prochaine de la Misca  (Mission internationale de soutien à la Centrafrique), le Conseil de sécurité de l’Onu devant prendre une résolution dans ce sens au mois de septembre. « Nous jugerons la qualité de la transition à travers la reforme de l’armée », a lancé le délégué de l’Union africaine.

« La Misca aura pour socle les forces de la Cééac qui agissent en ce moment dans le cadre de la Micopax (Mission de consolidation de la paix en Centrafrique) et qui seront renforcées sous peu », a souligné Denis Sassou N’Guesso qui, après avoir été félicité et encouragé par ses interlocuteurs à poursuive sa médiation, a conclu les débats en soulignant : « Nous seront tous jugés aux résultats ». Les Centrafricains en premier, pourrait-on dire.

Gankama N'Siah