Otis N'Goma : «  on doit continuer à travailler et à se professionnaliser pour devenir le choix numéro 1 des meilleurs binationaux »

Vendredi 12 Juin 2015 - 21:34

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Ancien sélectionneur principal et adjoint des Léopards, Otis N'Goma était venu soutenir la sélection nationale. L'ancien entraîneur de Cambrai, désormais en charge de la sélection U20, nous livre sa vision du travail accompli pour relancer durablement la sélection congolaise. Avec un sens aiguisé du collectif.

Les Dépêches de Brazzaville : Otis, avec l'oeil avisé du technicien, que pouvez-vous nous dire sur ce match Cameroun-RDC (1-1) ?

Otis N'Goma : Je crois que pour un match de fin de saison, c'était un bon match. Il faut vraiment prendre en compte le calendrier de la saison pour jauger la performance des acteurs, car certains n'ont pas joué depuis quelques semaines, d'autres n'ont pas pu souffler depuis leur dernier match de championnat. Et puis nous sommes à la fin d'un stage de 10 jours durant lequel les joueurs ont travaillé. Pour revenir sur le match, j'ai vu une première mi-temps de très bonne qualité, malgré le manque de vécu collectif des nombreux nouveaux joueurs, comme Nzuzi, Kamavuaka, Nkololo, Bakambu. En deuxième mi-temps, entre les changements et la fatigue, le jeu a été moins abouti, avec des pertes de balle et un manque de lien, pour les deux équipes. En fait, cette deuxième periode ressemblait un peu à un match de reprise et non de fin de saison.

LDB : Ce match, dans la continuité du stage de Dubaï, concrétise un nouveau courant : les binationaux sont demandeurs de la sélection congolaise, alors que le pays a longtemps « couru » après. C'est un signal fort de sa progression ?

O.N : Oui, c'est exact. Les résultats récents comptent, mais je pense que c'est aussi l'aboutissement du travail débuté avec la génération Mulumbu, en 2008, alors que plusieurs joueurs faisaient leurs classes en CFA. Aujourd'hui, Youssouf est devenu le capitaine et porte-étendard de cette équipe et je pense que les jeunes « binationaux » se retrouvent dans son parcours. Après, on a aussi su régler le problème qui existait entre « locaux » et « binationaux » : il y avait des clans et certains parents ne voulaient pas envoyer leurs enfants dans cette opposition finalement malvenue puisque la sélection appartient à tous les Congolais. Florent a joué un rôle majeur dans l'assainissement du vestiaire. Je crois aussi qu'il fallait un Congolais à la tête de l'équipe pour convaincre les familles des joueurs. Florent, Mwiny (ndlr : Zahera, adjoint du sélectionneur et entraîneur du DCMP) et moi-même sommes de la génération des parents des joueurs, c'est plus facile pour nous de leur faire prendre conscience de l'importance de la sélection pour leurs enfants. Je pense vraiment que ça a vraiment joué dans la relation de confiance entre les « binationaux » et l'équipe nationale. Maintenant, il ne faut pas oublier que les jeunes qui viennent jusqu'à nous sont souvent barrés en équipe A française ou belge. On est bénéficiaire de cette situation, mais on ne peut pas la nier : des garçons de grand talent comme Bakambu se replient sur nous, car ils sont barrés ailleurs. Donc on doit continuer à travailler et à se professionnaliser pour devenir le choix numéro 1 des meilleurs binationaux.

LDB : Est-ce que vos parcours d'entraîneurs nationaux qui ont exercé en Afrique et en Europe ne sont pas un argument supplémentaire pour vaincre la défiance de joueurs nés en Europe ?

O.N : Je ne parlerai pas de défiance, mais de réticence. Et peut-être qu'effectivement, au-delà d'avoir une double approche culturelle du football, cela a joué. Surtout, il ne faut pas oublier que l'on a entraîné certains d'entre eux ou alors qu'on a joué contre eux ou qu'on connaissait leurs entraîneurs. Ça donne une légitimité et ça créé un lien lorsqu'il s'agit, plus tard, de les faire venir en sélection.

LDB : Vous êtes en charge de la sélection junior. Quel rôle avez-vous à jouer ?

O.N : Le travail que l'on fait auprès des jeunes fait partie prenante de l'édifice, car c'est chez les jeunes, en faisant évoluer les meilleurs d'entre eux sur plusieurs catégories, que l'on peut mettre en place le projet de jeu, l'ossature de la sélection A de demain. Regardez dimanche dernier lors de France-Belgique : Fekir qui marque sur une passe de Ntep. Deux joueurs qui ont fait les classes ensemble et qui concrétisent en équipe A. En relançant les catégories de jeunes, le président de la Fédération a jeté les bases d'un travail de fond, sur la durée pour que l'équipe nationale ne dépende pas uniquement des joueurs formés ailleurs. Il faut que l'on mette l'accent sur ces catégories intermédiaires entre la formation à proprement dite et le haut niveau, car c'est à ce moment là que l'on peut leur inculquer la culture de la gagne et une certaine expérience des matchs internationaux.

On doit parvenir à ce que ce passage soit un bon tremplin vers l'équipe fanion, qui est l'aboutissement.

LDB : Quel est votre calendrier ?

O.N : Nous sommes désormais tournés vers les éliminatoires de la CAN junior 2017, qui aura lieu en Zambie, vers les 8e Jeux de la Francophonie, à Abidjan en 2016 et vers les éliminatoires de la Coupe du monde en Corée du Sud. Dans cette optique, on jouera la France à la fin du mois à Toulouse. Les Bleuets sont vice-champions d'Europe et visent la victoire cet été en Grèce. C'est donc un bel adversaire que l'on affrontera le 23 juin avec des joueurs qui évoluent déjà au haut niveau comme Yarouba, Coman ou Cornet.

LDB : Et dans les rangs congolais, quels sont les noms à retenir ?

O.N : Aujourd'hui, les plus connus sont Andy Kawaya et Aaron Leya Iseka, d'Anderlecht : pour eux nous sommes en attente. Nous avons l'accord de Boli Bolingoli-Mbombo du FC Bruges. Il y aura aussi Londot (Mons), Bryan Mavinzi (PSG), Iboma David (Anvers), Nsholé Lionel (Malines), Bukia André (Boavista), Biadé Antédé (Dusseldorf) ou encore Gaby Moutombo-Kupa (Angers). Mais nous continuons à travailler avec des plus jeunes, moins connus. Après la France, on veut enchaîner face à d'autres équipes de haut niveau pour continuer à progresser.

LDB : Un mot sur le match de dimanche ?

O.N : À la Direction technique nationale, nous avons entièrement confiance en Florent et son staff, qui font un travail admirable. On est derrière eux et comme chaque Congolais, on poussera derrière les Léopards, dimanche.

 

Propos recueillis à Mons par Camille Delourme

Légendes et crédits photo : 

Otis N'Goma était à Mons pour RDC-Cameroun et a croisé Kebano, Mongungu et Bokila (crédits photo adiac)

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