Littérature : « Le Terroriste noir », l’histoire romancée d'un chef résistant dans les Vosges né en Guinée

Samedi 28 Septembre 2013 - 8:11

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Dans ce roman paru en 2012, Tierno Monénembo évoque l'histoire d’un jeune Noir appelé Addi Bâ dans un village des Vosges, en France. Cette aventure insolite se déroule à l'époque de la Seconde Guerre mondiale et de la Résistance

Espion des Allemands ? Ce Noir découvert en pleine forêt, un bon matin d’automne par le père et le fils Valdemaire constituait une énigme, mais surtout un problème gênant. Que diable allait-t-on faire de lui ? Tout de suite, sans chercher à répondre à ses interrogations intérieures, sans aller trop loin sur le bon choix à faire, Hubert, le père hâta le pas et intima – sans mot dire – à son fils d'en faire autant. Sans broncher, il s'exécuta, mais en se demandant  s'il était bien d’abandonner un homme, quel qui soit. La journée se poursuivit sans que le jeune Étienne, dix-sept ans à peine, n’eut le courage de poser la question à laquelle le père voulait échapper. C’est à l’heure du dîner que le silence se rompît à l’étonnement de la mère, Germaine Tergoresse : « Alors, ce nègre, nous allons le laisser dans la forêt, père ? » (page 13)

Le livre, de deux cent vingt-quatre pages, rapporte ensuite l’épopée du jeune Noir qui entra plus tard dans la Résistance. Ce choix des armes était intervenu trop tôt, à seulement treize ans. C’est après avoir échappé aux Allemands en 1940, en s’évadant d’une garnison de Neufchâteau précisément, qu’il se retrouva dans ce petit village nommé Romaincourt. Loin des bombes qu’il fuyait, il vécut pendant trois ans en lisière du village grâce aux soins particuliers de la famille Valdemaire. D’Étienne surtout. Ce dernier se liera d’une surprenante et profonde amitié avec Addi Bâ, même au-delà de la tombe... Néanmoins, de nombreuses questions toutes simples restaient sans réponses. À commencer par son nom, ses origines, bien qu’il finira avec sa voix douce par s'imposer et à en attendrir plus d’un dans le village. Chose curieuse,  il restait muet. Le maire et certaines autorités civiles étaient dans les bonnes grâces de ce petit bonhomme des colonies, à l’exception du curé qui se sera méfié de lui jusqu’au bout. « Parce qu’il était noir, parce qu’il ne faisait pas comme tout le monde. Parce que musulman, il ne mangeait pas le cochon ni ne buvait la gnôle, parce qu’il fouinait partout, se mêlait de tout, en ces temps incertains…. » (page 32)

Addi Bâ venait en fait de Guinée équatoriale, son histoire n’était pas de tout repos pour le village, parce qu'à l’instar des juifs, des communistes ou des déserteurs allemands, lui aussi, surnommé le « terroriste noir »,  était recherché. Sa traque ne finit donc jamais dans ce roman, jusqu’au jour où des explosions viendront bouleverser la quiétude de ce petit coin paisible, emportant ou déchirant des vies.

Tierno Monémembo, prix Renaudot 2008, évoque l’histoire qui défile à une vitesse bouleversante, celle de la vie d’Addi Bâ et de sa famille d’adoption, les Valdemaire. On pourrait comparer l'épilogue aux remous d’un très lointain village africain. L’auteur a également publié aux Éditions du Seuil Les Crapauds-Brousse, Les Écailles du ciel, Cinéma ou encore Le Roi de Kahel pour lequel il reçut une distinction en 2008.

Luce-Jennyfer Mianzoukouta