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Où va l’armée russe ?

Samedi 23 Avril 2022 - 19:15

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Il est très probable, pour ne pas dire certain, que la présente Réflexion suscitera, dans la sphère diplomatique russe, de sévères critiques contre nous, critiques que nous relaierons bien évidemment dans nos colonnes. Mais nous sommes convaincus que l’un des effets les plus négatifs de la guerre impitoyable que mène depuis des semaines le président Vladimir Poutine en Ukraine contre son homologue Volodymyr Zelenski est de faire apparaître de sérieuses failles au sein de l’armée et des services de renseignement de son pays. Si nous n’hésitons pas à l’écrire, c’est parce que l’affaiblissement de la Russie qui pourrait en découler risque de perturber gravement l’équilibre des grandes puissances sur lequel est fondé aujourd’hui la paix mondiale.

Témoignent indiscutablement de ces failles l’incapacité de la Russie à mettre ce relativement petit pays à genoux dans le délai bref annoncé lors du déclenchement  de ce conflit,  la mort et les blessures de milliers de soldats russes envoyés en Ukraine, le désordre bien visible qui a accompagné le déploiement des armes russes sur le sol ukrainien, le naufrage spectaculaire du croiseur Moskva au large du port d’Odessa avec la disparition toujours non reconnue par les autorités russes de centaines de marins. Autant de failles dont témoigne aussi, mais évidemment de façon peu visible, la colère qui gronde dans la sphère militaire russe en raison des dégâts humains que génère le conflit.

Si nous évoquons ici cette question éminemment stratégique à laquelle le régime de Vladimir Poutine se trouve aujourd’hui confronté, c’est parce qu’elle pose à l’échelle mondiale une série de problèmes que nul ne peut ignorer ou feindre d’ignorer en raison des effets dangereux que ceux-ci risquent d’avoir à brève échéance. Des effets sur lesquels se penchent avec inquiétude les experts militaires des cinq continents, y compris en Russie, et que l’on peut résumer de la façon suivante.

  1. Ne parvenant pas à écraser son adversaire comme prévu par les moyens classiques de l’attaque et de la défense, la présidence russe ne sera-t-elle pas tentée, dans les jours et les semaines à venir, de recourir aux armes chimiques et nucléaires tactiques afin d’écraser son adversaire sur le terrain ? Ne franchira-t-elle pas alors l’une des barrières élevées au sortir de la Deuxième Guerre mondiale qui ont permis d’éviter des drames encore plus meurtriers tout au long des soixante-dix-sept dernières années ?
  2. L’armée russe, qui était jusqu’à présent la plus puissante et la mieux équipée du globe, va-t-elle supporter les blessures visibles et invisibles que lui inflige la guerre menée contre l’Ukraine ? Même si cela n’est pas encore très visible, un fossé risque de se creuser à plus ou moins brève échéance entre ses plus hautes autorités et la base de ses unités déployées sur le champ de bataille qui paient au prix fort les faiblesses du système militaire russe mais aussi et surtout l’incapacité de ses services de renseignement d’évaluer correctement la capacité de son adversaire de se défendre.
  3. Dans ce contexte qui n’a manifestement pas été imaginé ni préparé par ses plus hautes autorités, la Russie ne risque-t-elle pas de sombrer dans un chaos interne proche de celui qui provoqua, il y a un peu plus de trente ans, l’implosion de l’URSS ? Un chaos qui aurait des conséquences désastreuses pour la communauté mondiale dans son ensemble et dans les domaines les plus stratégiques : militaires, politiques, diplomatiques, économiques, financiers et autres. Un chaos dont les conséquences seraient dramatiques à tous égards.

Pour conclure cette réflexion, provisoirement bien sûr,  écrivons ici et  sans le moindre doute qu’un nouvel affaiblissement durable de la Russie, s’il venait à se produire, aurait inévitablement des effets dramatiques pour toute la communauté mondiale. Rien, en effet, ne serait plus dangereux dans le moment très particulier que nous vivons avec la pandémie du coronavirus, avec le dérèglement climatique, avec la crise économique et financière qui en résulte, rien ne serait plus dangereux que de voir la Russie s’effondrer à nouveau.

Jean-Paul Pigasse

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Édition Quotidienne (DB)

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