Le « franlingala » : un coup porté à la langue et à la musique congolaise

Samedi 22 Février 2014 - 13:57

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Des statistiques tenues par des linguistes rapportent que l’humanité perdrait 25 langues chaque année. Faut-il craindre que, tentés par la culture de l’étranger, nos locuteurs de plus en plus jeunes, pour véhiculer, enrichir les nôtres, ne justifient en l’occurrence un plaidoyer en faveur d’elles ? Il est cependant avéré que de notre musique, de nos chansons ne sont restés, en effet, que des airs mélodieux aux paroles d’une platitude révoltante

Qui n’a pas remarqué pour nos chansons naguère bien écrites la propension aujourd’hui de nos auteurs à user pompeusement du français dans des chansons où l'on retrouve à peine quelques mots en langue nationale ? Cette sorte de créolisation et de bilinguisme de la part de nos artistes prêche paradoxalement pour l’appauvrissement de notre musique par laquelle l’on n’enseigne plus rien… Ya Medos Milandou et son Tam-Tam d'or proposeraient d’honorer un morceau entièrement en langue nationale, que le prix ne trouverait pas son récipiendaire. À ce sujet, les Franco, Tabu Ley, Pamelo, Simaro, Youlou Mabiala, Papa Wemba et autres Boundzeki ont vécu.

Et comme pour ne rien arranger, après l’éloge gratuit fait aux enseignes et griffes occidentales pendant de nombreuses années, nos artistes ont ajouté à cette régression des obscénités, auxquelles sont associés des noms de personnalités de premier plan. Par la récurrence, les voilà assimilées à des produits marchands, dont les artistes, plus que des publicistes, viendraient assurer la réclame.

Les paroles disant ce que la pensée évoque, en comparaison de ce que sont les dessins dits sans légende dans certaines publications, on a dans nos chansons des paroles ornées assez explicites qui, comme des images, sont d’une compréhension aisée. En tous les cas, la courtisanerie outrée de certains de nos artistes, dans ces couplets subversifs du point de vue de la morale, a produit une surenchère pour une prime à la grossièreté. Pour l’anecdote, quelle gêne a-t-il ressenti l’autre jour ce taxi ayant chargé un client étranger dans notre beau pays ? Le passager, emballé par l’air envoûtant que débitait le poste musical à bord, en sollicita la traduction le temps du trajet. Le malheureux chauffeur tout de go flatté, finit par y renoncer bien malgré lui, tant certains passages se révélèrent intraduisibles. En cause, les paroles dédiées à l’épouse d’un notable dont le contenu au caractère suggestif, licencieux le dissuada. À sa grande honte, bien évidemment !

Une jeunesse en danger

De nos voisins nous ne prenons souvent pas le meilleur, hélas ! Cependant tel un malheur qui ne vient  pas seul, nous avons depuis quelques temps en appui de notre musique décadente, emprunté aux Ivoiriens le coupé-décalé. Cet ersatz du ndombolo, à l’origine duquel une musique de désœuvré qui n’enrichit pas nos chants et mœurs de plus en plus liberticides. Elle a fait le lit à une délinquance juvénile, qui livre chaque année son lot de nymphettes à la puberté précoce, avec ce phénomène des filles-mères informes qui n’interpellent curieusement pas nos féministes. Cette dégénérescence de notre société a engendré un engouement pour des habitudes abrasives pour l’esprit ; nos jeunes se sont laissés dangereusement couler dans la fréquentation pernicieuse des comptoirs de fortune, pourvoyeurs d’alcool frelaté. Prédisposés aux maladies sexuellement transmissibles, ils sont en immersion dans la mousse de bière jusque tard dans la nuit. Allant se trémousser dans des bars de quartier qui exposent à des nuisances sonores des voisins qui n’ont rien demandé.

Jean-Marc Zyttha-Allony