Interview. Nicole Mballa-Mikolo : "Je cherche la beauté sous des laideurs "

Jeudi 31 Mars 2022 - 12:59

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Auteure  d’un roman et de deux œuvres poétiques, Nicole Mballa-Mikolo dévore les livres, savoure l'écriture, toujours prête à d'autres aventures, d'autres textes. Elle  prépare actuellement son troisième recueil de poèmes et un roman. Insatiable curieuse, elle a des désirs de savoir, de comprendre et brasse le monde, interroge le temps, la vieillesse, affronte la bêtise, chante la joie, clame la réconciliation. Elle puise sa foi chez « les gens ». Les raconter, les écrire, c'est pour elle leur donner l'éternité. Dans cet entretien, celle qui aime répéter « Je cherche la beauté sous les laideurs » parle de sa muse, de ses œuvres littéraires et partage sa réflexion sur le mois de mars dédié à la femme.

Les Dépêches de Brazzaville (L.D.B) : "Dis-moi que tu ne me battras plus/Dis-moi que tu n’éteindras plus mes soleils…" D'emblée,  vous plongez le lecteur dans la violence en citant ce passage de votre récent ouvrage « L’étoile est ma demeure ».

Nicole Mballa Mikolo (N.M.M) : Ce n'est pas moi qui le veux, c'est la vie. La violence  est partout, avec toutes les guerres,  dans les maisons. Lutter  contre elle est un combat de chaque instant qui nous concerne tous pour ne rien laisser passer. Les violences constituent la manifestation la plus aiguë de l’inégalité homme-femme. La déclaration des Nations unies les lie explicitement à la domination des hommes et à la subordination des femmes. Mais à l'opposé de la haine, de la violence, il y a toujours eu l'amour, la beauté, l’art, la poésie.

L.D.B : Est-ce à dire qu'en luttant contre la violence tel que vous le faites dans vos œuvres, l'on peut mettre fin à cette gangrène ?

N.M.M: : Non, la poésie n’a jamais éliminé la violence. Elle n’est  pas la solution. C’est juste une  éclaircie extraordinaire. L'art est gratuit. On ne sait pas où mène le poème quand on commence à l’écrire ni ce qu'il apportera. J'essaie d'être lucide, de percer sous le drame la magnifique humanité des gens. La nature humaine est faite d'ombres et de lumières : je préfère parier sur ces dernières. Au contact de la beauté, l'homme peut transcender la pulsion funeste qui l’habite.  On a vu des gens  complètement transformés  après  lecture. La poésie peut pousser à la révolte, mais le plus souvent elle est amour et espérance. Elle élève le cœur et calme la souffrance, comme un esprit des cieux sur la terre exilée.

L.D.B : D’où vient votre inspiration et peut-on connaître les différents thèmes que vous abordez dans vos œuvres ?

N.M.M.: Plutôt que le mot « inspiration », je préfère parler de ce qui m’émeut, me fait réfléchir, me pousse à écrire, chercher les mots pour le dire. Mon premier travail est de prendre des notes. Ce qui fait que je vais réagir, avoir le désir d’écrire, c’est le regard que je pose autour de moi. Je suis comme un guetteur de la vie autour de moi. Effectivement, je m’intéresse à la vie des gens, donc à l’actualité dans ce qu’elle est importante pour les relations entre les personnes. La vie quotidienne, la condition des femmes, la vie tout simplement. Je regarde. J’observe. Je rencontre.

L.D.B: Le Parlement congolais a approuvé, les 1er et 2 mars à l’unanimité, le projet de loi portant lutte contre les violences faites aux femmes. En tant que femme, que peut-on attendre de l’adoption de ce texte qui marque une certaine  avancée dans la sempiternelle question de lutte contre les violences faites sur les femmes et les filles ?

