Santé : la crainte de propagation du virus Ebola gagne l’Europe

Jeudi 9 Octobre 2014 - 16:15

Abonnez-vous

  • Augmenter
  • Normal

Current Size: 100%

Version imprimable

Après un premier cas de contagion hors d’Afrique, notamment d’une aide-soignante d’un hôpital de Madrid, en Espagne, l’inquiétude règne depuis mardi en Europe. Cela a conduit la Commission européenne à demander des explications immédiates aux autorités sanitaires espagnoles.

La femme contaminée, âgée d’une quarantaine d’années avait soigné le mois dernier deux missionnaires rapatriés en Espagne après avoir été infectés par la fièvre hémorragique. Les deux sont décédés, le premier en août et le second en septembre. Depuis lors, la trentaine de personnes qui travaillaient avec cette aide-soignante sont suivies par les autorités sanitaires espagnoles, de même que le personnel qui a été en contact avec elle à l'hôpital d'Alcorcon. Un porte-parole du ministère espagnole de la santé  a d’ailleurs indiqué que « le mari de la femme a été hospitalisé par précaution ».

Loin de se laisser aller à la panique, le gouvernement espagnol, par la voix de la ministre en charge de la Santé, Ana Mato, a appelé au calme. Elle a affirmé que « toutes les mesures pour garantir la sécurité du personnel hospitalier qui la soigne et de toute la population étaient prises.» Et d’ajouter : « Nous sommes en train de vérifier si tous les protocoles ont été strictement respectés pendant le traitement des deux missionnaires revenus d'Afrique en août et en septembre » Cet appel n’a pas empêché les syndicats espagnols d'infirmiers de dénoncer « l'inefficacité » du protocole mis en place lors de l'hospitalisation des religieux.

Réagissant à  la situation qui prévaut en Espagne, le porte-parole de la Commission européenne, Frédéric Vincent, a déclaré : « Il y a évidemment eu un problème quelque part ». « Les États membres de l'UE sont censés avoir mis en place des procédures nationales précises et coordonnées au niveau bruxellois pour prévenir l'entrée du virus sur le territoire européen » a-t-il rappelé, ajoutant que malgré ce cas, « il n'y a pas d'inquiétude » à la Commission d’autant que selon lui, la propagation du virus Ebola en Europe « reste hautement improbable »

De son côté, le président François Hollande a assuré que la France était en situation de pouvoir soigner des personnes atteintes par le virus d'Ebola, « si des cas se produisaient en France ». Malgré cela, trois familles ont refusé de déposer lundi matin leurs enfants dans une école de Boulogne-Billancourt, dans la banlieue parisienne, en raison de la présence d'un élève récemment rentré de Guinée, a indiqué la mairie de la commune.

Au Quai d’Orsay, dans le cadre de la mobilisation de la France contre la pandémie qui gagne déjà l’Europe, le ministre français des Affaires étrangères, Laurent Fabius a nommé Christine Fages en qualité d’ambassadrice, coordinatrice de la task-force interministérielle Ebola. Les autorités françaises entendent donc accentuer cette mobilisation par des mesures drastiques pour répondre à la crise. Il s’agit, au niveau bilatéral, de concentrer l’aide du pays à la demande de la communauté internationale, sur la Guinée. Elle sera renforcée prochainement par un centre de traitement Ebola, dont la création a été décidée par le président de la République. Il s’agit aussi de le faire avec les contributions multilatérales, l’aide de la France ayant atteint plus de 70 millions d’euros. Paris, notons-le, a déjà pris de nombreuses initiatives pour renforcer la réponse internationale à l’épidémie, en lien avec ses partenaires européens et les organisations internationales.

Rappelons que selon le dernier bilan de l'Organisation mondiale de la santé (OMS),  la fièvre hémorragique à virus Ebola qui sévit en Afrique de l'Ouest (Liberia, Sierra Leone, Guinée) a fait 3.439 morts sur 7.478 cas enregistrés dans la région depuis le début de cette année. Cette flambée, la plus grave depuis la découverte du virus en 1976, a conduit l'OMS à déclarer le 8 août que la lutte contre Ebola était « une urgence sanitaire mondiale ». À cette épidémie ouest-africaine, s’ajoute  un foyer d'Ebola dans une zone reculée de la République démocratique du Congo et plusieurs cas suspects de la fièvre hémorragique de Marburg en Ouganda.

