Nord-Kivu : relations tendues entre la Monusco et la société civileSamedi 3 Août 2013 - 14:37 La coordination de la société civile de la province ne supporte plus les atermoiements de la Brigade d’intervention à lancer l’offensive contre les groupes armés et se dit prête à se désolidariser d’elle si jamais elle restait figée dans cette attitude. Elle désapprouve, par ailleurs, le tracé de la zone de sécurité telle que définie par la Monsuco.
Après l’expiration le 1er août de l’ultimatum lancé par la Monusco contre tout porteur d’armes ne faisant pas partie des forces nationales de sécurité autour de la ville de Goma et Sake, la population du Nord-Kivu a désormais l’œil rivé sur la Brigade spéciale d’intervention de qui elle attend une action militaire d’envergure contre les groupes armés. Visiblement excédée par les exactions récurrentes des forces négatives dans les territoires sous leur contrôle, la coordination de la société civile du Nord-Kivu vient, par le biais d’une récente déclaration, d’accorder une semaine à la Brigade onusienne pour se mettre à l’œuvre conformément à son mandat visant la protection de la population civile. Cette dernière, qui a toujours relativisé certaines actions entreprises par la Monusco, est loin d’apporter sa caution morale à la nouvelle initiative de son chef militaire, le général Alberto Dos Santos Cruz, eu égard à l’ambiguïté ayant caractérisé les termes de l’ultimatum. Pour une large opinion locale, en effet, cet ultimatum de la Monusco n’est qu’une diversion de plus lorsqu’on sait que le M23 et d’autres groupes armés visés ne sont plus actifs sur l’axe Goma-Saké où se positionnent désormais les forces loyalistes. D’où l’appel des jeunes du Nord-Kivu pour que la Monusco étende sa zone de sécurité jusque dans les territoires en proie à l’activisme du M23, des FDLR, des ADF-NALU et d’autres milices locales. Il s’agit notamment des territoires de Rutshuru, Beni, Nyarangongo où la population semble être livrée à la merci des groupes armés. C’est dans ce contexte qu’il faudrait situer la manifestation du 2 août sur la route allant du rond-point Birere à l’aéroport devant les bureaux de la société civile. Des jeunes en furie ont exigé de la Monusco plus de présence dans ces territoires plutôt que de se cantonner sur l’axe Goma-Sake. Manipulation ou intoxication ? « Si jamais nos revendications ne sont pas prises en compte, nous allons demander à la population de se désolidariser de la Brigade d’intervention et même de faire pression jusqu’à obtenir son départ », a déclaré un membre de la coordination de la société civile. A Rusthuru, Beni et ailleurs, le discours est quasi le même : la brigade ne veut pas aller en choc frontal avec le M23 qu’elle protège. Dans la classe politique congolaise, ce crédo de la société civile du Nord-Kivu est diversement interprété. Si certains y voient une forme de pression pour amener la Monusco à reconsidérer son action militaire en RDC pour plus d’efficacité, d’autres, par contre, estiment qu’il faut laisser le temps aux stratèges militaires onusiens de planifier leur action. « On ne peut pas demander à la Monusco de tout faire en même temps. Nous devons être sages, Il faut laisser les spécialistes faire leur travail », confiait il y a peu un cadre de la majorité. Du côté de la Monusco, on ne semble pas céder à la pression populaire. Les forces onusiennes entendent aller à leur rythme, suivant un planning bien déterminé, loin de toute agitation. « Il n’appartient pas à la société civile de faire partir la force d’intervention spéciale qui est venue en RDC sur demande du gouvernement », confiait un officier de la Monusco qui met toute cette agitation sur le compte de la manipulation et de l’intoxication. Vendredi dernier, des tensions ont été ressenties dans la ville de Goma sur fond des manifestations anti-Monusco. Il a fallu que le colonel Mamadou Ndala, commandant des forces congolaises au front, explique à la population que « la Monusco procédait par étape et qu’il fallait la laisser opérer » pour que les ardeurs des manifestants soient tempérés. À tout prendre, l’impatience de la population du Nord-Kivu de voir la Brigade d’intervention entrer rapidement en action peut justifier l’escalade verbal qui transparaît de plus en plus dans le chef des acteurs sociaux de cette province. Plus que jamais, la crédibilité de la Monusco qui, plus d’une fois, a eu maille à partir avec la population locale, est de nouveau mise à rude épreuve. En faisant un clin d’œil dans leur déclaration aux forces loyalistes qui témoignent ces derniers jours de leur bravoure sur la ligne de front sur fond des appels au soutien en leur faveur, la société civile du Nord-Kivu est on ne peut claire : « La solution à la crise du Nord-Kivu ne pourra venir des forces étrangères, mais bien des Congolais eux-mêmes, via les Fardc dont il faudra requinquer le moral à travers un soutien tous azimuts ». Tout un message. Alain Diasso Légendes et crédits photo :Des casques bleus de la Monusco |