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La plus belle femme

Samedi 9 Avril 2022 - 17:00

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Une place difficile à tenir, un rôle difficile à jouer. C’est pourtant au franchissement de ces étapes qu’est appelée l’Ukraine aujourd’hui et certainement depuis bien longtemps : demeurer ce pays charnière entre l’est et l’ouest qui concentre tous les regards et en profiter, pourquoi pas, à faire monter les enchères pacifistes chaque fois que l’une ou l’autre partie se dédie de ses engagements à lui assurer la sécurité. Kiev bénéficierait alors des prestations de tous ses partenaires, voisins ou éloignés, sachant qu’en toutes circonstances, elle tirera le meilleur parti de la relation établie avec les uns et les autres.

Pour assumer une telle posture, évidemment, il faut de l’audace et parfois de la coquetterie. Les belles femmes, surtout quand elles sont courtisées par des soupirants qui veulent tout donner pour les conquérir, savent en général où mettre la tête pour ne pas devenir les dindons de la farce. Etant dans une position géographique stratégique, l’Ukraine a tout intérêt à ne pas s’engager dans un mariage qui ne servirait pas les intérêts de sa population. Sachant parfaitement à quoi s’en tenir, ses dirigeants devraient prendre le temps de mettre toutes les chances de leur côté afin d’être en mesure de gagner toutes les guerres possibles, et surtout globalement celles de la paix et du développement.

Il se trouve qu’en raison de ses relations historiques avec sa grande voisine, la Russie, un peu plus de trente ans après la chute du mur de Berlin, alors que la plupart des pays satellites de l’époque de la guerre froide ont intégré l’Alliance atlantique, l’Ukraine n’y a pas été admise parce que sa position dans cet agencement est jugée sensible par tous. Les pays membres de l’Otan eux-mêmes émettaient des doutes sur les conséquences d’un tel précédent, les Russes prévenaient qu’aller dans ce sens signifierait franchir la ligne rouge. D’où les tensions larvées à l’est pendant huit ans, qui ont fini par éclater au grand jour, le 24 février dernier, les armes ayant pris le relais des invectives longtemps entretenues par médias et émissaires interposés entre l’Occident et la Russie.

Entre deux maîtresses qui se valent, je prends pour épouse celle que je peux avoir sans passer la rivière, enseignait le sage. A-t-il totalement raison ? On ne sait pas trop car là où siègent les cœurs, les raisons peinent souvent à suivre. Mais, tout de même ! Les secours les plus prompts sont toujours attendus des voisins et même si ces derniers ne disposent pas des moyens de leur solidarité, ils peuvent sonner l’alerte pour mobiliser les plus offrants. De ce point de vue, Kiev et Moscou peuvent bien se parler et trouver un modus vivendi si tant est que le souci de leurs dirigeants est bien d’œuvrer à l’épanouissement de leurs concitoyens que l’on dit être un même peuple.

En bientôt deux mois de conflit, le dialogue entre les deux pays n’est heureusement pas totalement rompu. La série de pourparlers organisés en Biélorussie puis en Turquie témoigne de la volonté de la Russie et de l’Ukraine de parvenir à une solution négociée de la guerre. A terme, ce conflit qui emporte soldats, civils, autant d’infrastructures et sabote les économies, ne profitera en réalité à aucun des deux. Garder le doigt sur la gâchette et le courroux à fleur des nerfs, exhiber quelque victoire et multiplier les rhétoriques de toutes sortes ne feront qu’amplifier les rancœurs et retarder l’avènement de la quiétude.

Il est temps, grand temps, que tout cela s’arrête, que la tranquillité revienne et que triomphe la cause à laquelle aspirent tous les peuples, le bonheur et la prospérité. De grâce, ne laissons pas ces valeurs inestimables fleurir sur les ossements humains.

Gankama N'Siah

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