Principales dates de l'épidémie en Afrique de l'Ouest

En Guinée, où elle a démarré en fin 2013, l’épidémie Ebola, la pire du genre depuis l’identification du virus en 1976, qui a déjà fait plus de 3400 morts totalisait déjà 61 décès le 24 mars dernier, comme l’avaient alors indiqué les autorités sanitaires guinéennes et l’OMS. En Sierra Leone le premier cas confirmé a été annoncé le 26 mai. Au Libéria, c’est le 31 mai que deux cas ont été confirmés dans ce pays. Le 30 du même mois, Médecins sans frontières (MSF) annonce qu’ « Ebola est hors de contrôle » et ce pays en profite pour fermer ses écoles après avoir clos une partie de ses frontières.

Lorsqu’on arrive au mois d’août, plus précisément à la date du 5, la Banque mondiale annonce 200 millions de dollars d'aide qu'elle doublera en septembre. Le 8 août, et devant l’ampleur de la maladie, l'OMS décrète une « urgence de santé publique mondiale ». Ce qui la conduit, quatre jours plus tard, soit le 12 août à approuver l'emploi de traitements non homologués. Le Liberia reçoit quelques doses du sérum expérimental américain ZMapp le jour suivant. Un missionnaire espagnol, contaminé au Libéria, sera considéré dès ce jour comme le premier européen à succomber du virus.

Du 18 au 27 août,  plusieurs pays africains prennent la décision de fermer leurs frontières avec les États touchés, qui seront de plus en plus coupés du monde. Le 2 septembre, MSF prévient que le « Le monde est en train de perdre la bataille » contre Ebola. Les Nations unies de leur côté s'alarment de possibles pénuries alimentaires dans les pays touchés. C’est ainsi que l’ONU se donne à partir du 5 septembre six à neuf mois pour stopper la transmission du virus. Quatre jours après, la maladie se propage comme un feu de forêt, puisque, selon le ministre libérien de la Défense  l'existence de son pays était « gravement menacée ». Les Etats-Unis réalisent le danger de la propagation du virus et portent leur aide à plus de 100 millions de dollars.

Le 10 septembre, le Sénégal annonce la guérison de son unique cas confirmé, un étudiant guinéen. Moins d’une semaine après, l’ONU estime qu’il faut près d'un milliard d'USD pour lutter contre Ebola. Washington saisit l’occasion pour annoncer un plan d'action prévoyant l'envoi de 3.000 militaires, chiffre porté à 4.000 le 3 octobre.  Le 17 septembre, l’Union européenne annonce à son tour qu’elle ne peut d’aucune manière rester en marge de la lutte contre Ebola. Elle promet 78 millions d'euros en plus de quelque 150 M déjà débloqués. Le jour suivant, le Conseil de sécurité évoque une « menace pour la paix et la sécurité internationales », une première concernant une urgence sanitaire. La France annonce l'installation d'un hôpital militaire en Guinée forestière, principal foyer. Le 19 septembre, alors que l’épidémie poursuit sa progression en Afrique de l’ouest, la Sierra Leone décrète trois jours de confinement de sa population puis place sous quarantaine, le 25, trois régions où vivent 1,2 million d'habitants. En Guinée, huit membres d'une mission de sensibilisation sont retrouvés morts, tués par des villageois. Le même jour il a eu rapatriement en France d'une infirmière de MSF infectée au Liberia, qui sera  guérie le 4 octobre. Aux Etats-Unis, un Libérien hospitalisé le 30 septembre au Texas (sud) dans un état grave sera reconnu comme le  premier malade d'Ebola diagnostiqué hors d'Afrique.

Au mois d’octobre, notamment dès le 1er, une épidémie distincte déclarée en République démocratique du Congo fait 42 morts. Le jour suivant, le Liberia annonce que toutes ses régions sont touchées.  Le 3 octobre, un cameraman de NBC infecté au Liberia, sixième Américain contaminé en Afrique. Ils sont tous soignés aux Etats-Unis (l'un a été déclaré guéri) sauf un Américano-libérien décédé en juillet au Nigeria après avoir voyagé au Liberia. Le 4 octobre, un médecin ougandais contaminé en Sierra Leone devient le deuxième patient soigné en Allemagne, après un expert sénégalais qui sort guéri de l'hôpital ce jour même. La date du 6 octobre devient celle de la première contamination connue hors d'Afrique : une aide-soignante en Espagne travaillant dans l'hôpital madrilène où est mort un prêtre en août puis un deuxième missionnaire le 25 septembre y est affectée. Le même jour, une Norvégienne, médecin pour MSF infectée en Sierra Leone a été rapatriée.

 

Nestor N'Gampoula