Portrait : 1001 vies de Savhana Maksane

Jeudi 22 Juillet 2021 - 19:30

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Princesse, voleuse, sergent-chef,  english’ student, restauratrice, interprète, actrice culturelle, présentatrice de journaux télévisés, slameuse, manager, professeur à l’université... Les étranges vies de Savhana Maksane.

A parler autour d’une table en tête-à-tête avec Savhana  Maksane, on se dit qu’il serait plus simple d’écrire un roman que rédiger un article pour tracer le cours de sa vie. Les quelque quarante années de la vie de Savhana pourraient tout autant inspirer un romancier qu’un cinéaste.  Et l’histoire commence au 1er jour de sa naissance à  l’hôpital Lariboisière dans le Xe arrondissement de Paris, à 13 heures, un 24 février de l’année 1978. Au lendemain, sa mère Cyprienne qui est encore lycéenne et son père Jean Alfred, jeune étudiant, se marient : «  Je venais à peine de naître. Ma mère est allée à son mariage en ambulance, accompagnée d’une infirmière et d’un médecin », a dit Savhana. De quoi faire une jolie introduction au premier chapitre d’un livre ou une tout aussi jolie scène de film pour le box office.

Pas le temps d’épiloguer, il faut pitcher sans plus de détails.  Alors on pitch : un grand-père hautement installé dans la classe politique congolaise qui fait de Savahana une petite princesse cousue d’or et d’argent, des vols Air-Afrique pour d’incessants allers-retours entre Brazzaville et Paris, un jeune frère dont elle aura la charge en l’absence de son père et d’une mère hospitalisée, le grand-père acariâtre, victime d’un arrêt cardio-vasculaire venu faire régner sa loi à la maison et dont elle doit aussi s’occuper.  Et puis ce soir de colère de ce même grand-père  qui met Savhana, qui n’a que 14 ans,  et son jeune frère Willy, à la porte de la maison familiale, proche du métro Gambetta.  « Le métro et  la rue étaient devenus mon toit. Willy et moi nous dormions dehors et je volais dans les magasins  parisiens pour manger,  cela a duré jusqu’au jour où Bienvenu, un vigile congolais, m’ayant surprise à voler s’est apitoyé sur notre sort et nous a hébergés », a-t-elle raconté  sans amertume dans la voix.

A contrecœur, il faut lâcher quelques épisodes  pour retrouver Savhana, même pas 15 ans, admise au concours de l’Ecole militaire française dans le département des Yvelines. Affectée aux télécommunications, elle y poursuit ses études, trouve un cadre de vie, une nouvelle famille et reste dans l’armée six années durant pour finir sergent-chef ! Son stage de fin de formation l’amène à Colchester, en Angleterre. « J’avais une vingtaine d’année, c’est à Londres que j’ai mené ma révolution personnelle en tant que jeune fille black qui cherchait à s’émanciper, j’ai travaillé dans la restauration, me découvrant une passion pour la cuisine.  J’ai continué  en parallèle mes études  et j’ai obtenu un master en art et communication »,  a rembobiné Savhana.  A l’aise dans la langue de Shakespeare, Savhana sert aussi d’interprète à des réfugiés congolais fuyant la guerre de Brazzaville, c’est dans ce contexte qu’elle fait la rencontre d’un avocat originaire de la Sierra Leone qui deviendra son mari et  à qui elle fera deux beaux enfants !  Années de bonheur que vient rompre l’accident mortel de son mari ! «  Je suis alors  rentrée en France, c’était en 2010. Je suis d’une nature battante et je l’ai forcée un peu plus en oeuvrant dans l’association Unité Urbaine en faveur de la jeunesse des banlieues où l’on faisait beaucoup de rap. Je suis devenue également la journaliste du JT pour Télé-Sud, j’ai fait pas mal de choses en fait, sans jamais baisser les bras », a-t-elle dit d’un ton qui traduit son caractère de femme battante.

Chanteuse mais aussi slameuse, Savhana  Maksane a rejoint en 2012  son pays d’origine,  où  après avoir fondé le cabaret Slam Chez  DuParis, le temple du slam à Bacongo, elle enseigne le cinéma à l’Université Marien-Ngouabi. Elle est également de tous les combats dès qu’il s’agit de culture, manageant entres autres l’artiste Bordas Tikulu.  Si Savhana n’a pas encore clos le livre de sa vie, elle force déjà l’admiration.

Philippe Edouard

Légendes et crédits photo : 

Savhana

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