N.M.M. : Il y avait un vide qui est aujourd’hui comblé. La "loi Emilienne-Mouebara" est une loi importante qui donne à la République du Congo les instruments nécessaires pour lutter contre toutes formes de violences faites aux femmes, dont celles liées aux droits des veuves. Cette loi dite "Maman Emilienne-Mouebara", adoptée le 2 mars dernier, est un instrument juridique important qui mérite notre attention et les applaudissements de tous.

L.D.B : Quel sens donnez-vous au mois de mars dédié à la femme ?

N.M.M. : Le mois de mars est une période importante pour les femmes de tous les âges et de tous les continents. En effet, c’est durant ce mois qu’a lieu la Journée internationale des droits des femmes, la fête des grands-mères et la Journée internationale de poésie. Autant dire que ces trois jours doivent être l’occasion de penser à toutes celles qui nous entourent mais aussi aux femmes, aux grands-mères et aux poètes du monde entier. Pourquoi ce mois est-il si important ? Parce que nous savons tous qu’il y a encore beaucoup d’inégalités entre les hommes et les femmes.

Cette journée est l’occasion d’évoquer les acquis des femmes, de prendre la mesure des défis qui restent à affronter et de rappeler que l’amélioration des droits des femmes, leur participation à la vie politique et économique et l’égalité entre les sexes est un combat de tous les instants qui nécessite la mobilisation et la contribution de toutes et tous.  C’est le jour où les femmes déposent leurs  graines, leurs  intentions, leurs visions et leur engagement pour des lendemains meilleurs. C’est une  journée d’évaluation et de fixation d’objectifs pour l’action. Le jour où l’on soulève  des voiles  et pointe du doigt des incompréhensions. C’est une journée d’actions, de sensibilisation et de mobilisation dédiée à la lutte pour l’égalité et la justice. C'est aussi l'occasion de mettre en lumière les initiatives porteuses qui placent les femmes au cœur de la création, ainsi que leur participation à la vie sociale, politique et économique. Beaucoup a été fait. Beaucoup reste à faire.

L.B.D : Quel message adressez-vous à la femme pour conclure cet entretien ?

N.M.M. : Femme de terre, femme-eau, femme du désert, femme-source, femme-cœur, femme-fleur, femme créatrice, messagère de paix, vivante, je te souhaite une bonne fête et  beaucoup de réussite dans tous les domaines ! Le 8 mars, c’est toute l’année mes sœurs… Et c’est partout ! Ce n’est pas une Journée pour en parler et les 364 autres pour oublier d’agir… Mais c’est bien toute l’année qu’il faut travailler concrètement et dans tous les espaces pertinents pour l’action. Ce n’est ni un sujet réservé aux pays riches et dotés de régimes politiques démocratiques ni un problème de second ordre dans les pays  où les femmes n’ont vraiment aucun droit. Pour relever le grand défi de l’effectivité des droits et de l’égalité réelle, la solidarité entre les hommes et les femmes est nécessaire. Nous les femmes, sommes des créatrices et faiseuses de vie, des porteuses de graines. Nous devons être fortes à toute épreuve. Avec le monde qui va mal, nous devons réveiller toutes les forces en nous, pour  ramener le monde à l'harmonie. Dans nos actions, n’excluons pas les hommes. Quand nous mettons nos forces communes en mouvement, de beaux changements surviennent. Pour cela, nous devons nous organiser en associations.  Il faut créer des organisations féministes puissantes dans les quartiers, les lieux de travail, en zones rurales. Il faut que les femmes se battent pour obtenir leurs droits. C’est à nous de créer les conditions nécessaires pour l’amélioration de notre futur. Femmes, prenons soin de notre humanité, créons de la  beauté, la vérité et l'excellence. Si nous essayons, essayons jusqu’au bout, jusqu’à l’atteinte de la perfection.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Propos recueillis par Hervé Brice Mampouya

Légendes et crédits photo : 

L'écrivaine Nicole Mballa Mikolo / DR

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