Patrimoine culturel : La question de la domiciliation de l'art africain fait débat

Samedi 10 Juillet 2021 - 15:21

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La restitution du patrimoine culturel africain est un sujet d'actualité qui fait débat, partout en Europe, et en ce moment à Paris. La question sur les rapports entre l'Afrique et l'Europe en matière d'art est plus large que celle des spoliations. En ce qui concerne les œuvres, se pose la question de leur circulation d'un continent à l'autre.

Cette question fera l'objet d'un débat, avec la participation de plusieurs experts, notamment l'historien Pap Ndiaye, spécialiste de l'histoire des Etats-Unis, Philippe Dagen, historien de l'art, Marie-Cécile Zinsou, historienne et président de la Fondation Zinsou. L'art africain devrait-il rester en terre africaine ? Il s'agit de répondre à la restitution des œuvres et des objets d'art africains, spoliés pendant la colonisation, qui décorent certains musées européens, notamment celui du Quai Branly à Paris. Cette question renvoie aussi à la circulation des œuvres contemporaines africaines et à leur perception. Pour répondre à sa manière à cette question, la Belgique a indiqué qu'elle était prête à restituter les œuvres d'art pillées aux pays africains, publiant même « une feuille de route » pour la restitution de biens spoliés. L'Allemagne également montrée favorable à restituer à cette initiative.

En novembre dernier, le Sénat français a amendé la loi d'exception portant sur la restitution de 26 pièces du Trésor de Béhanzin au Bénin, et d'un sabre au Sénégal. L'objectif était d'éviter l'ouverture de la boîte de Pandore des demandes émanant d'Afrique et d'ailleurs. Les sénateurs souhaitent tout encadrer, en changeant même la signification du mot « restitution » - qui veut dire, d'après le Larousse, « rendre quelque chose que l'on possède indûment » - par le mot « retour ». Jusqu'ici, les restitutions n'étaient imposées par aucun texte international. Elles résultent de l'engagement pris par le président français, Emmanuel Macron, en novembre 2017 à Ouagadougou, au Burkina Faso, pour refonder les relations culturelles entre la France et l'Afrique. Sur les 90.000 oeuvres africaines recensées dans des musées français, un rapport rendu en novembre 2018, prône d'en restituer au moins 46.000. Stéphane Martin, patron du musée du Quai Branly, qui abrite la plus grande collection, plaidera pour « une plus grande circulation des oeuvres », et un « partage passant par des prêts, des dépôts et un certain nombre de transferts de propriétés ».

Oeuvres d'art africaines : des biens mal acquis ?

« Les auteurs sont partis du postulat que la majorité des biens sortis d'Afrique pendant la période coloniale ont été mal acquis. Cette présomption de pillage leur permet de justifier une inversion de la charge de la preuve : aux musées français de démontrer le caractère légal de l'acquisition, observe le rapport du Sénat. Or, comme les auteurs le reconnaissent, les biens d'origine africaine des collections résultent de butins de guerre, de pillages, de vols, mais aussi de dons, de trocs, d'achats et de commandes directes aux artisans et artistes locaux ». En l'absence d'autre document de référence, le rapport fait autorité dans les pays africains. Dès qu'il a été rendu public, certains pays, cinq précisément, ont réclamé la restitution de 13000 objets d'art. Catherine Morin-Desailly, rapporteur, a appelé à plus de sérénité et à de la méthode dans la réflexion, pour examiner des demandes qui peuvent être légitimes, « tout en évitant le 'fait du prince', motivé par des raisons diplomatiques ».

Repenser les coopérations avec les pays africains

Catherine Morin-Desailly préconise la constitution d'un conseil scientifique, en vue d'éclairer le gouvernement et le Parlement. « Sans attendre d'être au pied du mur, il faut engager des recherches sur la provenance des oeuvres, repenser les coopérations avec ces pays qui souhaitent se réapproprier leur patrimoine et se dotent de musées », écrit-elle. Il est difficile d'évaluer l'ampleur des restitutions qui s'annoncent, d'autant que des problèmes de traçabilité se posent sur nombre de pièces.« Les pays africains reconnaissent qu'un retour massif, qui se traduirait par une quasi-disparition des objets d'art africain des collections muséales occidentales, présenteraient pour eux des difficultés. La présence de pièces hors du continent africain est importante pour le rayonnement de leur culture et satisfait une attente de la diaspora africaine », selon le rapport du Sénat. Héritage de son passé colonial, la France est leader pour les arts premiers avec 66,5 % de part de marché, selon Artkhade. Ce marché, qui était en pleine expansion, a été très secoué, il a besoin de confiance.

Noël Ndong

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