CSLC : « Le métier de journaliste requiert un esprit d’impartialité », déclare Philipe Mvouo

Mardi 13 Janvier 2015 - 19:00

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En sa qualité d’autorité première de régulation des organes de presse, le président du Conseil supérieur de la liberté de communication (CSLC), Philippe Mvouo a dit sa déception au regard de certains dérapages persistants de la presse congolaise, des insuffisances structurelles mises en relief par le manque de siège et de véritable centre de monitoring, ainsi que d’appuis réels à la presse, alors que cela est prévu dans la loi.

Affirmant sans honte que bien des mauvaises habitudes s’amplifient dans le contexte actuel de passage au tout numérique, le président du CSLC a fait, le 13 janvier à Brazzaville, un bref constat sur l’activité de régulation de l’espace médiatique congolais.

« Avant tout propos, je voudrais vous inviter à observer une minute de silence en mémoire des hauts-conseillers, anciens et nouveaux, de vos autres confrères journalistes et, évènement oblige, de ceux du journal satirique Charlie Hebdo, qui ont été arrachés à la vie, courant 2014 pour les uns et en ce début d’année pour les autres », ainsi débute la cérémonie de présentation de vœux. Un message a été adressé à l’ensemble du personnel du Conseil, aux hauts-conseillers, aux ONG et associations des droits de l’homme et celles œuvrant pour les médias ainsi qu’aux professionnels de l’information et de la communication.

Le président du CSLC a déclaré que nombreux des journalistes se sont à nouveau révélés peu professionnels au sujet du débat autour de la Constitution du 20 janvier 2002. " Il est vrai que le débat autour de la Constitution reste ouvert à toutes les logiques,  quant à se livrer aux commentaires déplacés tendant à instrumentaliser les couches sociales, cette attitude  ne prône pas les vertus du journalisme qui se veut, au demeurant, une science informative. Ainsi, me paraît-il plus que outrageant pour un métier aussi noble que le vôtre, d’exceller dans la diffusion de fausses nouvelles, intoxiquant les populations dans un contexte aussi crucial que celui-ci, à travers des commentaires et critiques qui extrapolent la réalité et dérangent les certitudes. Pourquoi alors explorer les supputations qui germent çà et là, pour en faire une vérité tant journalistique que dogmatique ? ", s’interroge le président du CSLC, avant de poursuivre : "Que les journaux, radios et télévisions qui se plaisent à ce jeu de colporteur, et qui en sous-estiment la dangerosité, fassent un haro sur ce manque criard de professionnalisme".

La notion d’équité dans les médias d’Etat et privés est la règle qui définit le passage des acteurs politiques et de la société civile sur les médias. De même que la couverture de leurs activités et le traitement des informations découlant de celles-ci. Le constat est amer, dit cette autorité de l’organe de régulation. 

« Il serait donc, inacceptable et intolérable que vos plumes et vos micros vous élisent pourfendeurs de vérités, et servent également de piédestaux à un climat délétère sur le paysage médiatique qui est le nôtre. Le métier de journaliste requiert un esprit d’impartialité, d’équilibre et non d’équilibrisme. Le précepte de démocratie convient à votre profession, afin de ne pas glisser vers l’extrémisme, qu’il soit tribal, politique, politicien comme semble développer la tendance dans certains médias en mal de célébrité. Laissez donc le débat sur la Constitution aux politiques, aux intellectuels de tout bord, aux initiés du droit constitutionnel et, in fine, au peuple, le seul qui, en tout état de cause,  a le dernier mot après s’être suffisamment nourri des lumières de ceux-là qui ont une place à la table du débat », fustige-t-il.

