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Lundi 19 Juillet 2021 - 20:54

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Dans un monde moderne, dire merci à quelqu’un c’est faire preuve de gratitude après avoir reçu de lui un service. Dire merci c'est également être capable d'admettre que l'on a parfois besoin de l’aide d'autrui. Il est donc essentiel de dire merci  pour améliorer les rapports avec les autres et ainsi, avancer dans la vie en société.

Cependant, de nos jours, cette formule de politesse usée en reconnaissance pour service rendu, sonne désormais comme une insulte aux yeux de la plupart des agents des administrations congolaises. Autant dire que nos comportements changent et c’est dans l’ordre normal des choses. Mais, là où le bât blesse, c’est quand ce changement devient pour le moins négatif. C’est à peu près l’image que renvoie maintenant notre société de l’expression « merci ». Il n’est pas rare de s’entendre répondre : « merci ! ça ne se mange pas ». Pourtant, la norme sociale fait presque obligation à chacun de se conformer à cette formule qui est consécutive au service rendu. Il est non seulement un acte de politesse, mais aussi de la reconnaissance vis-à-vis de celui qui vous a aidé.

Disons que depuis la nuit des temps, l’usage du terme merci nous renvoie à un fait agréable nous comblant de satisfaction morale. Celui qui dit merci ne s'appauvrit pas, alors que celui qui le reçoit se sent réconforté. Et  pour le dire, le mot surgit et se prononce spontanément. C’est de cette manière qu’ont été régies nos sociétés dans ce domaine. 

Malheureusement, nos pratiques sociales tendent de plus en plus à galvauder l’usage de cette civilité élémentaire.  Les remerciements sont devenus une exigence à laquelle tout usager devrait se soumettre avant même que le service ne lui soit rendu. 

A-t-on besoin d’un texte administratif pour faire avancer son dossier de pension de retraite ou avoir des soins de santé de qualité dans des hôpitaux ? Alors, il vous faut "remercier" avant. Autant dire qu’il s'est produit une espèce de conversion du terme merci en espèces sonnantes et trébuchantes. Le constat est notoire et il est observé partout dans les administrations, notamment. De fil en aiguille, et au nom des remerciements anticipés, les diplômes et les passages en classes supérieures dans les établissements scolaires et universitaires se monnaient. 

Or, il y a dans nos administrations publiques ou privées des hommes et des femmes commis au service des usagers. Ils sont payés mensuellement pour l’accomplissement de cette mission. Ainsi, ils sont au contact quotidiennement de plusieurs personnes qui attendent qu’ils leur donnent satisfaction en rapport avec les besoins qu'ils expriment. Mais hélas ! Les demandeurs des services, bien que légaux, sont tenus à la merci des administratifs pour le moindre service, quelle qu’en soit l’urgence signalée.     

Remercier les administratifs après le service qu’ils leur auront rendu n’est pas un acte que les usagers ne savent pas poser. Bien au contraire ! En toute conscience, ils peuvent le faire, quelquefois en nature ou en espèces. Le mal réside dans le fait que ceux qui sont appelés à rendre ces services gracieusement réclament des usagers de l’argent, en guise de contrepartie pour compenser le service attendu. 

Cette pratique illogique dans nos administrations convainc les usagers du sentiment que le moindre service rendu dans les administrations congolaises n’est gratuit. C’est le nouveau sens que notre société semble visiblement donner à l’expression merci. Ce comportement, presque normal, a longtemps pris corps et s'est installé durablement dans notre société. Ces valeurs rétrogrades auront encore de beaux jours devant elles si les mesures ne sont pas prises.

Valentin Oko

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