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La grande panne de l’âme : réflexion sur la perte des valeurs fondamentalesSamedi 28 Juin 2025 - 18:45 Dans le fracas du monde moderne, quelque chose d’essentiel s’est effondré en silence : le sens. C’est une déroute discrète, presque élégante, masquée par le bruit des marchés, des canons, des progrès technologiques, et l’emballement de nos sociétés productivistes. Mais au fond de chaque homme, de chaque femme, un vide s’est installé. Un vide que ni l’argent ni la réussite, moins encore l’accumulation ne comble. Notre époque souffre, non d’un manque de moyens, mais d’un excès de matérialisme. L’argent est devenu le nouveau dieu, la technologie notre nouveau clergé. Mais cette religion moderne, sans sacrée, sans mystère, sans transcendance, sans interdit et sans péché laisse l’être humain orphelin de lui-même. Notre propos ici n’est pas de dénoncer la modernité ni de prêcher un retour passéiste aux choses anciennes. Il s’agit d’observer avec lucidité que l’humanité a perdu de vue ce qui fait d’elle une humanité : l’humanisme, la spiritualité, la fraternité, la bonté, la quête du vrai. On assiste à l’émergence d’une humanité robotisée. Alors que la technologie devait nous libérer, elle nous a enchaînés. Elle devait nous soulager, elle nous a déshumanisés. Nous produisons plus, nous consommons plus mais nous vivons moins. Nos existences se consument dans des écrans, dans des notifications, dans une anxiété permanente d’être performant, visible, reconnu. L’être s’est effacé devant le paraître, il y a décidemment perte de valeur morale. Plus inquiétant encore, nous devenons insensibles. La souffrance de l’autre est devenue une image parmi d’autres. L’indignation s’effondre sous le flot de divertissement. La scène horrible qui a fait le buzz de tik-tok, celle du jeune garçon abusé par son enseignant largement diffusée sur tik-tok, est l’expression d’une sorte d’harmonie. Plus personne ne s’émeut devant le vol, l’échec ou la souffrance de l’autre. Les voleurs et les détourneurs de fonds publics sont acculés et glorifiés, tout le monde est coupable, mais personne n’est responsable. Le monde pleure, mais nos cœurs sont secs. L’éthique oubliée La crise que nous traversons est d’abord morale. Nous avons confondu intelligence et sagesse, savoir et conscience. Il ne suffit pas d’être cultivé pour être juste, ni brillant pour être bon. Il manque une boussole, une éthique. Non pas celle des manuels de droit, mais celle du cœur. Celle qui nous enseigne que le bien ne se démontre pas, qu'elle se reconnaît, qu’un enfant sait instinctivement quand il a mal agi. C’est cette petite lumière intérieure qui s’est éteinte chez beaucoup, faute d’être entretenue. Un peu de spiritualité sans religiosité, entre spiritualité et religion, il y a souvent un abîme. La religion impose un dogme souvent hérité, rarement questionné. Elle peut rassurer, mais aussi diviser. La spiritualité, elle, naît du silence, de la contemplation, de la connaissance intime des lois de la vie, de la nature, de l’univers. La spiritualité unit. Les églises sont divisées et les scandales se multiplient. Aujourd’hui, croire ne suffit plus, il faut comprendre. Il faut vivre d’essentielles : la compassion, l’altruisme, la beauté du monde, la fragilité du vivant. En effet, la spiritualité est un chemin de connaissance mais pas d’obéissance. Elle nous enseigne que Dieu n’est pas un roi vengeur, mais une intelligence cosmique, un souffle qui traverse toute chose. On peut retenir qu’il n’y aura pas de paix durable sans retour à l’humanisme. Il n’y aura pas de développement dans nos sociétés sans acceptation des valeurs fondamentales, il nous faut placer l’homme au cœur de nos choix. Croire que l’homme est bon, qu’il peut, qu’il doit se dépasser. Ce retour ne se fera ni par décret ni par violence, mais se fera par l’éducation, l’éveil, la rigueur et le respect des lois, la transmission à nos enfants des valeurs fondamentales et d'une éthique. Emmanuel Mbengue Edition:Édition Quotidienne (DB) Notification:Non |