Le saviez-vous ? Sylvain Mbemba, l'homme qui a donné un nom à l'unité congolaiseJeudi 2 Octobre 2025 - 19:17 Intellectuel discret mais visionnaire, Sylvain Mbemba a marqué l’histoire des idées au Congo. Historien, journaliste et haut fonctionnaire, il est surtout connu pour avoir théorisé la notion de phratrie congolaise, un concept novateur qui éclaire les dynamiques identitaires du pays et propose une voie vers l’unité nationale.
Dès ses premiers écrits, il se distingue par sa rigueur intellectuelle et sa volonté de revisiter l’histoire congolaise sous l’angle de ses propres réalités sociales. Mbemba ne se contente pas de décrire : il conceptualise, il forge des outils pour comprendre et repenser le lien social. La phratrie : un concept fondateur Dans l’anthropologie classique, la phratrie désigne un regroupement de clans apparentés, liés par des ancêtres communs et des traditions partagées. Sylvain Mbemba reprend ce terme, mais lui donne une portée nouvelle adaptée au contexte congolais. Pour lui, la phratrie ne se limite pas à la parenté biologique : elle est une communauté élargie d’appartenance culturelle, historique et symbolique. Elle constitue un socle identitaire qui dépasse les frontières tribales, offrant une vision plus vaste et inclusive du « vivre-ensemble » congolais. En d’autres termes, la phratrie congolaise est à la fois mémoire, ciment social et cadre de solidarité. Elle permet de comprendre comment des personnes diverses peuvent s’inscrire dans une histoire commune et partager un destin collectif. Une réponse aux défis de l’indépendance Dans les années 1960-1970, alors que le Congo nouvellement indépendant tente de construire une identité nationale, la question des appartenances ethniques devient centrale. Fragmentées, parfois instrumentalisées politiquement, elles menacent l’unité du jeune État. Mbemba propose alors la phratrie comme un modèle de réconciliation : plutôt que de nier les réalités traditionnelles, il suggère de les valoriser pour bâtir un projet commun. Sa pensée s’inscrit dans le sillage des grands intellectuels africains de l’époque, comme Cheikh Anta Diop ou Joseph Ki-Zerbo, qui cherchaient à redonner aux sociétés africaines leurs propres cadres de référence pour penser l’avenir. L’œuvre de Sylvain Mbemba dépasse largement le seul concept de phratrie. Ses analyses sur la mémoire coloniale, sur les dynamiques politiques du Congo et sur le rapport entre tradition et modernité témoignent d’une pensée exigeante et visionnaire. Pourtant, son nom reste aujourd’hui encore méconnu du grand public. Ses ouvrages circulent peu et ses idées sont rarement enseignées, alors même que la société congolaise continue d’être traversée par des tensions identitaires. Redécouvrir Mbemba, c’est rappeler que la construction nationale ne se réduit pas à des rapports de force politique, mais qu’elle s’appuie aussi sur des figures intellectuelles capables de transformer la mémoire collective en leviers de cohésion. À travers son concept de phratrie congolaise, Sylvain Mbemba a offert une clé précieuse pour penser l’unité et la solidarité dans un pays aux multiples identités. Plus qu’un simple terme anthropologique, la phratrie est devenue, sous sa plume, une véritable philosophie de l’appartenance. Derrière ce mot, se cache la vision d’un intellectuel congolais qui a su allier tradition et modernité pour proposer une boussole encore pertinente aujourd’hui. Revisiter l’œuvre de Sylvain Mbemba, du 28 au 30 octobre à l'Institut français du Congo, en hommage à ses 30 ans de disparition, c’est renouer avec un héritage intellectuel capable d’éclairer l’avenir. Jade Ida Kabat Légendes et crédits photo :Sylvain Mbemba/DR Notification:Non |