Interview. Bel’ange Hangidi : « Je suis indépendante, je tiens à le rester »

Vendredi 29 Avril 2022 - 13:18

Abonnez-vous

  • Augmenter
  • Normal

Current Size: 100%

Version imprimable

Danseuse professionnelle depuis cinq ans partie de la danse contemporaine, l’ambassadrice de l’afro street kinois ne dédaigne pas le ndombolo. Révélée avec "Diemba", générique de l’album "7 jours de la semaine" de Werrason, depuis, elle a collaboré avec presque tous les grands orchestres et même des stars du gospel. Son parcours, la jeune chorégraphe au caractère bien trempé le livre dans cette interview exclusive avec "Le Courrier de Kinshasa".

 

Bel’ange Hangidi, ambassadrice de l’Afro street kinois(DR)Le Courrier de Kinshasa (L.C.K.) : Est-ce facile le métier de danseuse à Kinshasa  ?

Bel’ange Hangidi (B.H.)  : Non, ici à Kinshasa, c’est difficile de s’épanouir. C’est vraiment difficile lorsqu’on est femme. Il faut passer par l’intermédiaire d’un danseur car ici, la plupart de ceux qui évoluent bien dans la danse sont des hommes. Pour les filles, c’est compliqué parce que ces hommes ont déjà tissé des relations et ne sont pas vraiment disposés à nous aider à promouvoir nos projets. Il arrive que l’on soit obligé de leur céder un projet de sorte qu’il passe pour son initiateur et la danseuse endosse simplement le titre d'interprète. Avec moi, ça ne marche pas. Je préfère encore travailler en tant qu’interprète dès le départ. Je ne peux pas accepter qu’un tiers se fasse passer pour le créateur de mon œuvre, je ne cautionnerai jamais cela, je n’y arriverai juste pas. Nous cherchons tous à nous faire une place sous le soleil mais c’est vraiment compliqué d’émerger seule.

L.C.K. : Le concours Vodacom Kata Dance offre une opportunité de se faire connaître. Vous n’aviez pas songé à y participer  ?

B.H. : À l’époque de Vodacom Kata Dance, je ne m’étais pas encore lancée dans la danse. Je ne nourrissais pas cette ambition-là. Au départ, c’est vrai qu’en famille je dansais et mon père et ma mère étaient déjà réputés bons danseurs. Tous en famille, nous aimions bien danser. Nous avions des chorégraphies personnelles qui entretenaient une belle ambiance familiale. C’est en 2010, après le décès de mon père, que mon avenir a basculé. J’avais 17 ans et j’étais à la fin de mes études. Je suis en deuxième position, mon frère aîné déjà diplômé poursuivait ses études supérieures en Afrique du Sud. Mon père avait décidé que nous allions à l’étranger au terme de notre cursus scolaire ici. J’étais en sixième, en terminale, mais mon père est décédé en novembre, je n’avais même pas encore passé l’examen d’Etat. Tout s’est écroulé, j’avais des frères et sœurs en bas-âge, le cadet était en maternelle. Il fallait, en tant qu’aînée, en l’absence de mon frère, trouver un moyen de nous tirer du pétrin. Ma mère ne travaillait pas, elle s’occupait du foyer avec l’argent que lui donnait mon père. Lorsque j’ai obtenu mon diplôme, j’avais déjà pensé à un plan B. Mon père aurait voulu que je sois médecin tandis que moi-même je rêvais de devenir hôtesse de l’air. J’ai commencé à faire tout ce qui me tombait sous la main. J’ai même été serveuse dans des boîtes de nuit à mon corps défendant. Le milieu était difficile, j’avais grandi autrement dans le cocon familial à Matete, c’était dur d’être serveuse. Un aîné du quartier m’a intéressée au théâtre, j’ai intégré le groupe Amisca dont il faisait partie. Puis, de fil en aiguille, j’ai été formée par Jean-Pi, un ancien de l’Institut national des arts (INA) ainsi que par le Pr Nzey. Les deux m’ont beaucoup aidée de sorte que j’ai fait un petit parcours dans le théâtre et j’ai eu l’occasion de participer à "Irresponsable contre Vue de loin", un projet important dont j’ai tenu le rôle principal. J’étais la fille de Vue de loin. C’est grâce à cette série télévisée que j’ai été découverte dans le milieu du théâtre populaire. En 2014, un de nos encadreurs m’a encouragée à intégrer un groupe de danse dont les répétitions se faisaient dans le même site que notre troupe théâtrale, à la Fikin. Au début, j’étais intimidée pensant que je n’arriverai pas à faire de la danse contemporaine comme c’était le cas dans cette compagnie dirigée par Guillaume, un ancien de l’INA. En 2015, j’ai presté pour la première fois dans le spectacle "Aller au-delà" de la Compagnie danse pour tous. Et, j’ai commencé à préférer la danse au théâtre de sorte qu’aujourd’hui, j’ai abandonné le théâtre au profit de la danse que je pratique exclusivement. Bel’ange Hangidi, Bienvenue Kangiengo et Sephora Mutubulu, les trois filles membres de Flawless Team (DR)

L.C.K. : Danseuse professionnelle depuis cinq ans, quel style pratiquez-vous ?

