COP 27: un accord in extremis et un bilan contrastéLundi 21 Novembre 2022 - 10:31 Après des négociations longues et difficiles qui ont largement débordé du calendrier prévu, la COP27 s'est terminée dimanche à l'aube après avoir adopté un texte très disputé sur l'aide aux pays pauvres affectés par le changement climatique mais sans nouvelles ambitions pour la baisse des gaz à effet de serre. "Ça n'a pas été facile" mais "nous avons finalement rempli notre mission", a relevé le président de la COP 27, le ministre égyptien des Affaires étrangères, Sameh Choukri. Bien que critiquée par certaines parties comme n'étant pas assez ambitieuse, la résolution finale de cette COP27 aura cependant été adoptée par consensus après une dernière journée marathon de négociations serrées. Deux textes principaux ont été adoptés à Charm el-Cheikh, en Egypte : une déclaration finale appelant à une réduction rapide des émissions de gaz à effet de serre en réaffirmant l'objectif de contenir le réchauffement à 1,5°C, et une résolution sur la compensation des dégâts causés par le changement climatique subis par les pays vulnérables. Très disputée, de nombreux pays dénonçant un recul sur les ambitions définies lors de précédentes conférences et sans ambition nouvelle par rapport à la COP de Glasgow en 2021, la déclaration rappelle le besoin urgent de réductions des émissions mondiales de gaz à effet de serre. Elle réaffirme l'objectif de l'Accord de Paris de contenir l'augmentation de la température moyenne nettement en dessous de 2°C au-dessus des niveaux préindustriels et de poursuivre les efforts pour limiter l'augmentation de la température à 1,5°C. Enfin, elle appelle à accélérer les efforts vers la réduction progressive de l'utilisation du charbon sans capture (de CO2) et la suppression des subventions inefficaces aux combustibles fossiles. Et bien sûr à accélérer les transitions propres vers les énergies renouvelables. De nombreux pays auraient souhaité une mention de la réduction de l'utilisation du pétrole et du gaz, et pas uniquement des subventions. Quant au secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, il a regretté le manque d'ambition de la COP27 pour "drastiquement réduire les émissions". On le sait, les engagements actuels des pays signataires ne permettront pas de tenir l’objectif de l’accord de Paris : contenir l'élévation de la température à 1,5°C, ni même à 2°C par rapport à l'ère pré-industrielle, quand les humains ont commencé à utiliser en masse les énergies fossiles responsables du réchauffement climatique. Ces engagements, s'ils sont intégralement tenus, mettront au mieux le monde sur la trajectoire de +2,4°C en 2100 et, au rythme actuel des émissions, sur celle d'un catastrophique +2,8°C. Or, à près de +1,2°C actuellement, les impacts dramatiques se multiplient déjà. 2022, année record en impacts catastrophiques L'année 2022 a tristement illustré l'accélération des impacts catastrophiques du réchauffement de la planète : sécheresses et insécurité alimentaire au Sahel et dans la corne de l'Afrique, inondations dévastatrices au Pakistan et au Nigeria. Des pays qui contribuent peu aux causes du changement climatique et qui réclamaient un mécanisme financier spécifique, pérenne et prévisible, pour les pertes et dommages qu’ils subissent, et qui se chiffrent déjà en dizaines de milliards. Mais, craignant notamment d'admettre une quelconque responsabilité juridique, les pays riches, gros émetteurs historiques de gaz à effet de serre, s'y refusaient depuis des années. Ce qui passait d'autant plus mal qu'ils n'ont pas tenu leur engagement pris en 2009 de porter à 100 milliards de dollars par an leurs autres financements climat aux pays en développement. Après des années de refus, ils ont finalement accepté que le sujet figure officiellement à l'ordre du jour de la COP de Charm el-Cheikh. Un fonds de compensation réclamé depuis des années Si le sujet n'était pas initialement à l'ordre du jour de la conférence sur le climat, les pays en développement repartent finalement de Charm el-Cheikh avec un accord pour un fonds destiné à compenser les dégâts climatiques qu'ils subissent déjà. Ce fonds d'intervention en cas de pertes et dommages vise à aider les Etats touchés à faire face aux pertes et préjudices, notamment en fournissant et en aidant à mobiliser des ressources nouvelles et supplémentaires. Un comité de transition, chargé des règles de fonctionnement de