Quibdo Africa film festival : la troisième édition lancée à Pointe-Noire

Mercredi 15 Septembre 2021 - 13:39

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La cérémonie d’ouverture de la troisième édition du Quibdo a eu lieu le 13 septembre, à la Fondation Basango, en présence de Marie Madeleine Descalzi-Ingoba, marraine dudit festival,  des invités et du public.

Après les deux premières éditions organisées dans la ville de Quibdo, province de Choco en Colombie, la troisième édition du Quibdo  a été lancée à Pointe-Noire, ville océane congolaise, véritable mosaïque de brassage de cultures et de couleur. Une ville historique dont une partie de ses terres a vu être embarqués vers les Amériques les ancêtres transformés en esclaves et dont plusieurs de ses descendants peuplent Quibdo, une ville  constituée à 70 % des Noirs en général et des peuples Kongo en particulier. Ce festival est organisé pour rappeler ce passé certes douloureux mais évocateur que l’on ne doit en aucun moment classer dans la poubelle de l’oubli.

Le cinéma africain balbutiant au début, rayonnant aujourd’hui

Dans son mot de présentation du Quibdo, Wilfrid Massamba, son directeur, a d’emblée fait un rappel historique du cinéma africain. « Durant la période coloniale, l’Afrique a été largement représentée par des cinéastes occidentaux. Dans les premières décennies du XXe siècle, les cinéastes occidentaux ont réalisé des films qui dépeignaient les Africains comme des travailleurs soumis, cannibales ou sauvages. Les films de cette époque dépeignaient l’Afrique comme exotique, sans histoire ni culture. L’éveil du cinéma africain a commencé dans les années 1970, une période qui a apporté une grande fraicheur avec la création du Festival panafricain de cinéma de Ouagadougou (Fespaco) en 1969. Le cinéma se crée son propre forum. La décennie 1980-1990 a vu le Nigeria connaître une croissance sans discontinuer avec l’accessibilité des cameras modernes, Nollywood commence à faire sa place dans le réseau de production anglophone d’Afrique de l’ouest. Nollywood a produit 1844 films en 2013, juste derrière Bollywood en Inde et Hollywood aux Etas Unis », a dit Wilfrid Massamba et de poursuivre: « Je suis issu d’une génération qui a connu et vu disparaître les salles de cinéma au Congo : Vog, Vox, ABC, Rio, Star, à Brazzaville, Rex, Roy, Club 7 ou encore La Pagode récemment démoli. C’était l’époque où nous étions en culotte courte, l’époque des Western Spaghetti avec Bud Spencer, Trinita, Terence Hill, l’époque où l’on se prenait pour Bruce Lee dans le dernier dragon, à être Big Boss ».

Le musée Cercle africain, le centre culturel Jean-Baptiste-Tati-Loutard, la Fondation Basango sont les sites qui abriteront des conférences-débats, des projections, des prestations artistiques, surtout généreront des rencontres, des échanges, a-t-il rappelé.

Selon Wilfrid Massamba,  les vingt dernières années, le cinéma contemporain africain a apporté une variété de thèmes liés à des questions modernes et à des problèmes universels  tels que la migration, la politique, les faits de société ou encore les relations entre pays africains et européens, thèmes communs à de nombreux films africains. Les réalisateurs congolais ont exprimé  et continuent d’exprimer leur inquiétude quant au manque de soutien des entreprises locales.  Ce manque de ressources pour les cinéastes congolais est un frein au développement d’une industrie cinématographique. L’industrie cinématographique  nigériane est la plus importante d’Afrique en termes de valeur, de nombre de films produits, de revenus et de popularité. Elle est également la deuxième plus grande production du film au monde. En 2016, l’industrie cinématographique nigeriane a contribué à hauteur de 2, 3 % du produit intérieur brut de ce pays.

Hommage à Sébastien Kamba, le premier cinéma congolais

Marraine du festival, Marie Madeleine Descalzi –Ongoba a, dans son allocution, souhaité que cette activité apporte une plus-value en termes de révélation de talents, de créativité, d’apport au monde et à l’Afrique en particulier dans toute sa profondeur et sa réalité car, a-t-elle dit, il y a en Afrique toute la créativité nécessaire pour faire émerger des œuvres qui s’inscrivent dans la continuité de tous ceux qui vont contribuer au patrimoine cinématographique mondial comme le répétait Sembène Ousmane mais aussi Idrissa Ouédraogo, Gaston Kaboré et tant d’autres créateurs de premier plan, par exemple. Elle a ajouté que ces moments de joie  et de célébration sont l’occasion de rendre hommage à un monument du cinéma africain qu’est Sébastien Kamba, le premier cinéaste congolais. Il est la mémoire audiovisuelle du Congo dont on célèbre les 57 ans de sa carrière et ses œuvres cinématographiques sont, entre autres, " Kaka yo", "Mwana keba", "La rançon d’une alliance", "Le corps et l’esprit" …

