Chronique: Biodiversité : pourquoi aucun pays n’est exemplaire ?

Vendredi 16 Juillet 2021 - 13:23

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La relation entre la diversité biologique (biodiversité) et le fonctionnement des écosystèmes est une des questions les plus actuelles de l’écologie aujourd’hui. En effet, la science ne cesse de démontrer incontestablement que notre planète est confrontée à une crise majeure d’extinction d’espèces et l’on s’interroge sur les conséquences concrètes de la diminution rapide de la diversité biologique avec, en toile de fond, la question de l’existence éventuelle d’une diversité minimale au-dessous de laquelle il ne faudrait pas descendre au risque de bouleverser profondément les conditions de vie de l’humanité.

Beaucoup d’expériences ont été menées à travers le monde qui démontrent presque toujours qu’un grand nombre d’espèces est le gage d’une productivité élevée, y compris en milieu agricole, et la garantie d’une bonne capacité de résistance aux perturbations de toutes sortes, notamment climatiques et sanitaires. Cette liaison positive entre biodiversité et santé de l’écosystème a été exprimée en termes d’assurance biologique : plus les espèces sont nombreuses, plus il y a de chance pour que l’une ou plusieurs d’entre elles soient adaptées au nouvel environnement induit par un événement exceptionnel ou extrême.

C’est en tenant compte de tous ces paramètres que l’ONU vient de dévoiler de grands objectifs sur lesquels les États doivent s’entendre pour essayer de ralentir l’effondrement en cours de la biodiversité. Un enjeu existentiel qui passe par la réduction des déchets, une maîtrise des pesticides rejetés dans la nature ou encore la protection de vastes aires de la planète. Ces objectifs doivent être entérinés lors de la prochaine COP15 sur la biodiversité, qui malheureusement est reportée à 2022 en raison de la crise sanitaire. Rappelons qu’un million d’espèces animales et végétales pourrait disparaître et la mauvaise santé des écosystèmes s’aggrave. Pour l’heure, aucun pays au monde n’est exemplaire.

La crise sanitaire de Covid-19 nous rappelle l’importance de préserver la biodiversité. Selon les experts, la protection de la nature est un rempart efficace contre l’émergence de nouveaux coronavirus. L’ONU vient d’ailleurs de publier un document comportant 21 cibles à atteindre en 2030 pour réduire les menaces pesant sur la biodiversité, répondre aux besoins des populations à travers une gestion durable et équitable des ressources naturelles et des outils pour effectivement mettre en place ces mesures. C’est ce document que les délégations diplomatiques du monde entier vont devoir discuter lors de la convention de l’ONU sur la biodiversité biologique qui se tiendra l’an prochain.

Une des cibles proposées dans ce document est de s’assurer qu’au moins 30% des espaces terrestres et des espaces maritimes au niveau mondial sont conservés à travers des systèmes d’aires protégées et d’autres mesures de protection. Un autre objectif vise à baisser la pollution à des niveaux qui ne soient pas dommageables pour la nature et la santé humaine, en particulier en réduisant les pertes d’engrais dans l’environnement d’au moins 50% et les pertes de pesticides d’au moins deux tiers, ainsi que la pollution plastique.

Le texte aborde aussi la question des financements. Les subventions néfastes pour l’environnement devraient être réduites d’au moins 500 milliards de dollars par an.  Parallèlement, les financements en faveur de la biodiversité doivent augmenter à au moins 200 milliards de dollars par an, avec une orientation d’une partie des fonds vers les pays en développement. Tout le monde s’accorde à dire que les gouvernements vont devoir faire preuve d’ambition et de leadership pour préserver les systèmes naturels sur lesquels reposent notre prospérité et notre bien-être car malgré ces pas en avant, l’ambition affichée par les Etats n’est pas encore assez élevée pour parvenir à faire de la nature un sujet véritablement politique, et obtenir les changements transformationnels nécessaires pour mettre fin à  l’érosion de la nature. Alors que la biodiversité continue de disparaître à un rythme alarmant, nombreux organismes de préservation de la nature déplorent le manque d’action des pays membres de la convention sur la diversité biologique, qui, pour la plupart, n’ont pas atteint en 2020 les objectifs d’Aichi au Japon, qu’ils s’étaient fixés collectivement en 2010, à savoir un plan stratégique pour la diversité biologique 2011-2020.

Dans le contexte de crise écologique actuelle, la biodiversité et sa valeur sont extrêmement fortes dès lors qu’on se projette sur le très long terme : 30, voire 50 ans en avant. Or, nous avons du mal à envisager le long terme. Actuellement, l’économie récompense surtout le court terme. Prendre en compte la biodiversité implique donc la rénovation de notre cadre de pensée et d’analyse économique pour mieux intégrer le long terme, c’est-à-dire la planète. 

 

Boris Kharl Ebaka

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