ces dispositions nouvelles, devra faire des recommandations pour étude et adoption à la COP28 fin 2023. Il faudra en déterminer quels seront les contributeurs. Dans les couloirs de Charm el-Cheikh La bataille diplomatique aura duré jusqu’au bout. Les pays en développement s’étaient présentés en Egypte unis, sous l'étendard d'une proposition du puissant groupe de négociation G77+Chine. Pendant toute la durée de la COP, les organisations non gouvernementales ont maintenu la pression, dénonçant chaque jour en conférence de presse l'égoïsme des "pollueurs historiques" qui, après avoir construit leur richesse sur les énergies fossiles causant le réchauffement, refusent d'aider ceux qui en subissent les conséquences. Pendant ce temps, les conciliabules se multipliaient dans les couloirs, avec des annonces ou rumeurs de projets, contre-projets, mais pas de textes concrets en circulation. Les Etats-Unis, particulièrement visés, sont restés extrêmement discrets, laissant les Européens monter au créneau. Et finir par accepter le principe de la création d'un fonds financier dédié. Un accord aura finalement été trouvé lors d'une ultime réunion de conciliation, après un retournement des petits Etats insulaires, particulièrement menacés par les impacts climatiques. Et l'émissaire chinois pour le climat, Xie Zhenhua, a donné son imprimatur en estimant que le fonds devrait bénéficier à tous les pays en développement mais être orienté "d'abord vers les pays fragiles". Des réactions mitigées dans le monde Dès l’annonce de l’accord de Charm el-Cheikh, les réactions ont afflué pour saluer des avancées dans l'aide aux pays pauvres affectés par le changement climatique mais aussi regretter un manque d'ambition sur la baisse des émissions. Antonio Guterres, secrétaire général de l'ONU : "Nous devons drastiquement réduire les émissions maintenant - et c'est une question à laquelle cette COP n'a pas répondu". "Cette COP a fait un pas important vers la justice. Je salue la décision d'établir un fonds pour les pertes et dommages et de le rendre opérationnel dans un futur proche. Ce ne sera clairement pas assez mais c'est un signal politique tout à fait nécessaire pour reconstruire une confiance brisée". Frans Timmermans, vice-président de la Commission européenne : "Le monde ne nous remerciera pas quand il entendra uniquement des excuses demain". "Ce que nous avons là, c'est un pas en avant trop court pour les habitants de la planète. Il ne fournit pas assez d'efforts supplémentaires de la part des principaux émetteurs pour augmenter et accélérer leurs réductions d'émissions". - Shehbaz Sharif, Premier ministre du Pakistan frappé cet été par des inondations catastrophiques : L'adoption d'un fonds dédié pour financer les dégâts climatiques est "une première étape décisive vers l'objectif de justice climatique". "Il appartient au comité de transition de s'appuyer sur ce développement historique". - Le ministre de l'Environnement d'Antigua-et-Barbuda, Molwyn Joseph, au nom de l'alliance des petits Etats insulaires (Aosis): "Aosis avait promis au monde de ne pas quitter Charm el-Cheikh sans réussir à établir un fonds de réponse pour les pertes et dommages. Cette mission de 30 ans est maintenant accomplie". - Ministère sud-africain de l'Environnement : Le ministère a salué "le progrès supplémentaire" réalisé par l'accord intervenu sur un fonds destiné à compenser les "pertes et dommages" climatiques. Toutefois, "nous pensons qu'une action urgente supplémentaire est nécessaire pour assurer le respect des obligations des pays développés". - Frank Habineza, président du Parti démocratique vert du Rwanda : "Le fait qu'ils aient accepté le fonds pour les pertes et les dommages est une étape très intéressante (...) Toutefois, les grands pollueurs n'ont pas réussi à se mettre d'accord sur de nouvelles mesures de réduction des émissions, ce qui signifie que nous sommes toujours dans une situation d'urgence". - Gabriela Bucher, directrice générale d'Oxfam International : "Si nous nous félicitons de la création du fonds pour les pertes et les dommages, nous restons profondément préoccupés par l'incapacité des pays à s'entendre sur une élimination progressive équitable et urgente de toutes les énergies fossiles". Julia Ndeko avec AFP Légendes et crédits photo :Le discours de clôture du ministre des Affaires étrangères égyptien, Sameh Shukri, à l'issue de cette Cop 27 (Joseph Eid / AFP) Notification:Non |