Immigration : le drame sans fin !

Lundi 20 Avril 2015 - 17:45

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Plus de mille migrants noyés en trois jours en Méditerranée : l’Italie appelle l’Europe a enfin prendre conscience de la tragédie.

Les épithètes ont du coup un accent de légèreté. On ne sait plus comment qualifier le chapelet de tragédies qui se jouent en Mer Méditerranée ces derniers jours. En octobre de l’an dernier, devant l’alignement dans une salle communale de Lampedusa (Sicile) de plus de 300 cercueils de migrants noyés, on avait pu titrer sur « la plus grande tragédie jamais enregistrée dans le canal de Sicile ». Or le pire était à venir. Car, à peine a-t-on eu le temps d’enregistrer l’effroyable nouvelle de plus de 700 migrants (peut-être 900 même, prévient la marine italienne !) morts noyés dimanche dans le retournement de leur bateau qu’en Grèce on annonce le naufrage de plus de 200 autres malheureux !

Le décompte macabre dépasse l’entendement : un clandestin jeté aux requins par des passeurs ; une dizaine de migrants chrétiens jetés à la mer par leurs camarades d’aventure musulmans ; une Erythréenne qui accouche au milieu du tumulte ; 42 noyés et tués par asphyxie dans les cales (fermées) de leur bateau ; 700 emportés dans le fond de la mer quand les passagers d’une embarcation ont afflué d’un côté pour tenter de gagner un navire portugais ayant répondu à leur appel de détresse ; puis 200 morts dans une embarcation en détresse au large des côtes grecques lundi…

L’ampleur de l’horreur est telle qu’aucun parti politique en Italie, des plus humanistes aux populistes et xénophobes n’a été avare de commentaires émus. Le Premier ministre Matteo Renzi, qui appelle l’Union européenne à réagir, continue en même temps de souligner qu’une partie de la solution passe forcément par la résolution de la crise libyenne. L’Italie ne fait pas mystère de sa désapprobation, aujourd’hui comme au moment des faits, de l’action inconsidérée menée par le président Sarkozy et le Premier ministre britannique Cameron contre le régime de Mouammar Kadhafi en 2011.

Signe de cet agacement montant, Matteo Renzi n’écarte plus lui-même aujourd’hui de mener des « interventions ciblées » en Libye, mais contre les passeurs. L’effondrement du régime Kadhafi a conduit à une désorganisation totale de ce pays ; les trafiquants en tous genres sont montés au créneau sous les dénominations religieuses ou politiques les plus diverses. Ils font de juteuses affaires avec l’immigration clandestine déversée vers l’Europe par l’Italie. Tout en se refusant à une intervention militaire en bonne et due forme, Matteo Renzi se dit résolu à mener « des interventions ciblées pour détruire un racket criminel ». La semaine dernière déjà, le Premier ministre avait réaffirmé aux États-Unis (membre de la coalition qui renversa Kadhafi) que son pays considérait « la Libye comme le principale problème, parce que située en face de l’Italie ; elle fait partie d’un problème complexe qui concerne le risque d’infiltration terroriste en Afrique ».

À sa demande insistante, l'Union européenne dont la politique étrangère est dirigée par Federica Mogherini, une Italienne ancien ministre des AE de Matteo Renzi, a convoqué lundi une réunion conjointe d’urgence, rassemblant les ministres de l'Intérieur et des Affaires étrangères au Luxembourg. « Nous n'avons plus d'alibi. L'Union européenne n'a plus d'alibi, les Etats membres n'ont plus d'alibi », a martelé Mme Federica Mogherini. « Les tragédies de ces derniers jours, de ces derniers mois, de ces dernières années, c'en est trop. On a besoin de mesures immédiates de la part de l'UE et des Etats membres », a-t-elle estimé.

Des mesures ?

Tout le monde s’accorde à dire que Frontex, mécanisme européen de surveillance de la Méditerranée ayant pris la place de l’opération italienne Mare Nostrum, ne se montre pas à la hauteur de l’enjeu. Son directeur-adjoint Gil Arias, l’a d’ailleurs reconnu en évoquant un manque de moyens et en plaidant pour une autre politique migratoire en Europe. «Nous ne devons pas oublier que la Méditerranée est immense, deux millions de km2, on ne peut pas contrôler et surveiller absolument toutes les zones où l'on peut éventuellement avoir des migrants et tenter d'éviter des tragédies. La solution, c'est une plus grande coopération avec les pays d'origine et de transit, c'est de trouver des solutions à l'instabilité dans ces pays. C'est un travail de diplomatie ».

La presse européenne, de Paris à Bruxelles en passant par Madrid et Londres, était unanime à condamner une léthargie européenne coupable, et son flot de mots émus qui, après chaque tragédie, ne donnent lieu à aucune action concrète. En visite chez le pape François samedi, le président italien, M. Sergio Mattarella, avait mis en garde contre l’attentisme européen devant la multiplication de ces drames : « nous risquons de perdre notre humanité », avait-il averti, en syntonie avec le Souverain pontife. Le journal populaire français Le Parisien résumait parfaitement lundi cet état des choses lundi : « À moins de considérer que nos valeurs humanitaires sont des idées mortes, l'indifférence n'est pas une option (...) Combien faudra-t-il repêcher de cadavres pour qu'enfin cette tragédie humanitaire soit considérée comme une urgence historique absolue? ».

 

Lucien Mpama