Interview. Anicet Walker Mansounga: « Les Africains devraient faire de leur continent leur eldorado »Lundi 4 Octobre 2021 - 13:15 Passionné de lecture et d'écriture depuis son jeune âge, Anicet Walker Mansounga vient de publier, aux éditions Vérone, son tout premier ouvrage, « Voir Paris à tout prix ». Inspiré d’une anecdote célèbre dans les rues de Bacongo, deuxième arrondissement de Brazzaville, ce roman de 175 pages traite du phénomène d’immigration en Afrique, particulièrement au Congo, où débute le récit. Entretien avec l’auteur.
Anicet Walker Mansounga (A.W.M.) : C'est depuis mon jeune âge. A l'époque, il y avait des manuels que l'école mettait à la disposition des élèves et la lecture se faisait à tour de rôle. J'étais au CE1 quand j'ai reçu mon tout premier livre, "La lecture au CE1". C'est de là qu'est parti le déclic. Au fil du temps, la passion a muri en lisant de nombreux écrivains congolais comme Guy Menga dans « Les gens du fleuve » et « L'affaire du silure », Emmanuel Dongala avec "Jazz et vin de palme", Henri Lopes, Sony Labou Tansi, et biens d'autres. L.D.B. : Pourquoi avoir attendu aussi longtemps pour publier ce livre ? A.W.M. : D'entrée de jeu, j'ai voulu écrire un livre très tôt. J'ai eu cette idée un jour et j'ai attendu le bon moment. Mon tout premier livre m'a été inspiré par la phrase d'un ami artiste qui un jour m'a dit vouloir aller continuer de pratiquer son art en France. Dans nos échanges, il me confie qu'à Bacongo où il vit, tout le monde rêverait de partir en France, même sa grand-mère. Cela m'avait fait rire, à tel point que ça m'est resté dans la tête pendant longtemps et un jour quand je me suis mis à écrire à mes heures perdues, j'ai voulu orienter le récit dans le sens de cette histoire en mêlant la fiction aux faits réels ou des choses vécues et vues. Mais, il est resté longtemps dans les oubliettes , parce que je l'ai commencé en 2011. J'ai fait une pause jusqu'en 2017 à cause de mes études et stages, avant de retomber sur mes manuscrits en 2018 pour enfin finaliser l'œuvre en 2020. L.D.B. : Qu'est-ce qui justifie le choix du genre romanesque ? A.W.M. : Quand j'ai commencé à écrire en autodidacte, je m'intéressais plutôt à la poésie vu que je ne connaissais pas vraiment les autres genres. Et quand j'ai découvert le roman, j'en suis devenu fan. Ainsi, le genre roman simplement parce que je trouve qu'il ne présente pas trop de règles coercitives et aussi parce qu'il m'a longtemps fasciné. L.D.B. : En parlant de personnage, le principal dans votre roman c'est Armand Zola. Qu'est-ce qui l'a poussé à tout abandonner dans son pays en espérant une vie meilleure à Paris ? A.W.M. : L'envie pour Armand Zola de se rendre à tout prix à Paris vient de ce qu'il entendait de la part de ceux qui faisaient des navettes entre le pays et la France. Les Parisiens qui rentrent et qui nous disent que là-bas la vie est belle, facile et qu'on peut avoir, si on le souhaite, deux boulots et qu'on peut s'acheter de beaux vêtements et de jolies chaussures. Zola le voit, quand ses aînés rentrent de France, certains viennent avec des voitures, parviennent à construire en un laps de temps. Lui aussi, nourri par ses histoires, a fini par se convaincre que s'il partait pour la France sa vie changera et il pourra aider sa famille à sortir de la misère. L.D.B. : Et qu'est-ce ce qui s'était réellement passé ? A.W.M. : Malheureusement pour lui, ce fut une véritable désillusion car il découvre d'autres réalités, pas celles qu'il espérait. Il a été confronté à la vie d'un sans-papier. Il fait aussi face au choc culturel car ce qu'il découvre n'est pas ce qu'il avait pour habitude de voir, entendre, faire ou subir. A certains moments, il se sentait blessé dans son âme. Il a eu pas mal de regrets à cause de cette obsession qu'il prenait pour un rêve radieux.
A.W.M. : Après que l'oncle a fait son aventure, le neveu qui vient après des années pour poursuivre ses études en France va donc le voir et lui faire des reproches pour toutes les promesses faites sans être tenues. Le neveu, en arrivant en France, ne concevait pas l'idée que son oncle ne tienne pas à ses promesses alors qu'il a une bonne vie. Mais, son oncle lui explique rapidement la réalité qui diffère de ce qu'on entend quand on est au pays. Pour le persuader, il prend sa fiche de paie, la présente à son neveu, et font la comptabilité ensemble. Ce qui reste semble insignifiant pour venir en aide tout le temps à la famille vivant dans la précarité au pays. Le neveu se rend compte que ce n'est pas facile et s'excuse auprès de son oncle pour les accusations faites à son égard. A ce moment, l'oncle lui conseille de ne pas être comme ses aînés qui, après avoir fait de longues études, ont préféré rester en France à faire de petits boulots avec leurs grands diplômes au lieu de rentrer au pays. « Toi, après avoir fait tes études, rentre au pays pour y travailler », lui dit-il. Et le neveu décida de l’appliquer, afin de mettre ses connaissances au service du développement de son pays. L.D.B. : Que peut-on retenir de ce roman ? A.W.M. : Il y a plusieurs leçons à tirer de ce roman qui traite autant de l’immigration que de la fuite des cerveaux en Afrique, l’aliénation culturelle, le racisme, la pauvreté, l’illusion, etc. La question que je me suis posé tout au long de l’écriture de ce roman est de savoir si les Africains, de façon générale, ou plutôt l'Afrique était autant désespérée pour que ses enfants aillent risquer leurs vies en Méditerranée pour aller en Europe, s'imaginant que là-bas il fait bon vivre ? L’une des leçons à retenir est qu'il faut être bien renseigné, lorsqu'on veut partir quelque part. Car lorsqu'on sait à quoi on sera confronté, on est préparé. On ne peut pas interdire aux gens de voyager, seulement il faut être préparé pour ne pas être surpris et déçu par les réalités qu'on rencontrera. Certains ont trouvé la mort, que ce soit volontairement ou involontairement. La morale est donc de toujours bien se renseigner, car s'il fallait se fier aux dires de ceux qui font des navettes et qui donnent l'impression d'avoir réussi facilement, on sera toujours loin de la vérité. Que chacun lise le roman et en tire les bonnes leçons. Propos recueillis par Merveille Atipo Légendes et crédits photo :1- L’écrivain congolais, Anicet Walker Mansounga/DR
2- La couverture du livre/DR Notification:Non |