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Transition

Samedi 24 Avril 2021 - 16:48

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Dix-huit mois ? Voilà une échéance politique qui fait des émules. Après la disparition tragique du maréchal du Tchad, le président Idriss Déby Itno, le 20 avril, les militaires qui ont pris sa succession, avec à leur tête le général de corps d’armée, Mahamat Idriss Déby, son fils, ont promis à leurs compatriotes de rendre le pouvoir aux civils au bout d'une année et six mois.

On se souvient qu’au Mali, au lendemain de l'éviction du président Ibrahim Boubacar Keita, le 18 août 2020, un conseil militaire mis en place pour la circonstance avait donné rendez-vous aux Maliens pour revenir à l’ordre constitutionnel après une transition de dix-huit mois. Dans le premier, comme dans le second cas, ce qui compte est bien de rassurer les uns et les autres, en particulier les forces politiques intérieures et les partenaires extérieurs.

Pour ce qui est du Mali, la mise en place des instances de la transition, dont un gouvernement, n’avait pas été aisée. De nombreuses voix venant de la société civile n’avaient cessé de dénoncer la mainmise des militaires sur l’entièreté du processus. On peut comprendre que sommés de regagner les casernes à la fin de la transition, les hommes en uniformes se soient donné l’occasion de mieux préparer ce retour vers leurs lieux de provenance.

Au Tchad, la succession du président Idriss Déby Itno s’est faite assez rapidement. Peut-être parce qu’il n’a pas été déposé "pacifiquement" comme cela a été le cas de son homologue malien. Les circonstances d’une mort aussi tragique, dans un pays affecté par les rebellions, ont certainement plaidé pour ce format devant lequel malgré tout, les langues se délient pour rejeter variablement « un coup d’Etat », ou encore une volonté des militaires de « conserver indéfiniment le pouvoir ».

Sauf à redouter une autre situation inattendue, les discours entendus le jour des obsèques du maréchal, le 23 avril, à N’Djamena, renseignent à peu près sur la conduite dictée par les événements. La France, partenaire traditionnel du Tchad, qui dispose sur place d’une importante base militaire, représentée aux obsèques au plus haut niveau par le chef de l'Etat, a pris sur elle, on pense, d’aider les autorités de la transition à mieux s’organiser politiquement et militairement.

En déclarant en effet que la France « ne permettra ni aujourd’hui, ni demain la déstabilisation du Tchad », le président Emmanuel Macron a sans doute voulu envoyer un message suffisamment clair à ceux qui, à l’intérieur comme à l’extérieur nourriraient des ambitions autres que celles de préserver la quiétude dans ce pays. Aux oppositions armées, comme à l’opposition politique civile, Paris souhaite une mise en route tranquille de la transition.

À d’autres puissances extérieures impliquées de quelque manière que ce soit dans la cour de ce que la vieille diplomatie toujours en vigueur nomme "le pré-carré français" (allusion aux pays naguère colonisés par la France et à l’intérieur desquels l’influence de l’ancienne puissance coloniale est toujours en place), ce message des autorités françaises ne leur est adressé que doctement. Bien sûr, en fonction des intérêts de chacun des acteurs concernés, les énonciations de ce type doivent aussi être des signaux pour bâtir le dialogue. Dans le cas contraire, les erreurs du passé, qu’il ne sert à rien de rappeler ici, ne serviront jamais la cause commune.

Le dialogue, c’est bien ce dont ont besoin tous les Tchadiens dans la période cruciale actuelle où leur pays a vacillé mais ne s’est pas écroulé. « Oui à la paix !» scandaient en chœur les femmes du Tchad rassemblées à N'Djamena en hommage au président Deby. Cette paix peut commencer dès maintenant avec l’installation des autres institutions de la transition qui s’instaure.

Le gouvernement faisant partie de ces institutions attendues, la mission qui lui sera confiée ainsi que la qualité de ses animateurs seront les attributs de la quiétude espérée. Les généraux du Conseil militaire de transition feraient mieux d'y songer fortement. Ce serait l’hommage le plus mérité qu’ils auraient rendu à leur chef suprême et compagnon d’armes, feu le maréchal du Tchad, Idriss Déby Itno ; certainement aussi la concession majeure qui pourrait leur permettre d'avoir un peu sommeil par ces heures évidemment graves pour leur pays.

Gankama N'Siah

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