Cependant, dit-il, le Conseil a enregistré plusieurs plaintes des partis de l’opposition à ce sujet et s’est vu reprocher une certaine partialité dans le traitement de l’information, sinon la tolérance de ce qu’ils appellent la censure dans les médias publics. « Vrai ou faux, la démocratie implique la contradiction d’opinions et appelle à une confrontation d’idées. Dans la presse écrite, la cible est le parti au pouvoir et ses alliés qui sont l’objet d’un lynchage indécent. Dans l’audiovisuel, la cible, ce sont les partis de l’opposition dans leur stratification. Et si les radiodiffusions et les télévisions privées sont assez tolérantes, la radiodiffusion et surtout la télévision nationale excellent dans le non-respect de cette mesure légale sur la balance de la démocratie », dénonce le président du Conseil, avant de demander à tous les médias, de se ressaisir, car le Conseil sera désormais très regardant sur la question de l’équité.

Par ailleurs, Philippe Mvouo a déploré le manque de siège social digne, avec un monitoring technique, qui selon lui est le handicap bloquant, une tare qui ne peut aider le Conseil à accomplir pleinement ses missions. Néanmoins, il a exhorté le personnel de cette institution à donner le meilleur d’eux pour permettre à notre institution de tenir la barre et apporter à la République ce qu’elle attend d’elle.

Vu le contexte international dominé par les réactions à l’horrible attentat de Charlie Hebdo à Paris, le CSLC a condamné énergiquement cette atteinte ignoble à la liberté de la presse et d’expression, et adresse sa sympathie aux familles éprouvées. Il a réitéré ses condoléances au Conseil supérieur de l’audiovisuel de France.

De l’activité de régulation en 2014

Des séminaires Bridge ont été organisés pour la formation des moniteurs, des observateurs, des acteurs électoraux et des formateurs semi-accrédités ; la couverture médiatique des élections locales a été effectuée dans le strict respect des lois et règlements régissant la profession de journaliste à Brazzaville, Pointe-Noire, Dolisie et Nkayi. Toutes les autres localités du pays où sont installés des médias audiovisuels n’ont pas connu de régulation, en raison de la modicité du budget alloué au conseil à cet effet. Le suivi des médias à travers des visites assez régulières ; le suivi régulier des publications a aussi fait l’objet d’échanges au plan professionnel, de rappels à l’ordre et de mise en demeure.

Des faiblesses ont également été enregistrées courant 2014. Il s’agit de la carte professionnelle qui n’a pas encore été attribuée aux journalistes ; du manque de visibilité des sièges sociaux de certains médias et des dispositions sur le dépôt légal qui ne sont pas observées par les journaux. Déplorant ce fait, le président du CSLC a passé en revue les dépositions depuis 2011. Il en ressort qu’en 2011, 626 journaux ont été déposés ; en 2012, 474 journaux ; en 2013, 354 journaux déposés ; et en 2014, 225 journaux ont été déposés. Vu cette décroissance, le conseil a décidé de prendre des mesures contre les contrevenants à cette disposition légale.

Concernant les préparatifs de la conférence mondiale des télécommunications pour 2015, le conseil a initié les avant-projets des documents préparatoires à la position commune du Congo à la CMR-15 en décembre à Genève en Suisse. L’année 2014 a vu la création du site web du CSLC. Le traitement des plaintes par voie de saisine et d’auto-saisine a été une activité forte, a déclaré mvouo, car ajoute-t-il, si le conseil s’est fait remarquer dans les sanctions légitimement infligées aux organes de presse ayant effectivement commis des délits palpables.

Philippe Mvouo est, par ailleurs, revenu sur les agressions qu’ont subies les journalistes à Brazzaville. Le cas d’Elie Smith journaliste à MNTV et de Sadio Kanté de Reuters. « Le devoir de protection des journalistes qui incombe au conseil ne lui a pas permis d’intervenir et de délibérer pour la simple raison que les deux situations les concernant n’étaient pas directement liées à l’exercice de leur profession ».

Josiane Mambou Loukoula

Légendes et crédits photo : 

Photo1: Philippe Mvouo lisant son allocution Photo2: Philippe Mvouo saluant Jean Obambi (Directeur général de Télé Congo)