B.H. : J’ai commencé dans la danse contemporaine, la danse de recherche, puis j’ai fait du hip-hop, de la danse urbaine. Je pratique le hip-hop dans le groupe Flawless Team. Il m’arrive aussi de faire du ndombolo.

L.C.K. : De tous ces styles de danse que vous pratiquez, lequel vous valorise le mieux  ?

B.H. : Pour être franche, mon travail et mon talent ont été le plus valorisés dans la danse contemporaine. Quoique je pratique l’Afro street kinois dont je suis l’ambassadrice à ce jour, c’est la danse contemporaine qui m’a révélée dans le milieu de la danse.

L.C.K. : Comment les choses se passent-elles dans l’univers du ndombolo, êtes-vous attachée à un orchestre en particulier  ?

B.H. : Jusque-là je collabore juste avec des orchestres suite à des sollicitations de leur part. Il arrive que je reçoive un appel d’un leader qui m’intéresse en personne à l’un de ses projets ou encore par personne interposée. Ou alors, ce sont les chorégraphes attitrés des orchestres qui m’associent à d’autres danseurs triés sur le volet pour un projet précis. J’impose mon cachet. Si les négociations n’aboutissent pas, je décline l’offre.

L.C.K. : Avec quels orchestres avez-vous déjà collaboré ?

B.H. : J’ai pratiquement travaillé avec presque tous les grands du pays, notamment Werrason, Koffi, Fally Ipupa, JB Mpiana, Héritier et Ferre.

L.C.K. : De laquelle de ces stars avez-vous reçu le meilleur traitement ?

B.H. : Le pasteur Moïse Mbiye. J’ai dansé dans la vidéo de "Na tango na ye" et une autre de mariage. Et, je danse à tous ses concerts.

L.C.K. : Il se dit beaucoup de choses sur les relations entre danseuses et leaders d’orchestres, le confirmez-vous  ?

B.H. : Moi je ne suis attachée à aucun orchestre, je ne saurai rien dire à ce sujet. Ils me sollicitent pour un contrat précis et lorsque j’ai presté, je reçois mon cachet ça s’arrête là.

L.C.K. : Quel est le clip qui vous a révélé dans le milieu ndombolo  ?

B.H. : "Diemba", le générique de l’album de l’album "7 jours de la semaine" de Werrason. C’est à partir de là que tout est parti, j’ai été remarquée dans le milieu du ndombolo et de la danse professionnelle locale. Après "Diemba", en 2017, j’ai commencé à recevoir des sollicitations de toute part.

 Bel’ange Hangidi, danseuse et chorégraphe (DR)L.C.K. : Quel est l’orchestre du milieu ndombolo qui vous a le plus marqué ?

B.H. : C’est Wenge Maison Mère de Werra parce qu’en dehors du gospel, c’est celui qui me traite comme il faut. Par ailleurs, il écoute mes suggestions et prête attention à mes remarques.

L.C.K. : Si des orchestres du milieu ndombolo vous demandaient d’intégrer leurs rangs, lequel choisiriez-vous  ?

B.H. : Aucun ! Je suis indépendante, je tiens à le rester. Je suis à l’aise ainsi, bien dans ma peau. Si j’intégrais un des orchestres, le traitement sera différent de celui d’aujourd’hui.

L.C.K. : Hormis le pasteur Moïse Mbiye, avez-vous déjà collaboré avec un autre musicien dans le registre du gospel  ?

B.H. : Le pasteur Mike Kalambay dans "C’est ton jour", la chanson d’anniversaire.

L.C.K. : Quel est votre plus beau souvenir en tant que danseuse ?

B.H. : Le plus grand souvenir c’est mon voyage en Europe, la tournée du spectacle "Dans la peau de l’autre" avec la Compagnie Pepenas.

 

Propos recueillis par Nioni Masela

Légendes et crédits photo : 

1 - Bel’ange Hangidi, ambassadrice de l’Afro street kinois / DR 2 - La danseuse Bel’ange Hangidi, Bienvenue Kangiengo et Sephora Mutubulu, les trois filles membres de Flawless Team / DR 3 - Bel’ange Hangidi, danseuse et chorégraphe / DR

Notification: 

Non