Pays en développement : les financements « mixtes » épinglés par un audit de l’UE

Jeudi 13 Novembre 2014 - 19:45

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Les subventions de l’Union européenne (UE) accordées aux projets infrastructurels dans les pays en développement seraient superflues, selon un audit de la Cour des comptes européenne.

L’audit estime qu’un projet sur deux cofinancé par l’UE pourrait se faire sans. Notant que ces fonds de l’UE consacrés au développement ne profitent pas qu’aux pays les plus pauvres. Ils arrivent aussi que leurs créanciers en profitent. Membre de la Cour des comptes européenne, et responsable du rapport, pour Karel Pinxten « lorsqu’elle a recours aux financements mixtes, la Commission doit veiller à ne pas devenir le « sponsor » d’institutions financières ».

Une nécessité de recourir à des financements mixtes discutables

Dans 50%  des cas, les subventions européennes apportées aux 30 projets examinés dans le cadre du rapport n’apparaissaient pas vraiment nécessaires pour obtenir un prêt auprès des institutions financières participant au financement du projet, souligne l’auditeur. Dans le cadre de ces financements mixtes, pointés par le rapport, les subventions de la Commission européenne (CE) sont principalement complétées par des prêts de grandes banques de développement telles que la Banque européenne d’investissement (BEI), la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD), l’Agence française de développement (AFD) et la Kreditanstalt für Wiederaufbau (KfW). Or les financements mixtes prennent de l’ampleur, un outil que Bruxelles utilise de plus en plus, qui permet de financer les grands projets d’infrastructures, notamment dans les transports et l’énergie, souvent trop coûteux pour les seules subventions publiques de l’UE.

Par exemple, entre 2007 et 2013, l’UE a alloué 2,1 milliards d’euros de subventions de subventions dans le cadre des subventions mixtes, dont une partie sous forme de dons, c’est-à-dire à des taux d’intérêt plus bas que la normale. Le recours à ce type de financement pourrait s’accélérer et « devenir la nouvelle coqueluche de la politique de développement de l’UE » relève Karel Pinxten. « Comme la nouvelle Commission disposera d’une marge de manœuvre très étroite sur le plan budgétaire, elle devra tirer le maximum des mécanismes permettant de mobiliser d’autres ressources financières des prêts », ajoute-t-elle.

L’efficacité et l'avantage avérés des financements mixtes

En terme de bilan de leur efficacité, à partir d’un échantillon de 30 subventions octroyées à des projets, les financements mixtes se révèlent plutôt positifs, selon l’auditeur ; avec comme principal avantage, de permettre aux pays en développement de financer des projets qui peinent à attirer des financements traditionnels, à cause d’un niveau d’endettement trop élevé par exemple, faute de rentabilité du projet ou à cause du risque élevé pour les investissements privés.

L’autre avantage des financements mixtes, c’est qu’ils permettent souvent aux pays endettés de respecter les obligations imposées par le Fonds monétaires international (FMI), qui leur impose de bénéficier d’au moins 35% de prêts concessionnels lorsqu’ils empruntent pour financer des projets. Sur les 30 subventions étudiées dans l’audit, 11 avaient pout objectifs d’aider les pays endettés à respecter le taux.

Le taux d’intérêt des financements mixtes est supérieur à la normale

Au-delà de leur utilité, des critiques sévères émaillent le rapport, « la Commission européenne [n’ayant] pas jugé nécessaire de vérifier rigoureusement la manière dont les institutions financières ont calculé les montants des subventions demandées ». La conséquence est que les institutions peuvent pratiquer des taux d’intérêt supérieurs à la normale, en s’appuyant sur les taux plus bas des prêts concessionnels, et ainsi détourner le bénéfice de ces aides.

Plus grave, la Cour estime que sur la moitié des projets examinés, la nécessité de bénéficier d’une subvention pour obtenir un prêt «  n’a pas été démontrée ». Et  « dans certains cas, des éléments laissaient même penser que les investissements auraient été réalisés sans subvention. Enfin, dans un cas, la subvention avait pour objet de rendre le prêt concessionnel, mais le pays bénéficiaire n’était plus assujetti aux règles du FMI en matière de prêt concessionnel », poursuit le rapport.  La Cour des comptes relève enfin  un projet « viable sur le plan financier même sans subvention». Mais qui en a pourtant bénéficié ?

Noël Ndong