Emu par la marque de sympathie et la reconnaissance  témoignées à son endroit, Sébastien Kamba a indiqué: « Nous avons commencé en 1965 avec les cinéastes  Ousmane Sembène, Moustapha Allassane, Gaston Kaboré…Cette 3e édition qui se tient à Pointe-Noire est un des moments importants pour le cinéma congolais. Ce sont des initiatives  qu’il faut encourager, qui méritent qu’on en parle tout le temps. Le QAFF qui vient d’Amérique latine pour être organisé au Congo, ici à Pointe-Noire, cela dit beaucoup de choses  pour le Congo Brazzaville au travers de ce festival qui contribue au rapprochement des peuples. Je pense que Wilfrid Massamba a vu très loin, il a compris qu’il fallait amener ce festival colombien ici à Pointe-Noire parce que l’histoire nous a montré que ce sont des peuples qui ont pratiquement les mêmes problèmes. Nous, cinéastes, demandons seulement que l’on reconnaisse la place des cinéastes, qu’ils ne soient pas écartés, qu’on parle du cinéma au Congo parce que le cinéma congolais ne peut se faire qu’avec les Congolais ».

Pour Claudia Haidara Yoka, Sébastien Kamba n’est pas seulement le doyen des cinéastes congolais  mais aussi le guide de tous les cinéastes. A Brazzaville, Idrissa Ouédraogo, invité au festival Tazama, disait que les cinéastes congolais avaient du talent  et qu’il fallait les pousser.

Une semaine d’échanges et de partage autour du cinéma

L’ouverture de cette troisième édition du Quibdo Africa film a été marquée par la projection du film intitulé «Tang jer», un court métrage de 13 mn de la sénégalaise Selly Raby Kane. Une fiction avec des personnages aux têtes d’animaux et aux looks futuristes. La cérémonie a été agrémentée par la prestation de Mariusca Mukengué, la slameuse congolaise qui a enflammé la scène du QAFF et captivé, comme à son habitude, l’auditoire avec ses textes perçants et percutants.  L’évènement promet d’être un grand moment de partage et d’échange culturel au vu de sa programmation avec la projection de 43 films longs et courts-métrages, documentaires, films d’animation en avant-première ou inédits (sélectionnés sur les 277 reçus),  11 catégories et plusieurs prix en jeu mais aussi les autres activités retenues pour cette troisième édition  (rencontres et master-class, …). Ainsi, toute cette semaine,  les Pontenegrins vont vibrer au rythme de la troisième édition du QAFF qui se tient en présentiel à Pointe-Noire (dans le strict respect des mesures barrières édictées par le gouvernement pour lutter contre le covd-19), et en virtuel pour la Colombie et le reste du monde.

Il faut noter que la compétion au QAFF se déroule en deux volets. Outre la compétition internationale, il y a aussi la  compétition nationale qui répond à son objectif de participer à la visibilité de la diffusion des producteurs congolais. Ladite compétition nationale regroupe cette année le Congo Brazzaville et la République démocratique du Congo (RDC). Dans ce cadre, cinq films ont été sélectionnés réalisés par Eddy Mikolo et Dan Scott du Congo Brazzaville et Déborah Basa, Tshoper Kabambi  et Kevin Mavakala de la RDC. 

Après la cérémonie de lancement, le festival s'est poursuivi le 14 septembre au Centre culturel Jean -Baptiste-Tati-Loutard avec la projection de cinq films, à savoir les courts-métrages «Trouble» de Dan Scott, « O doux vaudou » d’Olivier Dubois du Canada, et «Awa» de Déborah Basa, le long métrage «Heart of Africa» de Tshoper Kabambi ainsi que les documentaires «Mane» de  Sandra Krampelhuber (Autriche) et «Tête à tête»  d’Eddy Mikolo. Douze projections de films sont prévues le 15 septembre au Centre culturel Tati-Loutard, au Musée cercle africain et à la Fondation Basango où aura aussi lieu une exposition de photos et une conférence avec S.R. Kovo Nsondé sur les ouvrages « Récits du Congo » et « Contes de chez nous » ainsi qu’une conversation sur Zoom entre Jean d’Amérique ( Haiti) et Elias de Troya ( Colombie) sur la littérature et poésie afro-caribéennes.  

 

 

Hervé Brice Mampouya et Lucie Prisca Condhet

Légendes et crédits photo : 

Photo 1: Wilfrid Massamba Photo 2: Marie Madeleine Descalzi-Ingoba Photo 3: Claudia Haidara Yoka Photo 3: Sébastien Kamba entouré de Descalzi-Ingoba et Wilfrid Massamba Crédit photos"Adiac"

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