Libye : l’engagement de retrait des troupes étrangères sera-t-il suivi d’effets ?

Lundi 5 Juillet 2021 - 14:00

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Si la récente conférence de Berlin sur la crise libyenne a noté des progrès, en vue du retrait des troupes étrangères dans ce pays, l’heure est maintenant à la concrétisation de la volonté affichée. Cela s’avère nécessaire, étant donné qu’un engagement similaire avait été pris lors d’un sommet international en 2020, dans la capitale allemande, sans être suivi d’effets significatifs.

L’urgence du retrait des combattants étrangers en vue de la pacification de la Libye souhaitée par le président américain, Joe Biden, et son homologue russe, Vladimir Poutine, lors de leur sommet de Genève, devra débuter par le départ de plusieurs centaines d’hommes de part et d’autre éventuellement à l’issue des discussions russo-turques. Moscou et Ankara, qui soutiennent des camps différents en Libye, sont soupçonnés tous les deux d’avoir recruté des combattants syriens pour aller dans ce pays défendre leurs intérêts.

« Il y a encore du travail à faire avec les Turcs et les Russes (...) il y a une profonde défiance, mais il y a aussi une prise de conscience que cela aurait un intérêt d’essayer quelque chose dans ce domaine », indique un responsable américain qui a requis l’anonymat. « Nous sommes à un stade où tant que les Turcs que les Russes ont accepté que cela pouvait être un sujet de discussion », ajoute-t-il, précisant que l’idée est « de discuter pour savoir si chaque côté pourrait faire partir 300 Syriens déployés actuellement en Libye ». Outre les Syriens, plusieurs centaines de militaires turcs sont aussi présents en vertu d’un accord bilatéral conclu avec le précédent gouvernement de Tripoli.

En décembre 2020, l’ONU estimait à quelque 20.000, le nombre de mercenaires et combattants étrangers en Libye : des Russes du groupe privé Wagner, des Tchadiens, des Soudanais ou encore des Syriens. C’est pour avoir constaté que les premiers engagements pris pour le retrait des combattants étrangers n’ont pas été respectés que la dernière conférence de Berlin exigeait que « les mercenaires doivent être retirés de la Libye sans délai ». Le 19 janvier de l’année dernière, en effet, une précédente conférence avait réuni dans la capitale allemande, sous l’égide des Nations unies, les dirigeants des pays impliqués dans le conflit et était parvenue à un accord fragile pour mettre fin à la crise.

Une Libye libre de toutes ingérences extérieures essentielle pour la région

Dans la perspective du départ des troupes étrangères, le secrétaire d’Etat américain, Antony Blinken, et son homologue allemand, Heiko Maas, veulent que l’accord de cessez-le-feu du 23 octobre soit « pleinement mis en œuvre, y compris par le retrait de toutes les forces étrangères de Libye ». « Nous partageons avec l’Allemagne l’objectif d’une Libye souveraine, stable, unifiée et sûre, libre de toute ingérence étrangère, c’est ce que le peuple mérite, et c’est essentiel pour la sécurité régionale », a fait valoir le secrétaire d’Etat américain après sa tournée européenne.

Le chef de la diplomatie allemande déplore le fait que le conflit libyen est largement alimenté par des puissances extérieures. « Ceux qui avaient donné l’engagement la dernière fois à Berlin lors de la précédente conférence de retirer leurs troupes ne l’ont pas respecté », précise-t-il, une référence implicite à la Russie, la Turquie ou les Emirats arabes unis. « Si nous voulons que les Libyens puissent jouir de l’autodétermination il faut que les forces étrangères s’en aillent », vient de souligner Heiko Maas à la presse alors qu’en avril dernier, la Ligue des Etats arabes, l’ONU, l’Union européenne et l’Union africaine avaient réclamé ensemble un retrait des forces étrangères.

Les partenaires de la Libye espèrent que le retrait des mercenaires va permettre au pays d’organiser les élections présidentielle et législatives prévues le 24 décembre, même si des doutes subsistent sur la réelle volonté du pouvoir en place de les tenir. « Il est nécessaire que la mission de l’ONU prenne toutes les mesures, en ce sens et qu’elle assume ses responsabilités pour que les élections se tiennent à la date prévue », prévient Ahmad al-Misrari, porte-parole de l’autoproclamée Armée nationale libyenne, dirigée par le maréchal Khalifa Haftar, l’homme fort de l’est du pays. Il s’exprimait à ce sujet au moment où les divisions entre les deux pouvoirs rivaux, en Tripolitaine (ouest) et en Cyrénaïque (est), ont ressurgi ces dernières semaines.

L’ancien ministre de l’Intérieur libyen, Fathi Bachagha, probable candidat à cette première élection présidentielle au suffrage direct, met d’ores et déjà en demeure le gouvernement de ne pas retarder la tenue des scrutins. « Il est clair que le gouvernement actuel préférerait ne pas avoir d’élections. Mais c’est un engagement qui doit être mené à terme », avertit-il.

 

 

 

Nestor N'Gampoula

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