Jean-François Mancel : regards sur l’aide publique au développement

Dimanche 30 Mars 2014 - 7:00

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Jean-François Mancel, ancien député européen et membre de la commission des finances, est un spécialiste de l’aide publique au développement. Entretien

L’Union européenne soutient les objectifs du millénaire : faire baisser la pauvreté, éradiquer le paludisme… Pensez-vous que c’est réalisable, connaissant les différentes crises qui sévissent et qui ralentissent le processus en Afrique ?
Si l’on en croit les statistiques les plus récentes, les objectifs du millénaire seront atteints, car l’Afrique a, globalement, décollé. Les taux de croissance, les déficits budgétaires, l’endettement ont de quoi faire rêver les pays développés ! Certes, il existe toujours des disparités importantes, mais l’Afrique est sur le bon chemin, à condition d’accentuer les efforts sur l’hydraulique et l’agriculture.

Les relations entre Europe et Afrique sont des liens de longue date. En tant que parlementaire agissant sur l’attribution du budget, pensez-vous que cet état de fait joue dans le choix des États bénéficiaires ?
C’est surtout vrai pour la France, qui a des liens d’affection très forts avec l’Afrique. Mais l’Union européenne joue désormais un rôle essentiel dans le développement africain, car l’Europe a compris qu’en 2050 l’Afrique sera le continent le plus peuplé du globe, donc celui qui va compter.

La France et l’Angleterre sont connues pour allouer des budgets importants à certains États d’Afrique subsaharienne. Cependant, depuis quelques années, nous observons une floraison d’ONG et d’associations recevant elles aussi des budgets tout aussi considérables. Êtes-vous favorable à cela ?
Les interventions des États demeurent les plus importantes, et de loin. La France est le quatrième contributeur mondial et le second pour la lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme. Mais les États ne peuvent pas tout faire. Par leurs réseaux locaux, leur savoir-faire en matière de santé, de nutrition ou de microéconomie, les ONG ont des domaines d’action qui leur sont propres et qui permettent souvent à l’aide d’atteindre directement les populations qui en ont besoin. À condition que les missions soient bien réparties et évaluées.

Cela fait plus de 25 ans que vous avez quitté Bruxelles, les négociations avec l’Afrique venaient de commencer. Aujourd’hui comment imaginez-vous l’avenir des coopérations entre ces deux entités ? Quels en seront les défis et les objectifs clés ?
Je reviens d’une mission en Afrique de l’Est, où j’ai pu constater l’importance du rôle de l’Europe et la bonne coordination avec les actions bilatérales de ses membres. Cela étant, nous devons agir, notamment dans le prochain FED, pour que les règles de la concurrence soient respectées, et je pense tout particulièrement à la Chine. Par ailleurs, il faut absolument que nous agissions sur la formation professionnelle pour éviter les phénomènes d’inadéquation entre la formation et l’emploi et enfin sur l’agriculture qui m’apparaît trop délaissée.

Par vos nombreux voyages et votre connaissance en matière d’agriculture, vous n’êtes pas sans savoir que l’agriculture est une pratique forte en Afrique, qui permet de s’autoalimenter ou de créer son commerce. Outre l’aide au développement qui se focalise sur la santé, comment l’Union européenne pourrait-elle travailler avec l’Union africaine afin de stimuler les profits agricoles ?
C’est à mon avis une priorité absolue pour les deux raisons que vous évoquez justement : assurer l’autosuffisance alimentaire et donner du travail à des populations qui sont encore très majoritairement rurales en évitant l’exode vers les villes. Beaucoup de politiques agricoles ont échoué en Afrique, car c’est difficile : la complexité de la propriété foncière, les pratiques culturales ancestrales, le climat, l’irrigation sont autant d’obstacles. Mais il faut les surmonter, car la poursuite d’un développement rapide et équilibré de l’Afrique ne peut se passer d’une agriculture dynamique. Je souhaite une grande politique agricole euro-africaine.

Propos recueillis par Grâce Loubassou