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L’usage de l’eau dans le défi environnemental

Jeudi 26 Janvier 2023 - 18:26

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 L’eau, aussi appelée « or bleu », est vitale pour l’humanité. Cette affirmation qui paraît évidente reste toutefois contrebalancée par une multitude de comportements abusifs et de modalités de gestion aléatoires de cette ressource qui font craindre la raréfaction à moyenne échéance de l’un des éléments moteurs et fondamentaux pour l’Homme. Parler de l’eau en tant que pilier vital à l’évolution de l’humanité implique la mise en œuvre de modalités à l’échelle planétaire, afin de garantir l’accès de tout un chacun à une eau de qualité, potable et saine. Car l’eau, et plus particulièrement l’eau douce, du fait de sa dégradation continue, semble avoir quitté les champs exclusifs de l’environnement et de la santé pour faire partie aujourd’hui des enjeux géopolitiques majeurs.

Vu du ciel, il peut paraître démesuré de parler de pénurie de l’eau à l’échelle planétaire, puisque 1385 millions de km3 d’eau couvrent, en effet, les trois quarts de la surface du globe terrestre, océans, mers, lacs, fleuves et nappes phréatiques et souterraines confondues. Mais c’est de l’eau salée qui domine ce volume et réduit de ce fait la possibilité que nous avons de tirer parti de cette vaste étendue. Ainsi, sur les 1385 millions de km3 d’or bleu dont regorge la planète, seuls 34 millions, soit 2,5 % de cet ensemble sont de l’eau douce. En outre, seulement une faible partie de cet ensemble, déjà fortement réduit, peut directement servir à nos besoins, car l’essentiel de l’eau douce renouvelable se trouve concentré dans les icebergs de la planète et serait donc inexploitable en l’état.

Mais cette mauvaise disponibilité des ressources en eau n’explique pas à elle seule les défis auxquels l’humanité se retrouve confrontée aujourd’hui. Diverses études menées en la matière affirment bien au contraire que le peu de ressources en eau renouvelable disponible aujourd’hui reste suffisant pour surseoir aux besoins de l’humanité. A la condition cependant d’en faire une utilisation sage, équilibrée et bien encadrée. Les disponibilités en eau douce renouvelable sont, en effet, d’autant plus mal gérées que les Etats de la planète ne peuvent pas toujours se targuer d’être bien arrosés, la nature ne se révélant pas toujours généreuse et équitable tant sur le plan du climat et des précipitations que sur celui des étendues aquatiques présentes sur le terrain.

Trois faits majeurs ont la plus lourde part de responsabilité dans la constitution de cette menace qu’est l’amenuisement des ressources en eau douce renouvelable. Ce sont, par ordre d’importance, l'irrigation, le gaspillage et la pollution. Or, une étude plus approfondie de ces phénomènes permet de constater que quand bien même les maux et leurs remèdes sont parfaitement connus, ils se heurtent à bien des réalités sur le terrain et rendent de ce fait toute avancée en la matière ardue, même parfois insurmontable.

L’irrigation est ainsi l’un des problèmes majeurs qui se pose aujourd’hui puisqu’il touche directement à l’emploi de millions d’agriculteurs pour qui la récolte est le revenu principal. Or, cette pratique absorbe à elle seule près de 70 % des ressources mondiales en eau douce renouvelable. Cependant, si l’idée d’une éradication d’un pan aussi conséquent du secteur primaire ne saurait évidemment être sérieusement évoquée, les solutions à ce problème restent présentes et connues de tous. Des procédés tels que l’irrigation gravitaire par aspersion ou encore au goutte-à-goutte restent, en effet, des moyens extrêmement efficaces pour contrôler l’arrosage des champs de récolte et le limiter au strict minimum sans pour autant altérer les besoins éprouvés par les champs. Mais cette solution se heurte à des problèmes de coût et devient de ce fait l’apanage des seuls Etats riches. Ce qui reste évidemment extrêmement problématique quand on sait que ce sont les pays en voie de développement qui constituent la majorité des pays agricoles.

Le gaspillage de l’eau est évidemment en partie le résultat de l’irrigation, qui absorbe d’énormes quantités d’eau douce avant de les restituer à la nature sous une forme impropre à l’usage ou à la consommation. Cependant, la banalisation croissante de l’eau dans notre vie courante contribue également pour sa part à accentuer l’usage parfois injustifié qui en est fait. Notre quotidien est fait d’habitudes et gestes qui impliquent, d’une manière ou d’une autre, une utilisation fréquente de l’eau. Toilette personnelle, évacuation de nos rejets ou encore entretien de l’état de nos biens sont ainsi autant de pratiques qui, combinées à une nécessaire hygiène de vie, ont consacré l’eau comme élément incontournable de notre quotidien.

La pollution est la troisième cause expliquant la mise en péril de l’or bleu. D’un point de vue purement quantitatif, ce facteur est moins prégnant que les deux premiers qui viennent d'être évoqués, mais la mise à mal de la qualité des eaux disponibles n’en est pas moins un problème qui mérite d’être évoqué sérieusement car il prend une importance croissante jour après jour. L’industrialisation de nos sociétés et les retombées dues à la pollution croissante qui l’accompagnent, du fait des rejets dont sont coupables les usines et moyens de locomotion, contribuent, en effet, à augmenter la teneur des cours d’eau en substances toxiques. Les déversements des pétroliers, surtout quand ils sont dus à des accidents, gardent de même une grande importance sur ce plan. On voit mal aujourd’hui les Etats renoncer à des pratiques qui, même si elles mettent en péril l’environnement, leur garantissent des retombées importantes, d’un point de vue économique et social.

Il faut comprendre pour conclure que le défi posé à l’humanité en matière d’accès à l’eau douce est double. Alors que les entraves à l’environnement sont de plus en plus manifestes, course à la compétitivité oblige, les ressources hydrauliques se raréfient sans cesse et leur qualité tend de plus en plus à se dégrader. L’eau est devenue de ce fait une cause d’inquiétude majeure et les Etats se doivent d’autant plus de la préserver que c’est de la bonne disponibilité de cet élément vital que dépend en grande partie leur stabilité interne. C'’est pourquoi il y a urgence aujourd’hui à statuer sur tous les aspects liés à l'eau douce, de façon à ce que sa valeur géopolitique ne cède pas à des situations tragiques pour l’humanité dans un horizon pas si lointain.

Boris Kharl Ebaka

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